Les revenus des ménages dans la supernota de De Wever

La supernota de Bart De Wever, telle qu'elle a été rendue publique par La Libre le 18 octobre 2024, contient de nombreuses analyses et propositions concernant les revenus des ménages.

Cette note de décodage essaye de comprendre les tenants et aboutissants de quelques points essentiels, en rappelant que rien n'est encore certain :

  • l'augmentation de la différence entre le travail et le non-travail à plus de 500 €
  • la liaison au bien-être
  • l'indexation des salaires et allocations sociales
  • la réforme fiscale.

L'augmentation de la différence entre le travail et le non-travail à plus de 500 €

La proposition centrale est ici de plafonner, de facto à un niveau assez bas, les avantages sociaux (y compris les allocations sociales) pour essayer d'arriver à un écart de 500 €. Voici ce que dit le texte : « Grâce à un registre central, nous enregistrons le montant des avantages sociaux (le texte en français indique faussement "prestations sociales") perçus par une personne. Nous plafonnons ces avantages sociaux, y compris les allocations, à XX% du revenu minimum que cette personne percevrait sur la marché du travail, en tenant compte des personnes à charge. »

Si on prend, à titre d'exercice de réflexion, un pourcentage de 80%, le total des allocations et avantages sociaux serait de maximum

  • 1.563,07 €/mois pour une personne isolée
  • 1.652,16 €/mois pour une maman seule avec deux enfants ; c'est moins que le RIS ; certes rien n'empêcherait d'augmenter cette limite pour les personnes avec enfants à charge mais cela réduit d'autant la possibilité d'arriver à un écart de 500 €.

On notera que la différence de 500 €/nets par mois est déjà aujourd'hui très souvent acquise. Illustration : en octobre 2024, le revenu d'intégration pour une personne seule se monte à 1.288,46 €/mois ; si ce bénéficiaire devait obtenir un job à temps plein au salaire minimum (2.070,48 € bruts/mois), il aurait un salaire net de 1.954,63 € ; soit un écart de 666,17 €/mois.

Notons aussi que l'écart allocation-salaire net est plus élevé si on tient compte de l'apport au pouvoir d'achat des 13ème mois et double pécule de vacances.

Par contre, la perte d'avantages sociaux, par exemple le tarif social pour l'électricité ou le gaz, de même que la prise en compte des dépenses professionnelles (frais de déplacement) ou assimilées (frais de crèche) tasse l'écart travail-non travail si on le mesure en niveau de vie.

Là où les écarts sont inférieurs à 500 €, voire négatifs, c'est quand le salarié potentiel est un parent mono et/ou que le job proposé est à temps partiel.

C'est ici qu'on se rend compte de l'absence de conceptualisation fine de la problématique ; par exemple

  • intègre-t-on ou pas le 13ème mois et le double pécule de vacances dans le calcul de l'écart ? ;
  • parle-t-on des revenus ou du niveau de vie ?
  • comment valorise-t-on les avantages sociaux comme le tarif social énergie ?
  • etc.

Si cette orientation devait néanmoins être retenue et implémentée, il faudrait a minima mieux la conceptualiser et l'intégrer dans un ensemble de réformes :

  • définir un traitement clair et faisable pour les avantages accordés au couple ;
  • tenir compte des dépenses professionnelles ;
  • mensualiser les revenus bruts et nets en divisant la somme des revenus annuels par 12 ;
  • mieux calibrer le cumul d'allocations sociales et de salaires, en évitant de pénaliser le passage à un temps plein ;
  • accepter que les réductions fiscales soient transformées en crédits d'impôt pleins et immédiatement activés ;
  • mieux articuler les politiques des revenus fédérale et régionales ;
  • tenir compte de l'impact sur les revenus d'un couple (ou de toute personne vivant ensemble) de la (re)mise à l'emploi d'un des membres du couple, ce qui passe par une individualisation des droits sociaux, option qu'une bonne partie des décideurs politiques flamands refuse au nom d'une vision familialiste dépassée.

