Le PE et le Conseil se sont mis d'accord sur de nouvelles règles obligeant les entreprises à intégrer les droits humains et l'impact environnemental dans leurs systèmes de gestion.
La nouvelle directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité, qui a fait l’objet d’un accord informel entre les colégislateurs de l’UE jeudi, impose aux entreprises l’obligation de surveiller leur impact négatif sur les droits humains et sur l’environnement, notamment en ce qui concerne le travail des enfants, l’esclavage, l’exploitation du travail, la pollution, la déforestation, la consommation excessive d’eau ou les dommages causés aux écosystèmes.
Ils devront intégrer le "devoir de diligence" dans leurs politiques et systèmes de gestion des risques, et prévoir la description de leur démarche, de leur fonctionnement et de leur code de conduite. Les entreprises devront également adopter un plan garantissant que leur modèle est conforme aux efforts mis en œuvre pour contenir le réchauffement climatique à 1,5 °C. Les députés ont veillé à ce que les directions d’entreprises de plus de 1000 salariés bénéficient d’avantages financiers pour la mise en œuvre du plan.
"Cette loi constitue une avancée historique. Les entreprises sont désormais responsables des abus potentiels dans leur chaîne de valeur, dix ans après la tragédie du Rana Plaza. Que cet accord soit un hommage aux victimes de cette catastrophe, et un point de départ pour façonner l’économie du futur — un point de départ qui place le bien-être des personnes et de la planète avant les profits et le court-termisme. Je suis très reconnaissante envers ceux qui m’ont rejointe dans la lutte pour cette loi. Elle garantit que les entreprises honnêtes n’ont pas à participer à la course contre les entreprises de cowboys", a déclaré la députée européenne Lara Wolters (S&D, NL) après la fin des négociations.
Le Parlement a toujours plaidé en faveur d’une plus grande responsabilisation des entreprises et d’une législation obligatoire en matière de devoir de vigilance. La proposition de la Commission a été introduite le 23 février 2022. Elle complète d’autres actes législatifs existants et à venir, tels que le règlement sur la déforestation, le règlement sur les minerais provenant de zones de conflit et le projet de règlement interdisant les produits issus du travail forcé.
La législation s’appliquera aux entreprises de l’UE et aux sociétés mères de plus de 500 salariés et ayant un chiffre d’affaires mondial supérieur à 150 millions d’euros. Les obligations s’appliqueront également aux entreprises de plus de 250 salariés et dont le chiffre d’affaires est supérieur à 40 millions d’euros si au moins 20 millions sont générés dans l’un des secteurs suivants: la fabrication et le commerce de gros de textiles, d’habillement et de chaussures, l’agriculture, y compris la sylviculture et la pêche, la fabrication de denrées alimentaires et le commerce de matières premières agricoles, l’extraction et le commerce de gros de ressources minérales ou la fabrication de produits connexes et la construction. Elle s’appliquera également aux sociétés de pays tiers et aux sociétés mères ayant un chiffre d’affaires équivalent dans l’UE.
Les entreprises devront identifier, évaluer, prévenir, atténuer, mettre fin et remédier à l’impact négatif de leurs activités sur les personnes et sur la planète, ainsi que celui de leurs partenaires, notamment en terme de production, approvisionnement, transport, stockage, conception et distribution. Pour ce faire, ils seront tenus de faire des investissements, de demander des assurances contractuelles auprès des partenaires, d’améliorer leur business plan ou d’apporter un soutien à leurs partenaires des petites et moyennes entreprises
Les députés ont veillé à ce que les entreprises soient également tenues de s’engager de manière significative avec les personnes concernées par leurs actions, d’introduire un mécanisme de plainte, de communiquer sur leurs politiques de devoir de vigilance et d’en surveiller régulièrement l’efficacité. Les députés ont également veillé à ce que les gouvernements de l’UE soient tenus de créer des portails d’informations pratiques, consacrés aux obligations impliquées par le devoir de vigilance des entreprises, qui fourniront des informations sur le contenu et les critères, des orientations de la Commission et des informations connexes pour les parties prenantes.
Chaque pays de l’UE désignera une autorité de contrôle chargée de vérifier si les entreprises respectent ces obligations. Ces organismes échangeront les bonnes pratiques et coopéreront au niveau de l’UE au sein du réseau européen des autorités de surveillance établi par la Commission. Ils seront en mesure de lancer des inspections et des enquêtes et d’imposer des sanctions aux entreprises non conformes, y compris la dénonciation publique et des amendes allant jusqu’à 5 % de leur chiffre d’affaires net mondial.
Les députés ont négocié que les entreprises soient responsables du non-respect de leurs obligations liées au devoir de vigilance et que les victimes aient droit à l’indemnisation pour des dommages-intérêts. Pour encourager les entreprises, les députés ont enfin veillé à ce que le respect des obligations de devoir de vigilance puisse constituer un critère dans le cadre des attributions de contrats publics et de contrats de concession.
Le projet de loi approuvé nécessite l’approbation formelle de la commission des affaires juridiques et du Parlement dans son ensemble, ainsi que du Conseil (gouvernements de l’UE) avant de pouvoir entrer en vigueur.