L'IA pourrait-elle nous aider à mieux appréhender le monde?

Je partage une réflexion à la lecture d’un passage du dernier livre d'Harari, Nexus, consacré à l’intelligence artificielle (IA) et à ses défis sociétaux. Il met en garde contre les dangers d’un monde d’illusions. L’IA se nourrit, telle une métaphore omnisciente, de toutes les informations qu’elle déconstruit et reconstruit sous des formes infinies.

Ce processus est de nature inductive, ce qui est crucial : la machine n’est pas programmée pour répéter, mais pour créer. Cela conduit, dans ses formes extrêmes, à un monde amnésique, recréé à chaque instant de manière fugace. Le danger réside dans la perte de la relation à l’autre, à la culture et à l’histoire, puisque seul le moment présent compterait, à travers la pensée et donc l’action.

Cette vision, certes paroxystique, est étouffante et despotique, car il pourrait se produire une situation où nos mémoires seraient constamment vidées, reconditionnées par une machine. Contrairement à 1984 de George Orwell, l’oppression ne viendrait plus d’une surveillance et d’un conditionnement extérieur répété et oppressif, mais de l’intérieur de chacun d’entre nous, puisque la formulation de la pensée serait propre à chaque individu, sauf en cas de perversion totalitaire de la machine.

Mais si cette vision extrême est asphixiante, on pourrait aussi avancer l’argument que si chacun d’entre nous est soutenu par la machine, nous pourrions imaginer que nous soyons tous des pouvoirs et contre-pouvoirs individuels, éloignant ainsi la possibilité d’une oppression de masse.

Peut-être que l’IA pourrait nous aider à franchir un cap dans la créativité infinie en nous libérant de nos oppressions et en élargissant le champ de vision de nos intelligences. On peut se demander si nos mémoires et réflexes sont fiables, suffisamment remis en question, et donc purgés d’un ensemble de « pollutions » qui, pour utiliser un mot peut-être inapproprié, seraient « sous-optimales ». Un seul mot, à la signification ambivalente, me vient à l'esprit pour résumer cette situation : appréhender, qui signifie à la fois saisir (une idée) et craindre. Peut-être que l’IA pourrait nous aider à appréhender (comprendre) et à dépasser nos appréhensions (craintes).

Je ne sais pas si mon raisonnement est juste, car je me demande, comme Dostoïevski l’avait « appréhendé » dans Les Frères Karamazov, si l’homme est prêt pour la liberté. Dans le chapitre Le Grand Inquisiteur, Jésus revient sur Terre, en Espagne, au temps de l'Inquisition. Il est immédiatement reconnu par la foule, qui l’adore. Cependant, il est arrêté sur ordre du Grand Inquisiteur, qui accuse Jésus d'avoir trop exigé des hommes en leur offrant la liberté, les condamnant ainsi à la souffrance.

Mots clés

Articles recommandés

Et la Chine? Quand la R&D suit toujours la production!

Mise à jour de la farde documentaire : Intelligence artificielle et bonne gouvernance

Faire face à des défis budgétaires considérables