First mover : ils avaient pourtant tout pour révolutionner le monde…. Quels enseignements en tirer?

On nous parle souvent de ces géants tels que Eastman Kodak et autres Nokia qui ont raté le virage technologique précipitant leur chute. Mais bien avant l’arrivée du GSM, du Web, du PDA ou encore de la tablette, une start-up fondée en 1990, spin-off d’Apple, allait révolutionner à jamais le monde de la communication mobile.

Cette société est le précurseur du smartphone. Cette société n’est ni Apple ni Samsung. Mais qui se souvient encore d’elle ?

Elle s’appelle General Magic, fondée par deux icônes de la Silicon Valley, Bill Atkinson et Andy Hertzfeld tous deux ayant contribué activement au développement du légendaire Macintosh lancé en 1984 et Marc Porat auteur charismatique, dans le cadre de son Doctorat à l’Université de Stanford d’une thèse intitulée « The Information Economy » dans laquelle il anticipe la transformation de l’économie traditionnelle vers celle de l’information.

C’est Marc Porat qui convainc le PDG d'Apple à l'époque, John Sculley, que la prochaine génération d'informatique nécessiterait un partenariat entre des entreprises du secteur de l'informatique, des communications et de l'électronique grand public. La vision qu’il décrit dans une note à John Sculley est "un ordinateur minuscule, un téléphone, un objet très personnel. Il doit être beau. Il doit offrir le genre de satisfaction personnelle que procure un beau bijou. Il aura une valeur perçue même quand elle n'est pas utilisée ... Une fois que vous l'utiliserez, vous ne pourrez plus vous en passer. "

Cette note fait étrangement échos à la philosophie de Steve Jobs …

General Magic veut créer le «Personal Internet Communicator» (PIC), un appareil mobile personnel qui unifie toutes sortes de communications sous une seule interface utilisateur intuitive.

La société vise à contrôler l'écosystème en fournissant le système d'exploitation qui offre des nouvelles fonctionnalités telles que le téléphone mains libres, la télécopie, l’e-mail, carnet d’adresses, bloc-notes, jeux, etc…

Dans sa quête, General Magic met au point des précurseurs de "l’USB, des modems logiciels, des écrans tactiles de petite taille, des contrôleurs d’écran tactile, des ASIC, des emails multimédias, des jeux en réseau, des émissions en streaming et des notions de commerce électronique précoce".

En 1994, la "General Magic Alliance" composée de partenaires intersectoriels compte 16 entreprises mondiales de télécommunications et d'électronique grand public, notamment AT&T, Motorola, Cable & Wireless, France Télécom, NTT, Northern Telecom, Toshiba, Oki, Sanyo, Mitsubishi et Fujitsu.

Au début de 1993, les premiers produits de la société, tels que Telescript, ont été forcés de concurrencer le "assistant numérique personnel" de Newton mis au point par Apple. Telescript sera publié en 1996 au début du boom Internet.

La société a lancé une introduction en bourse sur le NASDAQ en 1995, IPO accueillie très positivement par les investisseurs. A la clôture de sa première journée de cotation, le prix de l’action double.

Et pourtant, quelques années plus tard, en 1999, les actions de la société dégringolent suite à des retards à répétition entraînant une perte de confiance des investisseurs.

En 2004, la société sera liquidée et ses brevets vendus aux enchères. Paul Allen, co-fondateur de Microsoft, rachètera la plupart d’entre-eux.

De cette aventure naîtront par exemple EBay et l’Ipod d’Apple. Bon nombre de cadres de General Magic se retrouveront chez Apple ou démarreront leur propre société.

Pourquoi cette débâcle alors que tout était en place pour réussir ?

Tout d'abord, à l'instar de nombreuses entreprises qui tentaient d'établir des communications au début des années 90, General Magic a ignoré Internet et a essayé de créer sa propre infrastructure de communication. L’ironie est qu’en interne, plusieurs employés de l’entreprise, ont développé les premiers sites Web apparus sur la toile. Mais le Management est passé à côté.

La deuxième raison de cet échec est probablement l’aura des fondateurs. Pour eux, l’échec était impossible. Ils avaient la meilleure équipe et les concurrents allaient tout simplement se vautrer. Ils se sont probablement surestimés et sous-estimés la concurrence.

La troisième raison est l’absence de certaines technologies dont la société avait besoin (exemple : le Wi-Fi). Elle a dû démarrer d’une page blanche alors que la concurrence a profité plus tard des technologies existantes.

Enfin, à travers le prisme de l’histoire, il est évident aujourd’hui que General Magic a voulu tout faire en une seule fois. Il n’y avait pas de feuille de route décrivant les différentes étapes du prototype au lancement commercial d’une première version perfectible etc… La société a manqué de « focus » et s’est éparpillée.

Les précurseurs des smartphones sont apparus à la fin des années 1990, mais il faudra attendre 2007, année de commercialisation de l'IPhone (premier smartphone avec interface tactile multipoint), pour que ce marché s'étende considérablement jusqu'à dépasser en quelques années celui des téléphones mobiles traditionnels.

General Magic n’a pas bénéficié du fameux avantage du « first mover ». Elle avait plus d’une décennie d’avance et pourtant, aujourd'hui, plus personne ne s'en souvient …

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