Un jugement inédit du 21 janvier 2019 du Tribunal de première instance du Brabant Wallon se penche sur la condition inhérente à leur caractère obligatoire et étend l’exemption aux autres contrats d’assurance auxquels les réserves ont été transférées.
L’article 8 §1er des Codes wallon et bruxellois des droits de succession établit une fiction assimilant à un legs les capitaux qu’un tiers nommément désigné est appelé à recevoir à titre gratuit au décès du stipulant.
Cette disposition vise presque exclusivement les sommes ou valeurs recueillies en vertu d’une assurance sur la vie contractée par le défunt au profit du bénéficiaire.
L’article 8 prévoit toutefois certaines exceptions à cette assimilation.
A cet égard l’alinéa 6, 3° de ce même article est libellé dans ces termes : « Le présent article n’est pas applicable : (...)
3° aux capitaux et rentes constitués à l’intervention de l’employeur du défunt au profit du conjoint survivant du défunt ou, à défaut, au profit de ses enfants n’ayant pas atteint l’âge de vingt et un ans, en exécution soit (première condition) d’un contrat d’assurance de groupe souscrit (deuxième condition) en vertu d’un règlement obligatoire de l’entreprise et répondant aux conditions déterminées par la réglementation relative au contrôle de ces contrats, soit du règlement obligatoire d’un fonds de prévoyance institué au profit du personnel de l’entreprise; »
Le 21 janvier dernier, le Tribunal de première instance du Brabant Wallon a eu l’opportunité de se prononcer sur cette disposition.
Les faits soumis à l’appréciation du Tribunal brabançon sont les suivants.
Monsieur est décédé en 2015. Il laissa comme héritiers légaux son épouse et ses trois enfants.
Dans le cadre de la déclaration de succession, Madame fit mention de l’existence d’un capital perçu en qualité de bénéficiaire de polices d’assurance qualifiés de structure d’accueil dont elle revendiqua l’exonération en application de l’article 8, §6, 3° du Code des droits de succession.
Ces contrats conclus avec AXA avaient été souscrits au moyen de réserves constituées dans le cadre d’une police d’assurance-groupe dont bénéficiait Monsieur lorsqu’il travaillait pour la société Brambles.
Le total des réserves acquises s’agissant des versements de l’employeur s’élevait à 181.000 euros et le total des réserves constituées par Monsieur sur base volontaire était de 41.000 euros.
Suite à son départ de la société, Monsieur avait fait le choix de transférer les réserves constituées dans la structure d’accueil d’AXA en 2013.
L’Administration procéda à la taxation de l’ensemble du capital, ce que Madame contesta.
En cours d’instance, l’Administration soutenait tout d’abord qu’il ne s’agissait pas d’un contrat d’assurance souscrit en vertu d’un règlement obligatoire.
Le Tribunal - qui est à notre connaissance l’une des premières juridictions à se prononcer sur le caractère obligatoire tel qu’il découle de cette disposition – confirma la position traditionnelle de la Doctrine et décida qu’il « y a lieu de donner au caractère « obligatoire » le sens actualisé et compatible avec le droit du travail de ce que l’exemption doit être limitée à la partie des capitaux et rentes qui provient des cotisations obligatoires.
A l’inverse, il n’y a pas d’exemption pour la partie qui provient des cotisations payées librement, soit en plus des cotisations prévues par le règlement de l’employeur, soit des cotisations payées à une époque où le travailleur ne faisait plus partie du personnel de l’entreprise. »
Le Tribunal valide ainsi la distinction entre les capitaux procédant de versements volontaires de l’employé, lesquels sont taxés, de ceux procédant de versements imposés à l’employé sur base légale ou contractuelle, lesquels sont exonérés.
Finalement, la condition légale était bel et bien réalisée, estima le Tribunal, puisqu’« au sein de l’entreprise, l’affiliation à une assurance de groupe est toujours obligatoire pour tous les membres du personnel appartenant à la catégorie définie par le règlement d’assurance, en application de l’arrêté royal du 17 décembre 1992 relatif à l’activité d’assurance sur la vie ».
L’Administration avançait également que Madame avait perçu le capital en tant que bénéficiaire de la police d’assurance « structure d’accueil », estimant qu’il s’agissait donc d’un autre contrat ne répondant pas aux conditions de l’article 8 §6 3°.
Le Tribunal rejeta cette argumentation. « En effet, le capital de ce contrat d’assurance provient des réserves acquises dans un contrat d’assurance de groupe initial, souscrit par l’ancien employeur et qui répondait aux conditions prévues » par la disposition en question.
La motivation du Tribunal de première instance du Brabant Wallon est remarquable en ce qu’il juge qu’ « aux termes du règlement de travail régissant l’assurance de groupe, il était loisible à Monsieur de transférer les réserves constituées par son employeur vers un autre organisme de pension, lorsque le contrat de travail a pris fin. »
Le Tribunal rappela également la décision administrative du 4 janvier 1994 qui permet ce transfert lors d’un départ à la retraite et en conclut que toute discrimination avec le cas d’espèce serait dépourvue de toute justification objective et raisonnable.
Par cette décision le Tribunal brabançon confirme que l’employé est ainsi libre de disposer à sa guise du capital provenant d’une assurance-groupe lors de son départ à la retraite, à la prépension ou encore lorsqu’il quitte tout simplement son emploi comme dans le cas d’espèce. Il peut en effet opter pour la continuation de son contrat ou le transférer vers un nouveau contrat d’assurance.