La BNB serait-elle un zombie national ?

La BNB s’inquiète régulièrement, à raison, de la situation budgétaire désastreuse de notre pays et de son endettement. Mais elle ferait tout aussi bien de se pencher sur sa propre gestion, car la BNB est en mauvaise posture avec une perte de 3,4 milliards d'euros en 2023.

La Banque Nationale de Belgique (BNB) n'est plus ce qu'elle était. L'autorité monétaire a déménagé à Francfort, il y a déjà 25 ans, suite à l'introduction de l'euro. C’est désormais la Banque centrale européenne (BCE) qui décide de la masse monétaire et du taux d’intérêt. Les tâches les plus importantes de la BNB ont ainsi été érodées.

Dans pareil cas de figure, une entreprise réaliserait des économies et réduirait ses effectifs. Rien de tout cela à la BNB qui compte encore aujourd’hui 1902 collaborateurs (ETP) et qui enregistre d'énormes pertes pour la deuxième année consécutive.

Cette perte de 3,4 milliards d'euros résulte principalement de la hausse des taux d'intérêt décidée par la BCE afin de lutter contre l'inflation. De fait, les actifs de la BNB sont essentiellement investis à long terme à un taux d'intérêt historiquement faible, alors qu’elle doit compenser les dépôts à court terme que les banques commerciales placent chez elle.

Cela ne rappelle-t-il pas au lecteur le scénario Dexia?

La couverture des intérêts n'est pas possible pour la BNB, car cela nuirait à la politique monétaire de Francfort. Résultat: en 2023, les produits d'intérêts se sont élevés à 4,9 milliards d'euros et les charges d'intérêts à 8,9 milliards d'euros. Perte sur intérêts: 4 milliards. Cela ne rappelle-t-il pas au lecteur le scénario Dexia où il y avait également une inadéquation des termes?

Vers des fonds propres négatifs?

Au demeurant, les pertes ne se limiteront pas à 2023. La BNB a évalué, l’an dernier, que ses pertes cumulées entre 2023 et 2028 s’élèveraient à 10,8 milliards. Compte tenu de la perte spectaculaire de 2023, ce chiffre est probablement sous-estimé. La BNB, qui a aussi pour mission de vérifier si les banques disposent de fonds propres suffisants, se retrouve donc elle-même non loin d’une situation de fonds propres limités, voire négatifs.

Fin de 2023, en raison des pertes reportées, les fonds propres, réévaluation comprise, s'élevaient à 20,5 milliards sur un total bilantaire de 286,5 milliards, autrement dit une solvabilité (capitaux propres/total du bilan) de 7%, généralement considérée comme un niveau alarmant dans les modèles de prévision des défaillances utilisés par les analystes financiers.

Mais la BNB ne peut pas faire faillite, car il s'agit d'une société semi-gouvernementale. La moitié de ses actions sont détenues par l'État et l’autre moitié est cotée sur Euronext. C’est d’ailleurs une autre anomalie qu’une entreprise qui incarne la politique monétaire soit cotée en bourse.

Le «petit» investisseur qui pensait acheter une action stable à long terme paie ainsi aujourd’hui une addition salée… En 2021, le dividende s'élevait à 138 euros pour s’effondrer ensuite à 1,5 euro. En effet, les statuts prévoient que le dividende minimum est de 6% sur le capital de la BNB qui est de seulement 10 millions d'euros. C'est pourquoi, malgré les pertes, depuis l’an dernier, le dividende est fixé à 1,5 € (10 millions X 6%/400.000 actions) ce qui rapporte net à l'investisseur1,05 € après prélèvement du précompte mobilier à la source. Et même pour payer ce faible dividende, la BNB doit puiser dans ses réserves. Il ne faut donc pas s’étonner que l'action soit passée de 2.500 euros, il y a cinq ans, à moins de 500 euros aujourd'hui.

Politisation et coûts de personnel exorbitant

Si les actionnaires paient les pots cassés, on ne peut pas en dire autant du personnel. Les frais de personnel de cette entreprise déficitaire sont exorbitants. Ils s'élèvent à 451 millions d'euros (en 2022, 319 millions), soit une moyenne de 240.000 € par collaborateur.

Les six administrateurs, soigneusement répartis entre les partis politiques, empochent au total 3,4 millions d'euros par an: Pierre Wunsch (MR) 534.800€, Steven Vanackere (CD&V) 451.611€ et les quatre autres membres de direction, à savoir Vincent Magnée (PS),Tom Dechaene (NVA), Tim Hermans (Open VLD) et Geraldine Thiry (Ecolo) chacun 409.801€. À titre de comparaison, la présidente de la BCE, Christine Lagarde gagne 427.000 euros et Jerome Powell, le président de la Réserve fédérale américaine, 203.000 dollars.

Aux Pays-Bas, la loi sur la maximalisation des revenus des haut fonctionnaires stipule qu'un haut fonctionnaire ne peut jamais gagner plus de 233.000 euros par an. Dans la rubrique «fait divers», on relèvera aussi que les examens menés à la suite du scandale des pensions trop élevées des parlementaires ont abouti à la conclusion que treize anciens hauts fonctionnaires de la BNB avaient illégalement dépassé le plafond de pension maximal de 7.800 € par mois.

L’OCDE définit une entreprise zombie comme une entreprise qui ne génère pas de bénéfices d’exploitation suffisants pour payer ses coûts financiers. On peut donc qualifier la BNB d’entreprise zombie. Une entreprise zombie a deux options. Soit, elle se déclare en faillite, soit elle restructure. Concrètement, cela signifierait repenser son modèle économique, réorganiser son actionnariat, réduire fortement les effectifs et ajuster les salaires. Malheureusement, dans le cas présent, il existe une troisième option dans laquelle tous les partis continuent de défendre leurs pions surpayés, sachant pertinemment que si la BNB venait à tomber à court de liquidité, le gouvernement comblerait le trou.

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