Une proposition de loi déposée à la Chambre le 17 juin dernier prévoit qu’à compter du 1er décembre 2020, toutes les donations authentiques étrangères de biens mobiliers effectuées par un donateur résident en Belgique, devront être enregistrées en Belgique et soumises aux droits de donation. Une mauvaise nouvelle, entre autres, pour tous les résidents belges qui souhaitaient transmettre des actions nominatives à moindre coût fiscal.
L’article 931 du Code civil impose de recourir à la forme notariée authentique dans le cadre de toute donation. Les seules exceptions sont le don manuel, c’est-à-dire la donation de biens meubles de la main à la main, et la donation « indirecte » qui couvre quasi essentiellement la donation par virement bancaire.
La donation devant un notaire belge entraînera le paiement de droits de donation. L’établissement des droits de donation étant une compétence régionale, ceux-ci varient dans les trois Régions. Les taux applicables sont de 3 %, 3,3 %, 5,5 % et 7 % selon le degré de parenté entre le donateur et le donataire.
Pour permettre le calcul des droits, conformément à l’article 948 du Code civil, un « état estimatif » des biens donnés doit être joint à l’acte de donation. Cet état doit être signé par le donateur et le donataire.
Les donateurs qui souhaitaient éviter le coût fiscal d’une donation notariée en Belgique pouvaient avoir recours aux services d’un notaire étranger dans un pays qui n’applique pas de droits de donation entre personnes non résidentes. C’est le cas des Pays-Bas et de certains cantons suisses comme celui de Genève.
La donation authentique réalisée à l’étranger est parfaitement valable sur le plan du droit civil en Belgique. L’article 931 du Code civil n’exige en effet pas que l’acte authentique soit réalisé en Belgique et autorise donc, implicitement, qu’il soit effectué à l’étranger.
L’acte authentique étranger n’était pas obligatoirement enregistrable en Belgique de sorte qu’en procédant de la sorte, on évitait le paiement des droits de donation.
Une telle opération n’était toutefois pas sans risque puisque l’absence d’enregistrement de la donation en Belgique et de paiement des droits de donation faisait courir le risque que les biens qui faisaient l’objet de la donation soient soumis aux droits de succession en cas de décès du donateur dans les trois ans qui suivaient la donation (sept ans même, dans certains cas, en Région flamande).
Il était néanmoins toujours loisible au donateur de faire enregistrer en Belgique la donation effectuée à l’étranger postérieurement à celle-ci. S’il apparaissait que son décès pourrait intervenir endéans le délai de trois ans, il était donc envisageable de faire enregistrer en Belgique la donation effectuée à l’étranger, de payer les droits de donation et d’éviter ainsi des droits de succession plus élevés.
La donation effectuée à l’étranger ne permettait toutefois pas de couvrir le risque d’une « mort subite » dans le délai de trois ans, celui-ci pouvant alors, le cas échéant, être couvert par une assurance spécifique.
Une proposition de loi déposée à la Chambre le 17 juin dernier prévoit qu’à compter du 1er décembre 2020, toutes les donations authentiques étrangères de biens mobiliers effectuées par un donateur résident en Belgique, devront être enregistrées en Belgique et soumises aux droits de donation.
Il s’agit assurément d’une très mauvaise nouvelle pour ceux qui envisageaient de pouvoir recourir encore à des donations authentiques étrangères à moindre coût fiscal.
Cette annonce frappe particulièrement les nombreux contribuables qui envisageaient de procéder à la donation d’actions nominatives de sociétés.
En effet, la question a été longtemps débattue de savoir si la donation d’actions nominatives pouvait être effectuée par la simple inscription du transfert dans le registre des actionnaires sans qu’il soit nécessaire de faire établir un acte notarié. Cette simple inscription pouvait-elle constituer un acte neutre et abstrait, tout comme un virement bancaire, constitutif d’une donation indirecte ne devant pas revêtir la forme authentique ?
Ce débat a été tranché à la faveur de l’adoption du nouveau Code des sociétés et associations (ci-après « CSA ») qui prévoit en ses articles 5 :61, alinéa 1er, 6 :50, alinéa 1er et 7 :73 qu’entre parties, « le transfert de titres s’opère selon les règles du droit commun ».
De surcroît, les travaux préparatoires de la loi ayant introduit le CSA invite à « distinguer les dispositions qui régissent la non-opposabilité de la cession des dispositions relatives à la validité de la cession » entre parties.
L’inscription du transfert dans le registre des actionnaires consiste essentiellement en une formalité de publicité en vue de rendre ce transfert opposable à la société et aux tiers. L’inscription en tant que telle ne constitue en aucun cas un titre de propriété pour le cessionnaire, celui-ci devant s’en référer au droit commun et produire une acte juridique, de vente ou de donation par exemple.
La transmission d’actions nominatives par la simple inscription dans le registre des actionnaires n’est donc pas envisageable, cette inscription ne constituant qu’une modalité d’opposabilité aux tiers et non un titre de propriété.
Il convient donc nécessairement de procéder à la donation devant notaire pour en assurer la validité sur le plan civil (et fiscal).
Si, ce qui paraît presque certain, la proposition de loi évoquée est voté, il ne sera donc plus possible, à compter du 1er décembre 2020, de procéder à la donation de parts nominatives sans procéder à l’enregistrement en Belgique et payer des droits de donation.
François COLLON
Avocat
Hirsch & Vanhaelst
Source : DroitBelge.be