
Le tribunal de première instance du Luxembourg (div Marche-en-Famenne) a rendu le 7 septembre 2022 un jugement remarquable concernant le champ d'application personnel de la mesure générale #anti-#abus (article 344,§1er du CIR), qui intéressera les (avocats) fiscalistes mais aussi les #estateplanners.
La question se pose de savoir si le contribuable (qui revendique l’avantage fiscal) doit être partie à tous les actes juridiques constitutifs d’abus. Autrement dit, la disposition anti-abus peut-elle être invoquée à l’encontre de contribuables qui ne sont pas partie à l’acte juridique ou la série d’actes juridiques susceptibles d’abus?
Les faits de l'espèce concernent un montage classique de transmission d'une entreprise familiale à la génération future. Un couple de parents avait cédé leurs actions dans l'entreprise familiale à la société holding détenue par leur fils pour un prix de 2.256.800 EUR. Une partie de la créance de prix avait alors été donnée par les parents à leurs trois enfants (1.350.000 EUR). Peu de temps après, la filiale a distribué un dividende à la holding, afin de lui permettre de financer une partie du prix d'acquisition des parts. Le fisc a considéré que le montant du prix de cession qui avait été payé aux parents (888.131 EUR) devait être taxé dans leur chef comme un dividende à l'IPP, sur le fondement de l'article 344,§1er du CIR.
Dans son jugement fort bien motivé (18 pages), le magistrat a, à juste titre selon moi, écarté l'application de la mesure anti-abus dès lors que:
1) les parents n'avaient pas posé eux-mêmes l'ensemble des actes juridiques composant l'opération (en particulier la constitution de la holding et la distribution du dividende par la société opérationnelle à la holding); ET
2) ils ne les avaient pas davantage « pilotés » ou « téléguidés ». Le tribunal a fait ici référence à l'article que M. DELANOTE et moi-même avons publié sur la théorie des "actes subséquents" et des "actes liés", suivant laquelle certains actes qui n’auraient pas été posés par le contribuable lui-même pourraient néanmoins dans certains cas bien particuliers lui être « imputés » dans le cadre du redressement d’un abus fiscal. Le fait que les parents n'étaient pas actionnaires de la société holding et qu'ils n'avaient pas influencé la décision de distribution de dividende semble avoir joué un rôle décisif.
Source: Linkedin