Le gouvernement a décidé ce 16 septembre 2022 d’accorder un forfait à prix réduit aux ménages et des mesures de soutien aux entreprises ; elles sont présentées ici.
Cette note propose un premier décodage de ces mesures – sur base des informations disponibles publiquement – et pose quelques questions.
Il Il était temps et peu contestent aujourd'hui l'idée qu'il fallait aussi – outre les mesures déjà prises – aider plus les ménages de la classe moyenne, ne serait-ce que pour lisser les impacts du passage du tarif social vers une facture "normale", autrement dit atténuer l'effet de seuil, en particulier pour ceux qui sont juste au-dessus des revenus permettant d'obtenir le statut BIM.
En outre, la méthode choisie (un forfait de base) a l'avantage:
Donner à tous le même forfait mais récupérer 50% de cette prime pour les ménages les plus aisés permet de surmonter l'obstacle de la non connaissance des revenus des ménages et donc de la difficulté de travailler avec des seuils a priori.
Ceci dit, voici quelques clés de décodage.
Le ciblage reste imparfait ; au plus on monte dans l'échelle des revenus, au plus on rencontre des ménages avec de faibles consommations énergétiques (panneaux photovoltaïques, logements bien isolés, occupation du logement réduite en journée, etc.). A cet égard il n'est pas précisé ce que devient la prime pour les factures qui seraient inférieures à la prime forfaitaire.
On ne voit pas quelle est la logique de la décomposition du forfait entre électricité et gaz pour ceux qui utilisent les deux. Le tableau suivant montre en effet une baisse proportionnellement plus importante de la facture annuelle – aux prix de août 2022 – de gaz (9,63%) par rapport à celle de l'électricité (6,81%) ; il y a sûrement une "explication" qui apparaîtra un de ces jours.
Même imposée à 50% (taux marginal), le système choisi va quand même accorder une prime nette de 196 € à des ménages aux revenus très élevés.
Par rapport aux règles du tarif social, il y a trois différences par rapport à celles appliquées aux bénéficiaires du tarif social :
On ne voit pas très bien où est la logique mais on voit très bien l'absence de cohérence.
Par contre, le revenu additionnel pour personnes à charge se limite à 3.700,00 €/an dans le dispositif pour la classe moyenne contre 4.383,98 €/an pour les bénéficiaires du tarif social1. Pourquoi ? Ce n'est pas expliqué.
Avec les seuils de revenus maximums retenus, peut-on véritablement encore parler d'une aide à la classe moyenne ?
Un revenu annuel imposable net de 62.000 € correspond, pour un salarié qui bénéficie d'un double pécule de vacances et d'un 13ième mois et qui active le forfait pour frais professionnels, à un revenu mensuel brut à temps plein de 5.540 €/mois2, soit un salaire situé dans le 9ième décile. NB : A ce niveau de revenus, on peut imaginer que des contribuables déduisent des frais professionnels réels plutôt que le forfait.
Si on tient compte de la réalité des ménages (tout le monde ne travaille pas ou ne travaille pas à temps plein, il y a les indépendants dont la répartition des revenus est différente, il y a d'autres revenus que professionnels), on peut estimer que la limite des 62.000 € (+ 3.700 € par personne à charge3) pour les isolés se trouve dans le 10ième décile.
Pour les ménages mariés, l'estimation, sur base des informations disponibles, est plus compliquée, mais cela pourrait probablement être le 10ième décile aussi.
Notons encore ceci : il n'est pas clair de savoir comment sera traitée la situation d'un couple non marié dont l'un des deux dépasse le seuil de 62.000 € et l'autre pas ; qui, dans ce cas, doit déclarer, ou pas, la prime à l'enrôlement ?
Enfin, une fois de plus, les mesures prises pour les personnes/ménages autres que les plus précaires, n'établissent pas une équité entre ceux qui se chauffent au gaz et ceux qui se chauffent au mazout, comme le montre le tableau suivant, établi sur base des prix en août 2022.
Rappelons que la conclusion est inverse pour les ménages précaires : ceux qui se chauffent au mazout sont discriminés par rapport à ceux qui bénéficient du tarif social gaz.
Tout cela indique que l'on progresse mais que des mesures plus structurelles, plus stabilisées, plus cohérentes sont nécessaires ; ce sera pour quand ?
A tout le moins, il est urgent d'améliorer l'appareil statistique, a minima en construisant une répartition des revenus imposables par ménage.
Ces mesures état moins détaillées, les commentaires seront plus succincts.
Cela aide-t-il vraiment les entreprises et indépendants concernés de pouvoir reporter des dettes sociales ou fiscales si c'est pour finir par avoir des boulets aux pieds ?
Quelles seront les conditions pour obtenir un droit passerelle temporaire pour les indépendants qui rencontrent des difficultés en raison de leur facture énergétique : perte totale de revenus ou perte d'une certaine importance (si oui de quel pourcentage) ?
N'est-il pas temps de prendre deux mesures structurelles fortes:
un amortissement fiscal fortement accéléré pour les investissements, à tout le moins pour les investissements liés à l'énergie ; mais les urgences de l'heure étant aussi économiques et pas seulement énergétiques, je plaiderai désormais pour une mesure concernant l'ensemble des investissements
une adaptation rapide, automatique et structurelle des cotisations sociales des indépendants aux fluctuations des revenus, avec un effet concret : aucune cotisation, même minimale, en cas de revenus nuls.
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