Une travailleuse dont les vacances avaient été refusées envoie sa sœur jumelle à sa place. Cette dernière publie une story sur Instagram pour rire de la situation. L'employeur est mis au courant. Quelle sanction?
L'histoire peut prêter à rire, mais c'est bien le petit jeu auquel s'est prêtée une jeune Américaine franchement désireuse de partir en vacances malgré le rejet de sa demande par son employeur.
Du point de vue belge, cette situation pose évidemment un problème à plusieurs niveaux.
Ce contrat n'est pas transférable, ne peut pas être délégué ou exécuté par quelqu'un d'autre. Et ce, peu importe que le travail soit fait correctement ou pas.
Tromper son employeur en envoyant sa sœur jumelle travailler constitue une grave désinvolture et plus fondamentalement une véritable tromperie de mauvaise foi.
C'est d'ailleurs en raison de ce caractère intuitu personae que, par exemple, le contrat de travail prend fin de plein droit avec le décès du travailleur. Dès lors, envoyer sa sœur jumelle effectuer le travail constitue une première violation du contrat de travail.
Mais le contrat de travail implique aussi une obligation de bonne foi et de loyauté, ce qui est rappelé expressément dans la loi du 3 juillet 1978 sur le contrat de travail. La Cour du travail de Liège a rappelé ce principe fondamental dans un arrêt du 10 mai 2004 en ces termes: il est acquis que l'honnêteté dans les relations de travail est une obligation essentielle, des indélicatesses et plus largement tout comportement malhonnête sont généralement considérés comme constitutifs d'un motif grave, car ils sont, de toute évidence, de nature à miner le sentiment de confiance qui doit présider la relation de travail.
Du reste, une grave désinvolture, même sans intention frauduleuse, peut également être constitutive de motif grave justifiant le licenciement immédiat sans préavis, ni indemnité. Il va de soi que tromper son employeur en envoyant sa sœur jumelle travailler constitue a minima une telle désinvolture et plus fondamentalement une véritable tromperie de mauvaise foi.
On ajoutera que, ce faisant, la travailleuse viole aussi ses obligations en matière de confidentialité, étant donné que sa sœur jumelle aura eu accès aux locaux de l'entreprise, à des informations potentiellement confidentielles, et que pour lui permettre de jouer le rôle, elle aura dû lui donner des accès informatiques, ses badges de sécurité, etc.
Enfin, il y a fort à parier que le travail convenu n'aura pas été fait ou en tout cas ni totalement ni correctement en fonction du bagage professionnel et des capacités de la sœur, ce qui signifie que l'une des obligations de base, à savoir accomplir le travail convenu, aura été au moins partiellement violée.
On l'aura compris, un tel comportement, à l'insu de l'employeur et pour contourner son refus d'octroyer des vacances, est grave. Qui même pour une première incartade pourrait - en fonction des circonstances d'espèce, absence de tout problème ou antécédent disciplinaire antérieur, longue carrière - justifier un licenciement pour motif grave, voire a minima un licenciement conforme à la CCT 109 (c'est-à-dire qui ne soit pas manifestement déraisonnable). Se posera cependant le problème de la preuve, tout dépendant de la story Instagram et des conditions de son obtention ou d'une admission par l'employée.
Dans le cas d'espèce, l'employeur se sera contenté d'un très sérieux rappel à l'ordre, insistant que tout nouveau manquement se traduirait par un licenciement pour motif grave. Pour rappel, selon ce que prévoit le règlement de travail, un employeur belge pourra envisager un blâme oral ou écrit, ou d'autres mesures disciplinaires, sachant cependant qu'une mise à pied sans salaire est très débattue au plan juridique.