L'élection américaine : un tournant décisif pour l'avenir?

Nul ne sait qui gagnera l’élection américaine, et peut-être faudra-t-il attendre des semaines avant de le savoir, comme ce fut le cas en novembre 2000.


Demain, ce sera Kamala Harris ou Donald Trump.

Mais, qu’on l’admire ou le honnisse, il y a quelque chose d’extraordinaire dans le destin de Donald Trump. Car, quand on y réfléchit, au-delà de toutes les outrances et des visions plus que réactionnaires d’un homme, donc d’une partie d’un pays dont la violence interne est à ébullition, il s’agit d’un phénomène qu’une démocratie, certes ploucratique, a créé.

Parce que, oui, c’est bien la terre promise que les puritains du Mayflower avaient consacrée. C’est bien le pays que Tocqueville, mieux que quiconque, a esquissé. C’est bien la statue de Bartholdi qui se dresse dans le port de New York. C’est bien le peuple qui nous a sauvés deux fois de l’Allemagne impériale et nazie. Et c’est la nation furieuse, qui à coup d’esclavage, a conquis un continent. Qui, le premier, a permis la traversée de l’Atlantique en avion, a inventé et utilisé la bombe atomique et envoyé une dizaine d’hommes sur la lune. Et c’est le pays qui a remporté le plus grand nombre de prix Nobel et dont l’innovation a transformé le monde. Et c’est un pays qui, bien que sa population ne représente que 4 % des habitants de cette planète, peut changer le destin du monde grâce à une suprématie militaire, économique et monétaire.

Et, en même temps, comment ne pas se retrouver dans ces quelques extraits du bloc-notes de François Mauriac datant du 3 septembre 1959 : « Ce peuple [américain], par bien des aspects de son génie, m’est plus étranger qu’aucun autre. Lui, il a fait beaucoup, plus que nous visiter : il nous a transformés… Mais, par-dessus tout, le culte, l’idolâtrie de la technique, de toutes les techniques inventées par l’homme et auxquelles l’homme s’asservit, la folie de la vitesse, ce tournis qui affecte tous les moutons de l’Occident, une trépidation à laquelle aucun de nous n’échappe : une démesure en toutes choses… »

Et c’est ce pays qui a fait émerger Donald Trump. Pour les Européens, cette élection est insaisissable. Cet homme est le produit de la collision de la mondialisation et de ce qu’elle engendre : l’individualisation. L’Amérique a toujours expulsé la violence intime de son système économique par des guerres étrangères. Aujourd’hui, l’isolationnisme conduit à réintégrer cette même violence dans un chaudron, le fameux melting pot, porté à incandescence. Avec, comme corollaire, la recherche d’un homme providentiel.

Et imaginons que Donald Trump soit effectivement élu et qu’il mette en mouvement son programme. Sommes-nous prêts ? Aucunement. Car une autre époque s’ouvre.

Les États-Unis laisseront l’Europe face à la vulnérabilité d’une guerre ukrainienne qu’ils ne voudront ni ne pourront financer, sauf à le faire contre leur opinion publique et en dépit de leur endettement croissant. Ce sera une paix mal signée, avec un danger russe persistant.

L’isolationnisme américain va pénaliser l’industrie européenne (je rappelle que nous exportons plus que nous n’importons des États-Unis), tandis que les surcapacités de production chinoises vont saper certains secteurs déjà en difficulté, comme l’automobile. Le plan Draghi est une réponse, mais à trop long terme.

Après un probable engouement temporaire pour le dollar et la bourse américaine, qui attirera des capitaux étrangers dans un contexte de déréglementation, l’endettement public américain va tellement s’alourdir sous les baisses d’impôts promises par Donald Trump que l’euro deviendra une monnaie trop forte, comme en 2009. La BCE devra alors assouplir sa politique monétaire, mais pourra-t-elle le faire sous influence allemande ? Cette question est d’autant plus cruciale que Donald Trump veut mettre la Federal Reserve sous le contrôle de la Maison-Blanche.

Mais il y a plus important : le climat, qui est, en vérité, un enjeu existentiel. Donald Trump fait le pari faustien d’une croissance économique débridée plutôt que de la planète. Il flotte d’ailleurs un air de désuétude sur les engagements climatiques, qui deviennent incantatoires plutôt qu’opératifs. Enfin, d’autres questions d’importance cruciale seront débattues : la nature des règles politiques, le respect des femmes et des minorités, la qualification même de la démocratie. Il faut parcourir, à cet égard, le projet 2025 qui prépare apparemment l’avènement d’une présidence de Donald Trump.

Demain est un jour de destin.

Montherlant écrivait : tout sera bouleversé par les mains hasardeuses du temps.

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