L’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) a été supprimé par la loi de finances pour 2018 et a été remplacé par l’impôt sur la fortune immobilière (I.F.I.). L’assiette de l’I.F.I. est désormais limitée aux seuls actifs immobiliers (détenus en direct, via une société, voire un contrat d’assurance vie ou de capitalisation) non affectés par leur propriétaire à une activité professionnelle.
Ce nouvel impôt est codifié aux articles 964 à 983 du Code Général des Impôts et fait ainsi partie de la catégorie des « impositions de toutes natures » mentionnée à l’article 34 de la Constitution.
1. Quelles sont les personnes concernées ?
L’I.F.I. est dû par toute personne physique, quel que soit son lieu de domiciliation, dont la valeur nette de son patrimoine, détenu directement ou indirectement, dépasse 1 300 000 € au 1er janvier 2018. Il constitue ainsi un impôt qui grève la détention d’un patrimoine immobilier.
Les personnes physiques domiciliées en France sont assujetties à cet impôt pour l’intégralité de leur patrimoine immobilier, y compris les avoirs immobiliers détenus hors de France, alors que les personnes domiciliées hors de France ne le sont que pour leurs avoirs détenus sur le territoire français. Toutefois, les personnes physiques qui ne sont domiciliées en France que depuis moins de 5 ans ne sont imposables que sur leur patrimoine immobilier détenu en France, à l’exclusion des autres biens détenus hors de France.
Les couples mariés vivant sous le même toit et n’étant pas en instance de séparation de corps ou de divorce, les partenaires liés par un pacte civil de solidarité et les personnes vivant en concubinage notoire font l'objet d'une imposition commune. Les enfants mineurs pour lesquels l’administration légale de leurs biens reste confiée à leurs parents ne constituent pas des assujettis distincts de leurs parents.
Les conditions d'assujettissement sont appréciées au 1er janvier de chaque année.
En cas de démembrement de propriété, l’impôt reste redevable dans le chef de l’usufruitier sur base d’une assiette égale à la valeur vénale de la pleine propriété. Toutefois, l’art. 968 du CGI a prévu de nouvelles situations pour lesquelles la charge de l’I.F.I. est respectivement répartie dans les patrimoines de l'usufruitier ou du nu-propriétaire suivant des proportions fixées par la loi. Cette nouvelle disposition peut tantôt exclure de l’I.F.I certains ex-assujettis de l’I.S.F. ou tantôt recruter involontairement de nouveaux assujettis à l’I.F.I. qui n’étaient pas antérieurement concernés par l’I.S.F..
Prenons l’exemple d’une veuve, âgée de 82 ans avec deux enfants, qui a acheté avec feu son mari, dans un régime communautaire ou à égalité dans un régime de séparations de biens, une propriété dans le Var. Au décès du mari, la transmission s’est opérée ab intestat. Suivant la valeur vénale de l’immeuble, les assujettis à l’I.F.I. différeront et se distingueront de ceux qui étaient antérieurement assujettis à l’I.S.F. et ce, pour des montants et impositions différents.
Comparaison entre les assujettis et assiettes passibles de l’I.F.I. et de l’I.S.F.
Par contre, les redevables de l’I.F.I. restent, en 2018, identiques à ceux de l’I.S.F., pour des assiettes et montants d’imposition similaires, lorsque le démembrement résulte de l’application d’une clause testamentaire ou d’une donation.
2. Quelle est l’assiette d’imposition ?
L'assiette de l'impôt sur la fortune immobilière est constituée par la valeur nette au 1er janvier de l'année :
• l'ensemble des biens et droits immobiliers appartenant aux personnes y assujetties, à savoir par exemple :
• les parts sociales ou actions des sociétés et organismes établis en France ou hors de France appartenant aux personnes assujetties, à hauteur de la fraction de leur valeur représentative de biens ou droits immobiliers détenus directement ou indirectement par la société ou l'organisme ;
• les biens et droits immobiliers transférés en fiducie ou placés dans un trust pour leur valeur vénale au 1erjanvier ;
• la fraction de la valeur de rachat au 1er janvier 2018 représentative des actifs immobiliers imposables compris dans les unités de compte des contrats d'assurance-vie.
