Les partenaires sociaux belges demandent l’introduction d’une taxe kilométrique!
Temps de lecture: 5 min |3 juin 2024 à 04:40
Michel Maus
Professeur de droit fiscal @ VUB | Avocat associé @ Bloom Law
Les partenaires sociaux belges appellent, à l’approche des élections fédérales et régionales, à faire quelque chose pour la situation de mobilité « préoccupante » en Belgique et demandent l’introduction d’une taxe kilométrique pour les voitures dans tout le pays.
Mais est-ce vraiment une bonne idée ?
L’idée derrière la taxe kilométrique est en réalité assez simple. En appliquant des tarifs kilométriques plus élevés pendant les heures de pointe, on suppose que les conducteurs vont reporter leurs heures de départ, ce qui réduirait les embouteillages et fluidifierait le trafic. Ce système fonctionnera-t-il ? Oui, sans aucun doute. Les gens chercheront, comme le disent si bien les fiscalistes, “le chemin le moins imposé”, et en ce qui concerne la tarification kilométrique, nous pouvons le prendre presque littéralement. Mais si nous prenons le temps de réfléchir un peu plus aux conséquences d’une taxe kilométrique, il y a tout de même quelques considérations à prendre en compte :
Tout d’abord, nous pouvons nous interroger sur le caractère social de la taxe. Rendre le trafic aux heures de pointe plus coûteux signifie de toute façon qu’une certaine catégorie de personnes socialement vulnérables sera financièrement exclue de la conduite pendant les heures de pointe. Une étude de la KUL prend un coût de 6,66 euros pour un trajet aux heures de pointe comme exemple. Pour un salarié à temps plein qui doit faire la navette tous les jours, cela représente un coût supplémentaire de 266 euros par mois, ce qui n’est pas abordable pour tout le monde. De plus, c’est justement cette catégorie de personnes socialement vulnérables pour qui la flexibilité au travail est beaucoup moins évidente que pour les cadres supérieurs.
Ensuite, on peut également se poser des questions sur la neutralité budgétaire de la taxe kilométrique. La plupart des études suggèrent que la taxe kilométrique doit remplacer la taxe annuelle sur les véhicules et donc être neutre sur le plan budgétaire. À l’échelle macroéconomique, cela peut être vrai, mais à l’échelle microéconomique, il y aura de grandes différences.
En outre, il faut également tenir compte d’un effet pervers important, à savoir la répercussion de la taxe kilométrique sur le consommateur. Les fournisseurs de colis, les services de réparation à domicile, les entreprises de construction… il semble évident qu’ils répercuteront les coûts de déplacement, y compris la taxe kilométrique, sur le consommateur. Le consommateur devra donc non seulement payer la taxe kilométrique, mais aussi la TVA sur ce coût répercuté.
Mais la question la plus importante à se poser lors de l’introduction de la taxe kilométrique est de savoir si non seulement le conducteur mais aussi la société s’adaptera à cette nouvelle tarification. Diriger efficacement le comportement des automobilistes nécessitera plus qu’une pénalisation fiscale sous forme de taxe kilométrique plus élevée pendant les heures de pointe. Une mère célibataire avec deux enfants qui doit impérativement être à la crèche, chez la nourrice ou à la porte de l’école avant 18 heures n’a pas grand-chose à faire du fait qu’elle paiera moins de taxe kilométrique si elle ne rentre chez elle qu’après 19h30. Il en va de même pour l’employé dont l’employeur s’attend à ce qu’il ou elle soit à l’accueil de l’entreprise de 9 à 17 heures chaque jour ouvrable. Diriger efficacement le flux de trafic ne réussira que si cela s’accompagne d’un changement sociétal, où le schéma de travail classique de 9 à 17 heures est remplacé par un système de travail beaucoup plus flexible, offrant beaucoup plus de liberté aux travailleurs. Encourager ou même obliger le télétravail peut déjà être un pas important. En outre, il semble également souhaitable que, si les gens sont fiscalement obligés de se déplacer en dehors des heures de pointe, cela soit compensé par des horaires d’ouverture plus tôt et plus tard des garderies, des écoles, des hôpitaux, des services publics, des magasins, etc.
La question cruciale est de savoir si la société est prête pour cela.
La fiscalité peut être utilisée pour de nombreuses choses, mais ce n’est pas une panacée qui peut résoudre tous les problèmes du monde. La mobilité en fait partie. Dites qu’un fiscaliste vous l’a dit.
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A l’origine, cet article a été rédigé en néerlandais, en sorte que c’est à laversion néerlandaisequ’il convient de se référer en tout état de cause.
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