Accord sur les pensions de juillet 2022 : les chiffres derrière les mesures ...

À la demande du conseil des ministres restreint, ce rapport examine l’impact budgétaire de l’accord sur les pensions du 19 juillet 2022 ainsi que ses effets sur les pensions des hommes et des femmes.

Cet accord inclut trois mesures :

l’introduction d’un bonus de pension pour les salariés, les indépendants et les fonctionnaires ;

  • l’introduction d’une condition de travail effectif pour l’accès à la pension minimum dans le régime salarié, indépendant et de la fonction publique;
  • une adaptation du critère souple d’accès à la pension minimum de salarié qui doit bénéficier aux pensionnées (la mesure genre).


La première mesure vise à introduire un bonus de pension.

Le bonus de pension est un supplément de pension pour les journées effectivement prestées par une personne après qu’elle a satisfait aux conditions pour un départ anticipé ou après qu’elle a atteint l’âge légal de la retraite. Ce bonus est accordé pour un maximum de trois années travaillées. Il a pour objectif d’inciter les travailleurs à poursuivre leur activité professionnelle plutôt que de partir à la retraite. Alors que certaines personnes prolongeront leur activité professionnelle à la suite de l’introduction d’un bonus, d’autres pourraient bénéficier de cet avantage tout en ne modifiant pas leur date de départ à la retraite (les personnes qui, en l’absence d’un bonus auraient continué leur activité professionnelle alors qu’elles remplissaient les conditions pour partir à la retraite). L’évaluation des conséquences budgétaires d’un bonus de pension dépend notamment de l’ampleur de ces deux groupes de personnes (le coût budgétaire d’une mesure étant défini comme la différence de dépenses annuelles entre un scénario où une mesure est appliquée et un scénario où elle ne l’est pas). Le nombre de personnes prolongeant leur activité professionnelle (personnes du premier groupe) est déduit d’une étude sur les incitants financiers à la poursuite de l’activité, réalisée par l’OCDE. Le nombre de personnes bénéficiant d’un bonus sans prolonger leur activité professionnelle (personnes du deuxième groupe) dépendra grandement des conséquences du relèvement de l’âge légal (à 66 ans en 2025 et à 67 ans en 2030) sur les comportements de départ à la retraite.

Vu la grande incertitude quant à ces conséquences, ce rapport évalue le coût de l’introduction d’un bonus selon deux hypothèses opposées sur les conséquences du relèvement de l’âge légal sur les comportements de départ à la retraite. Selon l’hypothèse de report minimum, seules les personnes qui ne remplissent plus (par comparaison avec une situation où l’âge légal de la retraite est inchangé) les conditions de carrière pour un départ à la retraite reportent leur départ. Selon l’hypothèse de translation, le relèvement de deux années de l’âge légal de la retraite se traduit par un report moyen de deux années de l’âge de départ à la retraite. Si l’hypothèse de translation peut être considérée comme pertinente dans l’optique de l’évaluation des effets (macroéconomiques) de long terme du relèvement de l’âge légal, elle manque de raffinement lorsqu’il s’agit d’évaluer les conséquences de ce relèvement sur la distribution par âge et par durée de carrière des personnes partant à la retraite. Dès lors, l’hypothèse de report minimum peut, lorsque cette distribution par âge joue un rôle important, être considérée comme plus appropriée dans l’évaluation d’effets de court ou moyen terme. Outre ces deux hypothèses de comportements, ce rapport envisage deux montants de bonus de pension, un montant de 2 euros et un montant de 3 euros par journée effectivement prestée après la première date possible de départ à la retraite.

Selon le scénario retenu, entre 4 000 (bonus de 2 euros et hypothèse de translation) et 11 000 personnes (bonus de 3 euros et hypothèse de report minimum) devraient reporter leur départ à la retraite à la suite de l’introduction d’un bonus de pension. Si à long terme, ce nombre accru de personnes actives devrait se traduire, en termes macroéconomiques, par une création d’emplois presque équivalente (le nombre de chômeurs devrait également croître légèrement), à court terme, cette population active supplémentaire devrait se matérialiser par moins d’embauches et davantage de chômage[1]. En matière de dépenses de pension, l’introduction d’un bonus engendre deux effets inverses. Les premières années après l’introduction du bonus, les dépenses diminuent (par comparaison au scénario de référence) en raison des reports de départ à la retraite. A l’inverse, après quelques années, l’octroi d’un bonus et l’accroissement de la pension lié à la prolongation de l’activité professionnelle consécutive au bonus tendent à accroître les dépenses de pension.

Par comparaison à des scénarios sans bonus, les dépenses de pension se réduisent jusqu’en 2026 ou 2027 en conséquence de l’instauration d’un bonus de pension en 2024 (pour des prestations effectives postérieures au 1er janvier 2023). Par la suite, les dépenses de pension excèdent les dépenses des scénarios de référence (d’un montant compris entre 127 et 246 millions d’euros en 2030 selon le scénario envisagé – montants exprimés à prix constants de 2022). Pour les finances publiques considérées dans leur ensemble, la dégradation du solde de financement est, en 2030, d’un ordre de grandeur comparable au relèvement des dépenses de pension (à savoir une dégradation d’un montant compris entre 124 et 212 millions d’euros selon le scénario envisagé – montants exprimés à prix constants de 2022). L’accroissement des dépenses de chômage est compensé par une hausse des recettes fiscales et parafiscales. À long terme, l’introduction d’un bonus de pension accroît le coût budgétaire du vieillissement. En 2070, cet accroissement est compris entre 0,1 et 0,3 point de pourcentage du PIB selon le scénario retenu. Pour finir, remarquons que pratiquement autant d’hommes que de femmes prolongent leur activité professionnelle et qu’en général hommes et femmes voient leur pension s’accroître de manière similaire à la suite de l’introduction d’un bonus pension.