Certains biens bénéficient toutefois d’une exonération totale ou partielle, notamment pour :
3. Comment valoriser les actifs immobiliers soumis à l’I.F.I. ?
3.1. Estimation des immeubles bâtis
Les immeubles bâtis doivent être déclarés pour leur valeur vénale réelle au 1er janvier de l’année d’imposition. Cette dernière peut être obtenue par la méthode de la comparaison, qui est également appliquée par les experts privés et les juridictions, ainsi que par l’administration fiscale en cas de remise en cause des estimations figurant dans les déclarations. La méthode consiste à apprécier un bien en le comparant avec les prix constatés lors des ventes portant sur des immeubles similaires ou ayant des caractéristiques proches (localisation, étage, superficie, etc.). Une évaluation plus rigoureuse peut être requise à un professionnel : agent ou expert immobilier, ou notaires. La valeur d’un immeuble détenu en indivision doit simplement être appréciée en fonction des cessions de biens similaires observées sur le marché. Une décote de 15-20 % est parfois acceptée, mais sans fondement juridique reconnu. Toutefois, lorsque l’usufruit est partiel, l’usufruitier ne doit comprendre dans son patrimoine taxable que la fraction de la valeur en toute propriété du bien qui correspond à la quote-part d’usufruit.
3.2. Estimation des immeubles non bâtis
Les terrains à bâtir sont évalués selon les prix du marché, sous réserve de remplir les critères posés par le Code de l’urbanisme :
Si des travaux de construction sont en cours, l’estimation doit tenir compte de leur état d’avancement. L’évaluation des terres agricoles se fait le plus souvent selon la méthode par comparaison, avec la possibilité de recourir aux statistiques du ministère de l’Agriculture sur les prix moyens à l’hectare. Lorsque la terre est louée, on applique la méthode du revenu, avec un taux de capitalisation de 3 %.
4. Peut-on déduire les dettes ?
L’I.F.I. est calculé sur la valeur nette du patrimoine immobilier, c’est-à-dire sur la valeur des biens imposables de laquelle les dettes ont été préalablement déduites à condition de pouvoir les justifier, lesquelles ont pu être notamment consenties dans le but de financer :
Par contre, ni les impositions incombant à l’occupant de l’immeuble (par exemple, la taxe d’habitation), ni la part de l’impôt sur le revenu correspondante aux revenus générés par les biens immobiliers soumis à l’I.F.I. ne sont déductibles de l’assiette taxable.
Diverses dispositions anti-abus ont été insérées dans le dispositif, ainsi et notamment :
D’autres dettes spécifiques, inscrites au II de l’art. 973 du C.G.I., ne sont pas non plus déductibles pour la valorisation des parts sociales ou actions de société immobilière.
5. De quels abattements peut-on bénéficier ?
5.1. Résidence principale
Par dérogation, un abattement de 30 % est effectué sur la valeur vénale réelle de l’immeuble lorsque celui-ci est occupé à titre de résidence principale par son propriétaire.
En cas d’imposition commune, un seul immeuble est susceptible de bénéficier de l’abattement précité.
5.2. Abattement spécifique pour les bois et forêts
Les propriétés forestières bénéficient d’un régime fiscal spécifique applicable sous conditions. Sont notamment exonérés de l’I.F.I, à concurrence des trois quarts de leur valeur, les bois et forêts ainsi que les parts de groupements forestiers.
Les conditions d’exonération partielle des bois et forêts sont rencontrées par :
5.3. Abattement spécifique pour les biens ruraux
Certains biens ruraux bénéficient d’une exonération partielle au titre de l’I.F.I. Ainsi, les biens donnés à bail à long terme, ceux donnés à bail cessible, ainsi que les parts de groupements fonciers agricoles et de groupements agricoles fonciers sont exonérés à concurrence des trois quarts lorsque la valeur totale des biens loués directement ou indirectement, quel que soit le nombre de baux ,n’excède pas 101 897 € et pour moitié au-delà de cette limite, sous réserve que la durée du bail soit au minimum de 18 ans et que les descendants du preneur de bail ne soient pas contractuellement privés de la faculté de bénéficier des dispositions de l’article 411-35 du Code rural.
6. Barème d’imposition
Le barème de l’I.F.I. est calculé sur l’ensemble de la valeur nette taxable du patrimoine selon le tarif suivant :
Un mécanisme de décote, similaire à celui appliqué antérieurement à l’I.S.F., a été maintenu lorsque le patrimoine taxable est compris entre 1 300 000 € et 1 400 000 €. Cette décote se détermine suivant la formule suivante :
17 500 € - 1,25 % de la valeur nette du patrimoine
En cas de dons au profit d'organismes d'intérêt général, une réduction d'I.F.I. égale à 75 % des dons réalisés, dans la limite de 50 000 €, peut être accordée.
Un mécanisme de plafonnement a également été instauré en fonction du montant cumulé des impôts. Pour l’exercice 2018, l’impôt sur les revenus de 2017 (prélèvements sociaux et contributions exceptionnelle sur les hauts revenus inclus), ajouté au montant de l’I.F.I. pour 2018, ne doit pas dépasser 75% de l’ensemble des revenus perçus en 2017. En cas de dépassement la différence sera déduite du montant de l’I.F.I.
Alain Lacourt
Consultant en ingénierie patrimoniale