En raison du contexte exceptionnel lié à la crise du coronavirus, le SPF Finances a reporté ses actions de contrôles sur place non essentielles. L’administration fiscale n’est toutefois pas à l’arrêt. Ainsi a-t-elle envoyé une vague de demandes d’informations à de nombreux détenteurs de comptes à l’étranger, au grand malheur de certains…
Il ne faut pas se leurrer : les mesures de soutien économique prises par les autorités pour tenir le cap dans cette tempête créeront un énorme trou dans le budget de l’Etat. Il faudra bien que quelqu’un supporte un jour la facture. Selon certains, la solution doit être trouvée dans une fiscalité de crise post-coronavirus (impôt sur la fortune, taxation des « surprofits » des grandes entreprises pendant la crise, taxation des loyers et des plus-values sur actions,…). La balle est à présent dans le camp de nos politiciens.
Dans l’intervalle, l’administration fiscale ne reste pas les bras croisés : soucieuse de renflouer les caisses de l’Etat, elle s’efforce de traquer les revenus imposables non déclarés.
Au cours des dernières semaines, le fisc a ainsi adressé une demande de renseignements à de nombreux contribuables détenant des comptes financiers à l’étranger. Les questions ont trait notamment aux éléments suivants : les transactions opérées sur ces comptes, les soldes des comptes au début et à la fin de chaque période imposable, les contrats d’assurance-vie conclus auprès de compagnies étrangères ou les comptes bancaires liés à la gestion de biens immeubles situés à l’étranger. Des informations très pointues sont également sollicitées à propos d’opérations portant sur des parts de fonds d’investissement (SICAV), ce qui pourrait permettre au fisc de taxer le cas échéant les éventuelles plus-values en application de la « taxe Reynders ».
Ces demandes d’informations portent souvent sur les années de revenus 2012 jusque 2018 (exercices d’imposition 2013 à 2019).
Le fisc fait ici usage des délais d’imposition extraordinaires applicables lorsqu’il reçoit des informations d’administrations fiscales étrangères.
Ces demandes d’informations font suite aux fameuses fiches « CRS » (« Common Reporting Standard ») qui ont été transmises à l’administration fiscale belge en septembre 2018. Les lecteurs de l’Echo n’ignorent pas que les autorités fiscales belges reçoivent sur un plateau d’argent des renseignements sur les comptes financiers détenus par des résidents belges auprès d’institutions financières établies dans 99 Etats, notamment le Luxembourg, la Suisse, le Liechtenstein, Hong Kong, Singapour, les Emirats Arabes Unis (et donc notamment l’Emirat de Dubaï), les Iles Vierges britanniques, les Iles Caïmans et le Panama. Il va sans dire que l’administration fiscale exploite cette masse d’informations. Lorsque les informations reçues par le fisc belge sur la base des fiches CRS font apparaître que le contribuable n’a pas déclaré des revenus, le fisc n’hésite pas à envoyer une demande de renseignements, voire un avis de rectification.
Les personnes potentiellement impactées peuvent avoir des profils fort variés :
Imaginer que l’on peut aujourd’hui dissimuler son patrimoine étranger en toute impunité relève du mythe.
Le délai de réponse à la demande de renseignements est d’un mois. Or, rassembler toutes les informations sollicitées par le fisc endéans un délai aussi court n’est pas une sinécure.
Bonne nouvelle : l’administration entame sa demande de renseignements en indiquant qu’elle est consciente des difficultés engendrées par la crise et qu’elle se montrera flexible en cas de demande par le contribuable d’une prolongation du délai de réponse. Qui a dit que l’administration fiscale était une bête froide et inhumaine ?
Denis-Emmanuel Philippe
Avocat-associé (Bloom-Law) et Maître de conférences ULiège