​En matière fiscale, on plaidera devant la Cour d’appel de Bruxelles en ... avril 2040 (!)

J’ai récemment reçu un courrier de la Cour d’appel de Bruxelles m’avisant de ce qu’une affaire en matière fiscale, introduite devant la Cour en 2021, ne pourra vraisemblablement pas être plaidée avant ...AVRIL 2040 ( !). Un tel arriéré est une atteinte inadmissible à l'Etat de droit.

Des vies d’indépendants sont brisées, des entreprises font faillite etc., parce que des impôts enrôlés à la légère ou de manière abusive ne peuvent être jugés et dégrevés dans un délai raisonnable.


En matière fiscale, tous les recours, y compris le recours en cassation, sont suspensifs. Pas d’exécution provisoire possible donc après un jugement favorable en première instance. Le contribuable qui conteste l’impôt enrôlé à sa charge et qui introduit un recours est dès lors confronté à un choix cornélien :

  • Soit il paie l’impôt contesté et s’il obtient gain de cause au bout d’une longue procédure (et parfois jusqu’en cassation s’il s’agit d’une affaire de principe), l’administration lui remboursera l’impôt indûment perçu, majoré d’un intérêt de seulement 2% par an;
  • Soit il ne paie pas l’impôt litigieux et s’il échoue dans sa contestation, il devra alors payer l’impôt en question majoré cette fois d’un intérêt de 4% par an (et non déductible fiscalement).


Par un arrêt du 29 novembre 2018 (arrêt n° 168/2018), la Cour constitutionnelle n’a rien trouvé à redire à cette différence de taux qui relève pourtant de la discrimination évidente. Et contrairement à ce que la Cour Constitutionnelle et le Ministre ont dit pour le justifier, ce n'est pas le contribuable mais bien l'Etat qui profite de ce système discriminatoire : s’il perd, l'Etat devra finalement payer un intérêt inférieur à l’inflation et s’il gagne, il percevra un intérêt supérieur aux taux actuels du marché pour les emprunts d’Etat à long terme.

Un haut magistrat avait qualifié la Belgique d’ « Etat voyou » et il n’avait pas tort.

La solution est pourtant simple : il suffit de prévoir dans la loi que les intérêts au profit de l’Etat sont suspendus si les recours judiciaires ne sont pas jugés dans les six mois. Les contribuables ne paieront donc plus les impôts litigieux et l’Etat devra attendre l’issue favorable des procédures pour en obtenir le paiement, sans intérêts, si lesdites procédures durent plus de six mois. Gageons que si l’on fait cela, l’arriéré judiciaire en matière fiscale sera vite résolu ...

En attendant, je vais trouver un jeune stagiaire qui pourra plaider cette affaire en 2040, devant un juge qui, aujourd’hui, n’a peut-être même pas encore commencé ses études de droit et qui devra se livrer, en 2040, à un exercice d’historien pour retrouver les dispositions fiscales applicables au cas d’espèce..​​

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