​Et si le RN était la réaction contre un capitalisme de déclassement ?

Depuis plusieurs années, je consacre de nombreux articles à l’imminence de chocs sociaux découlant de la perte de repères induite par la mondialisation et, encore plus, de l’austérité, plus perçue que réelle car la croissance économique est incontestable, donnée par les autorités européennes en réponse aux crises successives. Sans comprendre les ferments de la sourde colère des oubliés de la mondialisation, nos gouvernants et syndicats restent d’ailleurs indécis devant ces mouvements non structurés et non dirigés qui reflètent un désespoir social, un abandon sociétal et la perte d’un projet collectif solidaire.

Aujourd’hui, l’accès aux centres urbains et aux gisements de travail devient la césure, ou plutôt la fracture sociale, d’autant plus visible que la vitesse de la sphère marchande s’accélère. L’économie digitale et les exigences logistiques font pénétrer nos communautés dans un contexte de flux commerciaux plutôt que de stock d’actifs. Si la vitesse de ce flux dépasse la capacité de mobilité et d’adaptation du travail, certains veulent réduire la vitesse des échanges.

Derrière le RN, il y a un profond effroi contre l’oubli des plus faibles par les élites depuis le basculement financier subi en 2008, contre l’insécurité économique, sociale et morale liée aux clivages sociaux et géographiques entre populations urbaines et rurales, et contre, enfinla peur entretenue de l’immigration et de ses conséquences démographiques résultant des bouleversements géopolitiques.

Cette peur plonge ses racines dans de nombreuses angoisses, dont celle du glissement du socle des valeurs mais aussi celle du partage du travail et donc du déclassement social. La détérioration des services publics joue aussi un rôle décisif, tout comme la rupture des structures familiales et la nécessité de renouer avec des solidarités, même éphémères et circonstancielles, ce qui ne les disqualifie pas.

Le travail devient précaire et le pouvoir de négociation salariale des travailleurs est très limité dans une économie digitale et robotisée dans le secteur industriel et désormais dans l’économie des services. En Europe, il n’est pas non plus possible de distinguer le populisme du façonnement monétaire de l’euro, couplé à la déterritorialisation du travail. Les unions de devises sont très exigeantes car elles impliquent une mobilité des facteurs de production. Malheureusement, si une monnaie unique exige la mobilité du capital sans entraîner celle du travail, c’est tout le mécanisme économique qui se grippe.

Quoiqu’il en soit, le populisme exprime la marginalisation, une désespérance et une misère sociale alimentant un sentiment de déresponsabilisation personnelle. Même la pédagogie sur les réalités économiques et les dépenses sociales de l’État devient inutile. Ces informations sont, au mieux, des abstractions.

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