La deuxième mesure a trait à l’accès à la pension minimum.

Les conditions d’accès actuelles varient déjà selon le type de pension minimum et le régime et tiennent compte à la fois des périodes prestées et assimilées. Pour les pensions qui prennent cours à partir du 1er janvier 2024, une nouvelle condition de travail effectif vient s’ajouter aux conditions d’accès existantes. S’agissant du critère strict d’accès à la pension minimum de salarié, la condition supplémentaire est que les salariés doivent avoir travaillé 250 jours pendant au moins 20 ans. Pour le critère souple, la condition est que les salariés aient travaillé 156 jours pendant 20 ans (cela signifie de facto qu'une personne a accès à la pension minimum après 16 ans de travail à temps plein dans le critère strict et après 10 ans de travail à temps plein dans le critère souple). Dans le cadre de carrières mixtes de salarié et d’indépendant, les mêmes conditions s’appliquent, mais se rapportent aux prestations dans les deux régimes. Pour ce qui est des carrières d’indépendant, la condition est de 16 années de travail effectif. La condition d'accès plus stricte s'applique également dans le régime de la fonction publique, mais nous pensons que l'impact dans ce système sera négligeable. Notez que certaines périodes assimilées sont également considérées comme des périodes travaillées : il s'agit notamment des périodes de repos de maternité ou d'inactivité suite à handicap. Les conditions d'accès sont également plus souples pour les périodes assimilées pour raisons médicales et certaines périodes transitoires ont été définies. Ainsi, la mesure ne s'applique pas aux personnes qui auront 55 ans ou plus au 1er janvier 2024 et qui répondront déjà à la condition d'accès à la pension minimum à cette date et auront donc constitué des droits à la pension pendant 30 ans. Il existe également une période de transition pour les autres individus, ce qui signifie que la mesure n'atteindra sa vitesse de croisière que lorsque les personnes âgées de 53 ans ou moins au 1er janvier 2024 partiront à la retraite.

Quel est l’impact budgétaire estimé de la mesure ? Cette mesure, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2024, engendrera des économies à partir de 2026. En 2026, l’économie s’élève à 0,4 million d’euros. Elle augmente ensuite progressivement pour atteindre 25,2 millions d'euros en 2040 (montants exprimés à prix constants de 2022). Exprimée en pourcentage du PIB, elle représente 0,0% du PIB tant en 2040 qu’en 2070. Cette mesure a dès lors une incidence très faible à long terme sur le coût budgétaire du vieillissement.

Cette mesure touchera principalement les femmes. Environ 3,9 % des femmes ayant uniquement une carrière de salariée ou une carrière mixte de salariée et d'indépendante sont concernées, contre 2,0 % des hommes. La pension moyenne de tous les jeunes pensionnés (en ce compris ceux qui ne sont pas impactés par la mesure) diminue de 0,1 % chez les femmes ayant eu une carrière de salariée ou une carrière mixte de salariée et d'indépendante. Pour ce qui concerne les personnes n’ayant travaillé qu’à titre d’indépendant, la mesure a des répercussions pour 0,3 % des femmes et 0,1 % des hommes. La nouvelle pension moyenne (c'est-à-dire la pension de tous les jeunes retraités) diminue alors de manière limitée.

La troisième mesure définit un calcul plus favorable du critère souple s’appliquant à la pension minimum de salarié. Actuellement, le calcul est le suivant : la pension minimum est calculée en multipliant le montant de la pension minimum après une carrière complète par une fraction ayant pour dénominateur 45 × 312 (c'est-à-dire 45 années de constitution de pension à temps plein à raison de 312 jours par an) et pour numérateur le nombre de jours de carrière comptabilisés pour la pension. La troisième mesure prévoit que maximum 5 années de carrière antérieures à 2002 ne seront plus comptabilisées avec le dénominateur 45 × 312 mais bien avec le dénominateur 45 × 250. Le numérateur est alors plafonné à 250 jours.

La troisième mesure entraîne un surcoût budgétaire qui passe de 0,4 million d'euros en 2024 à 6,6 millions d'euros en 2035.

Ensuite, ce surcoût redescend à 6 millions d’euros en 2040 (montants exprimés à prix constants de 2022). Exprimé en pourcentage du PIB, il représente 0,0% du PIB tant en 2040 qu’en 2070. A long terme, le surcoût se réduit d’autant plus que le nombre d’années antérieures à 2002 retenues dans le calcul de la pension se réduit pour les nouvelles générations de pensionnés.

Cette mesure entraîne une augmentation de la pension de 4,2 % des femmes et 1,6 % des hommes salariés récemment partis à la retraite. Si l'on examine les effets de la mesure sur la pension de l’ensemble des jeunes retraités, on constate une augmentation de 0,1 % de la pension chez les femmes et une augmentation minime chez les hommes, dès lors que cette mesure les concerne moins. Pour la raison évoquée précédemment, ces effets se réduisent à long terme.


[1] Il est communément admis que l’évolution de l’emploi est principalement dictée, à court-moyen terme, par des mécanismes de demande et, à long terme, par des mécanismes d’offre. Autrement dit, à court-moyen terme, et dans la mesure où les personnes prolongeant leur activité professionnelle n’exercent pas un métier en pénurie, une augmentation de la population active devrait se traduire dans une plus grande mesure par une augmentation du chômage que par une création (nette) d’emplois.





Source : Bureau fédéral du plan, publications, novembre 2022

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