Intelligence artificielle: les députés adoptent une législation "pionnière" dont les balises sont la sécurité et le respect des droits fondamentaux tout en encourageant l’innovation.


La loi sur l'intelligence artificielle répond directement aux propositions des citoyens issues de la Conférence sur l'avenir de l'Europe, plus concrètement à la proposition 12(10) sur le renforcement de la compétitivité de l'UE dans les secteurs stratégiques, à la proposition 33(5) sur une société sûre et digne de confiance, notamment en luttant contre la désinformation et en veillant à ce que les êtres humains gardent le contrôle, la proposition 35 sur la promotion de l'innovation numérique, (3) tout en assurant un contrôle humain et (8) une utilisation fiable et responsable de l'IA, en fixant des garde-fous et en assurant la transparence, et la proposition 37 (3) sur l'utilisation de l'IA et des outils numériques pour améliorer l'accès des citoyens à l'information, y compris les personnes handicapées.


L'essentiel

Les députés ont approuvé la législation, convenue lors des négociations avec les États membres en décembre 2023, par 523 votes pour, 46 contre et 49 abstentions.

Lors du débat en plénière, mardi, le corapporteur de la commission du marché intérieur, Brando Benifei (S&D, Italie), a déclaré : "Nous avons enfin la première loi contraignante au monde sur l'intelligence artificielle, afin de réduire les risques, de créer des opportunités, de lutter contre la discrimination et d'apporter de la transparence. Grâce au Parlement, les pratiques inacceptables en matière d'IA seront interdites en Europe et les droits des travailleurs et des citoyens seront protégés. Un Bureau de l'IA sera désormais mis en place pour aider les entreprises à commencer à se conformer aux règles avant qu'elles n'entrent en vigueur. Nous avons veillé à ce que les êtres humains et les valeurs européennes soient au cœur même du développement de l'IA".

Le co-rapporteur de la commission des libertés civiles, Dragos Tudorache (Renew, Roumanie), a déclaré : "L'UE a tenu ses promesses. Nous avons intégré le concept d'intelligence artificielle dans les valeurs fondamentales qui constituent la base de nos sociétés. Cependant, il reste encore beaucoup à faire, au-delà de la loi sur l'IA elle-même. L'IA nous poussera à repenser le contrat social au cœur de nos démocraties, nos modèles éducatifs, nos marchés du travail et la manière dont nous menons les guerres. La loi sur l'IA est le point de départ d'un nouveau modèle de gouvernance fondé sur la technologie. Nous devons maintenant nous concentrer sur la mise en pratique de cette législation"

Ce règlement vise à protéger les droits fondamentaux, la démocratie, l’État de droit et la durabilité environnementale contre les risques liés à l’intelligence artificielle (IA), tout en encourageant l’innovation et en faisant de l’Europe un acteur de premier plan dans ce domaine. Le règlement établit des obligations pour les systèmes d’IA en fonction de leurs risques potentiels et de leur niveau d’impact.

> Mise en place de garanties relatives à l’intelligence artificielle à usage général
>Limitation de l’utilisation des systèmes d’identification biométrique par les services répressifs
>Interdiction d’utiliser la notation sociale et l’intelligence artificielle pour manipuler les utilisateurs ou exploiter leurs vulnérabilités
>Droit des consommateurs à déposer plainte et à recevoir des explications


Les balises

> Des applications interdites

Les nouvelles règles interdisent certaines applications fondées sur l’IA qui menacent les droits des citoyens, y compris les systèmes de catégorisation biométrique utilisant des caractéristiques sensibles et l’extraction non ciblée d’images faciales sur Internet ou par vidéosurveillance pour créer des bases de données de reconnaissance faciale. La reconnaissance des émotions sur le lieu de travail et dans les établissements d’enseignement, la notation sociale, la police prédictive (lorsqu’elle est basée uniquement sur le profilage d’une personne ou sur l’évaluation de ses caractéristiques) et l’IA qui manipule le comportement humain ou exploite les vulnérabilités des personnes seront également interdites

