Cette semaine, le gouvernement fédéral a (enfin) trouvé un accord sur la mise en place d’une taxe sur les plus-values réalisées sur actions. En résumé, il s’agit d’une taxe sur les plus-values de 10 % avec une franchise de 10 000 à 15 000 euros, et des exceptions pour les entrepreneurs (avec une participation significative). Sur le plan budgétaire, elle devrait rapporter 500 millions d’euros par an en régime de croisière.
Le gouvernement introduit ainsi une taxe qui existe déjà depuis longtemps dans la plupart des autres pays industrialisés . Il ne s’agit donc pas du drame économique que certains en font. D’un autre côté, il est difficile de voir comment cette taxe sur les plus-values s’inscrit dans une politique fiscale, économique ou budgétaire sensée.
Voici dix raisons pour lesquelles la nouvelle taxe sur les plus-values n’est pas une bonne idée sur le plan économique :
Le facteur déterminant le plus important pour notre prospérité future est le potentiel de croissance de notre économie. Les perspectives actuelles sont sombres à cet égard. Pour les années à venir, nous prévoyons une croissance d’environ 1 % par an, ce qui est trop faible pour relever tous les défis qui nous attendent. La taxe sur les plus-values est une taxe supplémentaire sur l’entrepreneuriat, sur la prise de risques, sur la prise d’initiatives, et freine donc ce type d’activités favorables à la croissance. Bien que l’impact réel sur la croissance de notre économie soit difficile à évaluer pour le moment, il ne sera certainement pas positif.
Pour les années à venir, nous prévoyons une croissance économique d’environ 1 % par an, ce qui est trop faible pour relever tous les défis qui nous attendent.
Par rapport au reste de l’Europe, l’économie belge est sous-performante sur divers indicateurs d’entrepreneuriat. Ainsi, nous avons le nombre le plus faible de créations d’entreprises et le nombre le plus faible de jeunes entreprises à croissance rapide de toute l’Europe. Cela a également un effet négatif sur le potentiel de croissance de notre économie. Notre politique devrait viser à encourager autant que possible l’entrepreneuriat. Une taxe supplémentaire sur l’entrepreneuriat, ou sur la fourniture de capital pour entreprendre, ne contribuera évidemment pas à cela.
L’un des problèmes majeurs de notre système fiscal est sa complexité excessive : il s’agit d’une combinaison de nombreuses réglementations différentes avec des taux variés et de nombreuses exceptions. Sur le plan économique, cela entraîne des coûts inutiles dans l’application de la fiscalité et des ajustements comportementaux peu efficaces (pour éviter les impôts). Cela signifie des dommages économiques supplémentaires. La théorie de l’imposition optimale suggère que nous devons tendre vers beaucoup moins de complexité, avec des taux plus bas et moins d’exceptions, afin de limiter ces dommages économiques inutiles. Cette taxe sur les plus-values fait exactement le contraire, elle ajoute une couche de complexité supplémentaire.
Cette taxe sur les plus-values ajoute une couche de complexité supplémentaire. Les formalités administratives entraîneront également des coûts supplémentaires.
En raison du traitement fiscal différent des différentes options d’investissement, les décisions d’investissement ne sont pas uniquement prises en fonction des risques et/ou des considérations de rendement, mais aussi en fonction de la fiscalité. Cela conduit à des décisions économiquement sous-optimales. C’est un problème connu de longue date dans notre système fiscal (surtout dans le cadre de la fiscalité du capital). Cette taxe sur les plus-values ne résout certainement pas ce problème, bien au contraire.
Compte tenu de la complexité de la nouvelle réglementation, il semble déjà acquis que son application ne sera pas facile sur le plan administratif. Les banques ont déjà tiré la sonnette d’alarme à cet égard. La manière dont cela sera mis en œuvre concrètement n’est pas encore claire, mais la paperasserie inévitable entraînera également des coûts supplémentaires.
Selon les dernières prévisions du Bureau du plan, notre budget est sur la voie d’un déficit de 41 milliards d’euros d’aujourd’hui d’ici 2030. Une taxe sur les plus-values qui doit rapporter 500 millions ne changera rien à cela. De plus, selon l’ampleur des dommages économiques, notamment en termes d’ activité économique manquée (voir points 1 et 2), l’impact budgétaire total sera inférieur (voire éventuellement négatif). Ces dommages économiques se traduisent en effet par une baisse des recettes provenant d’autres impôts.
Si, dans les années à venir, le gouvernement fédéral doit trouver plus d’argent (une certitude étant donné notre situation budgétaire), il sera toujours plus facile d’augmenter le taux d’un impôt existant que d’introduire un impôt totalement nouveau. En ce sens, il existe un risque très réel que l’introduction de la taxe sur les plus-values soit une première étape, et qu’à terme le taux de 10 % soit progressivement augmenté , avec l’impact négatif supplémentaire sur notre économie.
Les entrepreneurs sont aujourd’hui confrontés à une longue série de facteurs incertains, allant de la guerre commerciale de Trump, à la situation géopolitique, en passant par l’approvisionnement énergétique à long terme (et bien plus encore). Cette taxe sur les plus-values, avec l’incertitude quant à sa mise en œuvre concrète, son impact incertain sur notre économie et le risque réel d’une augmentation du taux à terme, ajoute un facteur d’incertitude supplémentaire. Et l’incertitude est néfaste pour notre potentiel de croissance à long terme, notamment par son impact négatif sur les décisions d’investissement.
Toute réforme fiscale doit être examinée dans le cadre plus large de l’ensemble de notre système fiscal. Et cela manque ici. La Belgique était jusqu’à récemment l’un des rares pays sans taxe sur les plus-values, mais nous faisons également partie depuis longtemps des pays ayant les revenus les plus élevés provenant de divers impôts sur le capital, et la pression fiscale la plus lourde sur le capital. Il est certainement possible de procéder à des réformes au sein de notre système fiscal qui pourraient être positives pour notre économie, notamment en visant des taux plus bas et moins d’exceptions. Cette taxe sur les plus-values ne va pas dans ce sens, mais plutôt dans le sens inverse.
Toute réforme fiscale doit être examinée dans le cadre plus large de l’ensemble de notre système fiscal. Ce n'est pas le cas en l'espèce.
L’introduction et l’application de cette taxe sur les plus-values ont peu ou rien à voir avec une politique économique sensée, mais concernent surtout des trophées politiques. Cette taxe sur les plus-values est utilisée comme monnaie d’échange pour d’autres réformes, telles que la limitation dans le temps des allocations de chômage (nos allocations illimitées étaient également presque uniques au monde). Mais cela n’en fait pas pour autant une bonne politique.