Peut-être qu’au lieu d’imposer de plus en plus de règles à nos propres entreprises, nous devrions simplement protéger notre marché unique.
La rupture de la chaîne d’approvisionnement, ou rupture d’approvisionnement, a été un des mots à la mode ces derniers mois. Deux tiers des entreprises belges y ont été confrontées. Celles actives dans la construction ont connu des pénuries de bois, celles évoluant dans le secteur alimentaire ont vécu des pénuries de céréales… Pour rappel, c’est cette rupture de la chaîne d’approvisionnement qui est à la source de l’inflation actuelle, avec les prix de l’énergie.
Mais maintenant que cette chaîne retrouve progressivement son flux normal, les questions éthiques légitimes, telles que celles ayant trait aux travail des enfants, reviennent sur le devant de la scène. On estime que près de 80 millions d’enfants travaillent dans des mines, des usines textiles ou des plantations à travers le monde. Et il y a de fortes probabilités que les produits qu’ils fabriquent atterrissent en partie sur notre marché intérieur européen.
Il nous faut réagir. Tout d’abord, bien sûr, pour de strictes raisons humanitaires. Nous nous donnons bonne conscience en roulant à l’électricité afin de protéger le climat. Les gouvernements nous pressent d’agir en ce sens, même si nous ne pouvons pas produire suffisamment d’électricité propre et que nous ne disposons pas encore d’une solution adéquate pour assurer le recyclage de tels véhicules. Saviez-vous que les batteries de ces voitures électriques, comme celles de nos PC et de nos smartphones, sont bourrées de cobalt? Or la moitié de l’extraction mondiale de cobalt a lieu en République démocratique du Congo, une activité souvent effectuée à la main, sans protection, et qui pollue les sols et les eaux environnantes…
L’interdiction du travail des enfants en Europe n’a pas de sens économique si nous importons des biens produits par des enfants, tout comme les normes de CO2 n’ont de réelle pertinence que si les producteurs étrangers sont également tenus de s’y conformer. Sinon, impossible pour nos entreprises de rivaliser avec ces concurrents qui bafouent les normes sociales et environnementales.
L’Allemagne a déjà introduit une loi sur les chaînes d’approvisionnement au début de l’année 2023. Elle oblige les entreprises (pour l’instant uniquement celles de plus de 3.000 salariés) à s’assurer du respect des droits humains mais aussi du respect de l’environnement chez les fournisseurs directs. L’Union européenne va beaucoup plus loin. Son projet de directive, appelée officiellement directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité, exige que ces dernières vérifient l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement et pas seulement les fournisseurs directs, comme c’est le cas dans la loi allemande.
Cette nouvelle réglementation européenne prévoit également une responsabilité civile pour les entreprises et les parties lésées peuvent demander des dommages-intérêts devant les tribunaux européens. Toute entreprise à partir de 500 employés (250 pour les entreprises dites “à impact”) serait concernée par la directive. Après l’approbation européenne, les Etats membres disposeront de deux ans pour transposer cette directive dans leur droit national.
Il y a d’autres solutions. Peut-être qu’au lieu d’imposer de plus en plus de règles à nos propres entreprises, nous devrions simplement protéger notre marché unique en n’autorisant que les produits et services d’entreprises qui respectent les mêmes normes sociales et environnementales. La concurrence ne peut être équitable sur le marché européen que si les contraintes sont identiques pour tout le monde. Il ne s’agit pas d’une forme de protectionnisme, mais de la création d’un terrain où tout le monde suit les mêmes règles, un terrain de jeu loyal. Qu’attend l’Europe?