> Des exemptions pour les services répressifs

L’utilisation des systèmes d’identification biométrique par les services répressifs est en principe interdite, sauf dans des situations clairement énumérées et étroitement définies. Les systèmes d’identification biométrique "en temps réel" ne peuvent être déployés que si des garanties strictes sont respectées. Leur utilisation est par exemple limitée dans le temps et géographiquement et soumise à une autorisation judiciaire ou administrative préalable spécifique. Ces systèmes pourront notamment servir à la recherche d’une personne disparue ou à la prévention d’une attaque terroriste. L’utilisation de tels systèmes d’identification biométrique à distance "a posteriori" est considérée comme un cas d’utilisation à haut risque, nécessitant une autorisation judiciaire liée à une infraction pénale.

> Des obligations pour les systèmes à haut risque

Des obligations strictes ont aussi été prévues pour les autres systèmes d’IA à haut risque (en raison de leur préjudice potentiel important pour la santé, la sécurité, les droits fondamentaux, l’environnement, la démocratie et l’État de droit). Parmi les domaines d’utilisation à haut risque de l’IA figurent les infrastructures critiques, l’éducation et la formation professionnelle, l’emploi, les services privés et publics essentiels (par exemple, les soins de santé et les banques), certains systèmes d’application de la loi, la gestion des migrations et des frontières, la justice et les processus démocratiques (par exemple, lorsque l’IA est utilisée pour influencer les élections). Ces systèmes doivent faire l’objet d’une évaluation et d’une réduction des risques, être assortis de registres d’utilisation, être transparents et précis et être soumis à une supervision humaine. Les citoyens auront le droit de déposer des plaintes concernant les systèmes d’IA et de recevoir des explications sur les décisions basées sur des systèmes d’IA à haut risque qui ont une incidence sur leurs droits.

> Des exigences de transparence

Les systèmes d’IA à usage général et les modèles sur lesquels ils sont basés devront respecter des exigences de transparence et la législation européenne sur les droits d'auteurs, ainsi que la publication de résumés détaillés des contenus utilisés pour leur entraînement. Les systèmes d’IA à usage général plus puissants présentant un risque systémique seront soumis à des exigences supplémentaires. Par exemple, des évaluations de modèles devront être effectuées, les risques systémiques devront être évalués et atténués et les incidents devront être signalés.
De plus, les images et les contenus audio et vidéo artificiels ou manipulés (aussi appelés "deep fakes") doivent être clairement signalés comme tels.

> Des mesures de soutien à l’innovation et aux PME

Des "bacs à sable réglementaires" et des essais en conditions réelles devront être mis en place par les autorités nationales et mis à disposition des PME et des start-ups pour développer et tester des IA innovantes avant leur mise sur le marché.

Prochaines étapes

Le règlement fait toujours l’objet d’une vérification finale par un juriste-linguiste et devrait être définitivement adopté avant la fin de la législature (procédure des rectificatifs). Le règlement doit également être adopté officiellement par le Conseil.
La législation entrera en vigueur 20 jours après sa publication au Journal officiel et sera pleinement applicable 24 mois après son entrée en vigueur, à l’exception de l’interdiction des pratiques interdites, qui s’appliquera 6 mois après la date d’entrée en vigueur, des codes de pratique (9 mois après l’entrée en vigueur), des règles concernant l’IA à usage général, notamment la gouvernance (12 mois après l’entrée en vigueur), et des obligations pour les systèmes à haut risque (36 mois).

En savoir plus



Législation sur l’intelligence artificielle


Mots clés

Articles recommandés

L'avenir des entreprises flamandes en Chine : opportunités futures ou défis dépassés?

Wake-up call pour l’Europe

La société civile immobilière française et la taxe Caïman : qu’en est-il ?