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La Belgique face au mur budgétaire: des solutions pour éviter la catastrophe ?

En 2029, quelque 45 milliards d’euros manqueront dans les caisses publiques. Un chiffre qui impose une refonte en profondeur des recettes et des dépenses. Des pistes existent. Reste à savoir si la volonté politique suivra.

Les plus récentes perspectives du Bureau fédéral du Plan (juin 2025) permettent de rappeler l'ampleur du défi budgétaire. En 2029, dernière année de la législature fédérale (si on y arrive sans élections anticipées...), le solde de financement des administrations publiques représenterait, à politiques inchangées, 6,2% du PIB, soit un montant nominal de 44,7 milliards. Le seul déficit du pouvoir fédéral (hors dépenses sociales) se monterait à 82% du déficit total.

On notera d'emblée que le dogme libéral selon lequel doper le taux d'emploi suffirait à résoudre l'équation budgétaire se trouve mis à mal par ces perspectives. Si l'augmentation du taux d'emploi est bien effective entre 2025 et 2029 (de 72,4% à 74,1%), cela n'empêche pas le déficit de passer, au cours de la même période, de 5,4% à 6,2% du PIB.

Une des explications de cette divergence est à trouver dans la baisse du taux de cotisations sociales effectives dans le secteur marchand. On rappellera à cet égard qu'en 2024, les heures de travail prestées par les étudiants et flexi-jobbeurs — qui rapportent moins à la Sécurité sociale et au Trésor que les emplois "normaux" — ont représenté plus de 3% du volume de travail salarié réellement presté.

Une piste dont on peut penser qu'elle pourrait ressurgir: un saut d'index dont l'objectif ne serait pas d'améliorer la compétitivité, mais bien d'alimenter les caisses de l’État.

Quelles solutions pour freiner la dérive?

De manière mécanique, à savoir sans tenir compte des effets liés à la contraction de l'activité, ramener le niveau des recettes publiques à celui de 2025diminuerait le solde à financer de 1,7% à l'horizon 2029, soit un peu moins d'un quart du déficit prévu. Ce type de politique cadrerait avec la volonté souvent réaffirmée par certains partis de ne pas augmenter l'impôt, même si tout dépend de la manière dont on libelle cet objectif...

Évoquons quelques pistes pour arriver à une stabilisation des recettes dans le PIB, voire à une augmentation, au vu de l'ampleur du déficit.

Une première idée: une TVA augmentée, non déductible et exclue de l'indice des prix, pour des produits haut de gamme (par exemple, sur les voitures d'un certain standing). On ne compromet ainsi pas la compétitivité et on ne s'attaque pas à des consommations essentielles. Cette mesure aurait un haut potentiel symbolique, mais un impact budgétaire limité.

Une indexation... captée par l'État

Une autre piste dont on peut penser qu'elle pourrait ressurgir: répéter (en partie) le scénario du début des années 1980, à savoir un saut d'index (il y en a eu plusieurs à l'époque) dont l'objectif ne serait pas d'améliorer la compétitivité, mais bien d'alimenter les caisses de l’État.

Concrètement, on indexe de 2% les salaires, mais les "bénéfices" de cette indexation sont captés par le niveau fédéral. Attention: le rapport budgétaire net de cette opération n'est pas de 2% de la masse salariale; il faut, en effet, déduire les prélèvements obligatoires qui auraient été acquis si on avait indexé normalement.

Appliquée en 2026, une telle mesure rapporterait mécaniquement environ 0,6% du PIB, sans tenir compte des effets induits sur la consommation. Techniquement, si elle se traduit par un prélèvement de 2% de la masse salariale, une telle formule a pour effet de faire contribuer tous les constituants de la masse salariale, y compris les avantages extra-salariaux, de manière équivalente.

Une réforme fiscale d'envergure serait un must.

En attendant une réforme fiscale d'envergure

Assez lisible et globalement assez facile à mettre en œuvre, cette approche pose néanmoins une série de questions. À quel moment la concrétiser (dès lors que tous les systèmes d'indexation ne coïncident pas)? Comment faire participer à l'effort les revenus des indépendants? Peut-on atténuer le choc pour les petits salaires (et à quel niveau fixer la barre)? Comment faire évoluer les barèmes fiscaux et les paramètres du bonus à l'emploi? Comment traiter les subsides salariaux?, etc.

Une telle mesure réduirait le pouvoir d'achat, c'est une évidence. Mais si on mettait en œuvre, simultanément, des réformes structurelles, on pourrait mieux calibrer les impacts en fonction de la hauteur des revenus. Une réforme fiscale d'envergure visant à augmenter la base taxable(tous les revenus du travail y sont intégrés de la même manière), à diminuer les taux, à amortir la progressivité dans les premières tranches de revenus, à introduire des crédits d'impôts en bas de l'échelle des revenus, à assurer une véritable neutralité en matière de forme juridique, etc. serait un must. On y gagnerait des recettes, tout en garantissant le (quasi) maintien du pouvoir d'achat pour beaucoup de ménages, même en cas de saut d'index.

On peut craindre que les réformes soient postposées

D'autres réformes, à coconstruire avec les Régions, permettraient d'atteindre plusieurs objectifs, y compris budgétaires. On pense, par exemple, à une base imposable moderne en matière de revenus locatifs, au remplacement des taxes sur les carburants par une redevance au kilomètre et à une articulation plus cohérente et plus juste des allocations familiales et des réductions fiscales pour enfants à charge.

On peut craindre que ces réformes, essentielles, soient postposées, par manque de vision, d'ambition et de courage. C'est l'erreur à ne pas faire. Plus le défi budgétaire est important, plus il faut des réformes structurelles.

Certes, il y aura aussi des efforts demandés en matière de dépenses. N'oublions pas, à cet égard, les importantes économies déjà faites en matière de pensions et d'allocations de chômage.

Enfin, espérons – mais je n'y crois pas vraiment – qu'on veillera à évaluer rigoureusement les effets induits, le plus souvent négatifs, des mesures budgétaires qui seront prises.

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