La liaison au bien-être

Deux conclusions essentielles ici :

  • il n'y aura quasiment aucune marge pour les allocations autres que les pensions (hormis peut-être ce qui concerne les revenus de personnes porteuses d'un handicap)
  • l'enveloppe dégagée chaque année – au demeurant moins bien dotée – profitera surtout aux pensions (à concurrence d'au moins 80%).

Les mécanismes d'indexation

Certes, le maintien de l'indexation "classique" des salaires et allocations est explicitement garanti dans la supernota. Mais avec de nombreux accommodements et risques de voir évoluer fondamentalement le système.

La future coalition demandera « aux partenaires sociaux de préparer un avis sur la réforme de la loi sur les salaires et du système d'indexation automatique pour le 31/12/2026. » Difficile de savoir ce qui sortira de cette négociation ; les choix pour une réforme possible sont nombreux et passent par :

  • Une autre mesure, plus représentative, plus lisible, de l'inflation : on pourrait, par exemple, accorder une plus grande place au logement dans les pondérations de l'IPC.
  • Un resserrement des biens et services retenus dans l'indice-santé : passer de l'IPC – éventuellement revu – à l'indice qui sert aux indexations est un choix politique. On pourrait, par exemple, se baser sur les consommations essentielles des petits revenus.
  • La rapidité de l'indexation. Ici la note propose de prendre la moyenne des 12 derniers-mois de l'indice-santé plutôt que les 4 derniers mois (qui est la situation actuelle).
  • Il y a encore les débats qui portent sur une indexation calibrée en fonction de la hauteur des salaires, formule qui se révèle assez populaire.
  • Il y a le débat sur l'indexation à date fixe (qui va d'une fois par an à une fois tous les deux mois) ou à date variable (quand l'indice-santé lissé a augmenté d'un certain pourcentage, généralement 2%).
  • Enfin, quand il y a indexation en cours d'année, le net évolue moins que le brut, vu que les barèmes fiscaux sont indexés en début d'année. Ce point n'est pas abordé dans la note.

On verra comment le débat sur l'indexation évoluera mais on peut supposer que le système aura, après réforme, les caractéristiques suivantes :

  • une indexation par an pour tou.tes et tous les revenus (en même temps que l'indexation des barèmes fiscaux), mécanisme s'imposant à toutes les conventions paritaires
  • basée sur un indice-santé moins sensible encore à l'évolution des prix énergétiques et lissé sur 12 mois
  • atténuée structurellement pour les salaires supérieurs et/ou certaines allocations comme les pensions les plus élevées.

La réforme fiscale

Quelques observations majeures :

  • Concrètement, une maman seule avec deux enfants travaillant à temps plein au salaire minimum ne bénéficiera – pour ce qui est du précompte professionnel en tout cas – ni de l'augmentation de la quotité exemptée ni de la revalorisation du bonus fiscal.
  • D'autres travailleurs n'en profiteront que partiellement. Un isolé (fiscal) travaillant à mi-temps pour un salaire de 1.400 € verra au total son précompte réduit de 1,36 € seulement.
  • Les crédits d'impôts, y compris pour enfants à charge, sont appelés à disparaître pour les allocataires sociaux. Encore faut-il déterminer, ce qui n'est pas fait dans cette note, ce qu'ils deviendront quand le contribuable cumule, pour une année donnée, des revenus du travail et des allocations.
  • Enfin, innovation majeure : « Le précompte mobilier libératoire est maintenu. Toutefois, ce revenu sera désormais mentionné par l'administration fiscale dans sa déclaration, ce qui permettra de prendre en compte l'ensemble des revenus pour l'octroi d'avantages sociaux. » C'est une très bonne chose de considérer l'ensemble des revenus plutôt que seulement ceux qui sont repris dans la déclaration IPP pour le calcul de la capacité contributive réelle.


Plus dans la note ci-dessous (annexe)

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