Droits d'auteur : pas d'identification à la TVA pour les administrateurs dit le SDA

Lors de la mise en place du régime fiscal attractif des droits d’auteur (taxation au taux distinct de 15%, forfait de charge de 50% jusqu’à un montant de 16.560 EUR), une question épineuse est souvent celle de savoir s’il convient d’identifier à la TVA l’administrateur de société ou s’il peut en être dispensé.


Par prudence, la plupart des conseillers suggèrent à leurs clients de procéder à cette identification, sachant que bien souvent cette démarche ne donne lieu qu’à une simple formalité administrative sans conséquences ou désagréments, dès lors que la grande majorité des revenus de droits d’auteur n’excède pas 25.000 EUR par an et bénéficie à ce titre du régime de la franchise TVA.


Il semble que cette question puisse désormais appartenir au passé, si l’on se fonde sur deux récentes décisions anticipées rendues par le SDA et adressées à des demandeurs néerlandophones, l’un développant des softwares (décision anticipée 2020.0235 du 5 mai 2020) et l’autre concevant des campagnes publicitaires ( décision anticipée 202.0203 du 28 avril 2020).


Ces deux décisions anticipées sont une petite révolution .


Les principes

La cession de droits d'auteur est une opération soumise à la TVA. En effet, l’opération de cession ou de concession d’un brevet, d’une marque de fabrique ou de commerce, d’un droit d’auteur, d’un dessin ou modèle industriel, ou d’autres droits similaires ou l’octroi de licences concernant ces droits, est une prestation de services (art. 18, § 1er, 7° du Code de la TVA).


Et comme chacun sait, quiconque effectue, dans l'exercice d'une activité économique, d'une manière habituelle et indépendante, à titre principal ou à titre d'appoint, avec ou sans esprit de lucre, des livraisons de biens ou des prestations de services visées par le code de la TVA, a, en principe, la qualité d'assujetti à la TVA (art. 4, § 1, CTVA)


Le tarif de la TVA applicable à une telle opération est précisé à la rubrique XXIX du tableau A annexé à l’arrêté royal n° 20 du 20 juillet 1970 fixant les taux de la taxe sur la valeur ajoutée et déterminant la répartition des biens et des services selon ces taux est libellée comme suit : la TVA belge calculée au tarif de 6 %


Effectuées par un assujetti, de telles prestations de services sont soumises à la TVA au taux réduit de 6 %, à l’exception de celles portant sur des programmes d’ordinateur, soumises au taux ordinaire de 21 % (art. XXIX, 1°, Tableau A, AR n° 20).


Le taux de 6 % est également applicable aux rétributions que les organisateurs d’événements (spectacles, concerts, fêtes ou divertissement), les exploitants de débits de boisson, de dancings ou de juke-boxes et les organismes de radiodiffusion ou de télévision, établis dans le pays attribuent aux auteurs et aux compositeurs directement ou à l’intervention des sociétés de droits d’auteur, pour la représentation, l’exécution ou la retransmission publique d’une œuvre littéraire, dramatique, dramatico-musicale ou musicale (circulaire n° 142, 24 septembre 1971, Fisconetplus et art. XXIX, Tableau A de l’AR n° 20).


Cession ou concession de droits d’auteur par un administrateur à sa société

S’agissant du cas particulier des administrateurs-personnes physiques qui cèdent ou concèdent des droits à leur société, le Service des Décisions anticipées a exprimé le point de vue suivant.


Les administrateurs de sociétés qui agissent comme personnes physiques (donc pas comme personnes morales) dans l'exercice normal de leur mission statutaire sont à considérer comme des organes de la personne morale qu'ils représentent.


Ils ne peuvent donc à ce titre agir de manière indépendante, selon le SDA, ce qui implique qu’ils ne sont pas considérés comme des assujettis à la TVA.


Ce point de vue est d’ailleurs conforté par une décision n° E.T. 79.581 du 27 janvier 1994.


Comme le souligne à juste titre le SDA dans sa décision 2020.0235 , l'administration de la TVA suppose que les administrateurs ou chefs d'entreprise agissant en leur qualité de personnes physiques agissent dans le cadre normal de leurs fonctions statutaires et agissent en tant qu'organe de la personne morale qu'ils représentent, en raison de la nature de leur mandat d'agent, n'agissant pas de manière indépendante au sens de l'article 4, §1 du code de la TVA.


Les opérations effectuées par ces administrateurs ou gérants en cette qualité dans l'exercice de leur mandat statutaire ne devraient donc pas être soumises à la TVA.


Le SDA en tire la conséquence suivante : il faut supposer que la personne physique qui, en plus de l'exercice de son mandat statutaire, transfère ses droits d'auteur à la personne morale dont il est administrateur ou gérant, ou qui lui accorde des droits de licence sur ses droits d'auteur, ne doit pas être identifié pour la TVA comme un assujetti pour la cession ou la concession de ces droits d'auteur.


Conclusion

Ce point de vue du SDA constitue un évident tournant dans la saga interminable et source d’incertitude de l’assujettissement TVA des administrateurs de sociétés retirant des droits d’auteur de leur entreprise.


Il est évidemment prématuré d’en inférer une position de principe de l’administration fiscale (rappelons que le SDA ne se prononce que sur une demande qui lui est soumise et les décisions n'ont pas une portée générale).


Il n’en demeure pas moins que la lecture des deux décisions précitées laisse à penser que le SDA semble prendre position de manière assez tranchée, en se fondant sur une analyse pertinente et conforme aux principes de droit. Il est donc fort probable que l’on retrouve ce type d’analyse dans les décisions anticipées à venir.


Une telle position pourrait infléchir la position de l’administration de la TVA qui, jusqu’à présent ,n’ a jamais osé se prononcer clairement sur cette question et a toujours soufflé le chaud et le froid. Il est temps qu’une décision administrative soit à présent rendue pour clore le débat (ce qui permettra aussi de désengorger les services TVA qui voient avec dépit ces identifications TVA par centaines leur parvenir alors qu’elles ne donnent lieu, la plupart, à aucune perception de TVA ).


Cette approche nouvelle, outre qu’elle renforce l’intérêt d’introduire un ruling en cette matière, est en tout cas rafraîchissante et nous incite à penser que l’identification TVA des administrateurs de société (titulaires de droits d’auteur) pourrait vivre ses dernière heures. Mais restons prudents.

Affaire à suivre...


Source: Linkedin

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