​Le monde entre-t-il dans ses plus sombres névroses ?

L’élection de Trump, ses promesses et menaces assorties d’autant de volte-face, nous entraîne dans un monde en suspension, sans aboutissement, sans projet — à part peut-être pour les États-Unis, et encore, je n’en suis pas certain.

Cette période, d’au moins quatre ans, marque une nouvelle configuration du monde, comparable à une inversion des pôles. L’ami devient l’ennemi, et inversement. La promesse devient mensonge, et le déni devient affirmation. Tout est instantané, dans l’imminence d’une parole, d’un acte, ou d’une impression, où l’incertitude précède la décision et où l’indécision suit la parole.

Les règles politiques, sociales et économiques sont bouleversées. Le néolibéralisme américain s’amplifie au point de devenir l’« exolibéralisme ». Les références intellectuelles ne sont déjà plus beaucoup écoutées, car elles sont remplacées par les réseaux sociaux, qui deviennent peut-être l’antichambre des autodafés, qui gomment l’histoire et la pensée critique.

Cette réalité est névrotique et dystopique. Elle se diffuse dans toutes les sociétés, qui prennent prétexte de la gestion des émotions pour décomplexer les paroles, et surtout les colères et frustrations enfouies dans les psychés individuelles et collectives. Peut-être qu’un psychiatre dirait que le monde perd son « surmoi », cette partie de la psyché qui intègre les valeurs morales, les interdits, les normes sociales et les idéaux transmis par les figures d’autorité.

Ce monde risque de faire de nous des esclaves esseulés
. Et c’est peut-être encore plus grave : nous observons peut-être que le monde perd progressivement sa conscience morale, son juge intérieur.

Tout se passe comme si la déconstruction de toutes les structures, à commencer par les structures sociales, était opérée au nom d’une simplification, qui permettrait aux humains d’accéder à un niveau d’efficacité (quoi que ce mot signifie), de prospérité et de liberté, prétendument entravée par les autres.

Dans ce contexte névrotique, le monde de Trump fait de tout autre, à terme, un ennemi.

C’est pourquoi un capitalisme libéré de tous ses garde-fous conduit immanquablement à la violence.

Et, à plus grande échelle, lorsqu’une société ne se supporte plus, cela conduit à la guerre.

Je crois que Karl Marx l’avait compris, dans son Manifeste du Parti communiste de 1848.

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