Le problème n’est pas de taxer “les riches”, mais aussi tout le monde…

Du côté francophone, on assiste à une surenchère entre des partis de gauche à propos d’un impôt qu’ils appellent “sur la fortune”, ou encore “sur le capital”. Cela impressionne évidemment beaucoup plus que de dire qu’il s’agit d’un impôt sur… l’épargne. Dans le langage de ces idéologues, on accepte peut-être que l’épargne est une vertu, mais le capital est par définition l’ennemi, tandis que le mot “fortune” permet d’activer le sentiment d’envie, malheureusement fort répandu. Ce simple changement de vocabulaire est utilisé comme un atout pour convaincre l’électeur.

Reste que pour déterminer ce qu’est une “fortune”, les partis, même à gauche, ne sont pas d’accord. Ecolo se montre, comme souvent, le plus taxateur, en considérant comme “fortunée” ou “riche” une personne possédant plus d’un million d’euros, outre l’habitation personnelle et l’instrument de travail. Ce montant passe à 1.250.000 euros pour le Parti socialiste, tandis qu’étonnamment, les communistes du PTB, qui s’imaginent peut-être recueillir quelques voix dans la classe moyenne, fixent le seuil de la richesse à… 5 millions d’euros, en arguant, d’une manière à peu près exacte, que ceux qui possèdent plus que ce montant, figurent dans les “1 % les plus riches”.

Dans tous les cas, personne ne s’intéresse à la manière dont cette prétendue “fortune” a été construite. Etymologiquement, la “fortune” (fortuna, en latin) qui veut dire chance, laisse entendre qu’elle devrait provenir du hasard, alors que ce n’est probablement le cas que des rares vainqueurs au Lotto.

Economiquement, aujourd’hui, les fortunes proviennent pour l’essentiel du travail et accessoirement de donations reçues et d’héritages. Ceux-ci sont déjà soumis à un très important impôt sur la fortune, dénommé les “droits de succession”.


ll ne faut pas croire ceux qui disent que l’impôt sur la fortune permettra de réduire d’autres impôts. Cela n’est jamais arrivé.

--Typhanie Afschrift, Avocate fiscaliste, professeure ordinaire à l’ULB


Lesquels sont perçus à des taux prohibitifs, allant, entre parents et enfants ou entre conjoints, jusqu’à 30 % pour une part de plus de 500.000 euros, et, entre personnes non apparentées, jusqu’à … 80 %. Le problème est que ces taux, définis pour la première fois en 1936, sont applicables à des tranches qui n’ont, volontairement, jamais été indexées, de sorte qu’un héritage composé d’une maison de la classe moyenne est imposé comme autrefois celui d’une personne richissime. En tout cas, en retenant de tels taux, et en tenant compte d’une génération de 30 ans, cela implique déjà un impôt sur la fortune moyen de 1 % par an, perçu à chaque décès.
Ce n’est pas rien.

C’est ici qu’apparaît le vrai problème de l’impôt sur l’épargne que l’on veut faire voter dans certains partis wallons, et beaucoup moins en Région flamande. En soi, il n’y a rien de plus anormal à imposer du capital statique que des revenus pouvant provenir du travail ou d’investissements. Le problème, c’est que cet impôt que l’on veut percevoir s’ajouterait à la masse énorme d’impositions dont les résidents belges font déjà l’objet. Rappelons tout de même que nous ne sommes pas loin d’un niveau de taxation correspondant à 50 % du PIB.

Il ne faut évidemment pas croire ceux qui disent que l’impôt sur la fortune permettra de réduire d’autres impôts. Cela n’est jamais arrivé : les impôts ne cessent de s’ajouter, surtout lorsque l’on a un déficit de 20 milliards par an à combler. Certains pays vivent bien, sans confrontations, l’existence d’un impôt sur la fortune de l’ordre de 0,5 ou 1 %.

Mais leur niveau global de taxation n’est pas comparable à celui de la Belgique. Le problème n’est pas de taxer “les riches”, mais de taxer les riches et aussi tout le monde.

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