La géopolitique traverse un immense basculement. Les États-Unis, sous l’administration Trump, vont donner un coup de fouet indescriptible à leurs industries. La Chine, devenue leur principal rival dans de nombreux domaines, notamment l’intelligence artificielle, domine également des secteurs industriels que l’Europe avait jugé commode — et très rentable — de délocaliser dans des pays à salaires plus bas.
Tout cela a conduit à un déclassement industriel et une perte d’innovation en Europe. De surcroît, l’Europe est entraînée dans l’hostilité croissante envers le monde occidental exprimée par le Sud global (les BRICS+). Pourtant, en réalité, c’est le modèle néolibéral anglo-saxon qui est principalement visé, pas nécessairement l’Europe.
En décrochant sur le plan de la croissance économique, l’Europe doit affronter des chocs contradictoires : uUn éloignement progressif des États-Unis, une concurrence chinoise de plus en plus féroce, et bien sûr, une guerre que, malgré leurs grands discours, les Européens ne pourront ni ne voudront poursuivre sans l’aide américaine. Or, cette aide américaine s’amenuise : les États-Unis, historiquement, ne remboursent pas leurs dettes et ne terminent jamais réellement leurs guerres.
Tout cela pourrait être géré avec soin si l’Europe était politiquement unifiée. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Certains pays, comme la France et l’Allemagne, affichent des positions politiques très affirmées, tandis que la Commission européenne repose sur des compromis fragiles. De plus, certains États souhaitent s’extraire du carcan européen pour retrouver une liberté d’action diplomatique et économique, souvent en lien avec les États-Unis. C’est notamment le cas de la Pologne, des Pays-Bas et de l’Italie.Mais alors, qu’est-ce qui manque à l’Europe ?
Tout, à commencer par un modèle politique homogène. Autrefois social-démocrate, l’Europe est devenue aujourd’hui plus fragmentée. Dans un texte saisissant de 1934 intitulé L’unification de l’Europe, Stefan Zweig (1881-1942) anticipait déjà notre situation contemporaine : « [L’idée européenne] n’appartient qu’à une mince couche supérieure et n’a pas pris racine dans l’humus des peuples. Reconnaissons la suprématie de l’idée opposée : le nationalisme. »
À mon sens, la formulation actuelle de l’Union européenne ne correspond plus à un modèle efficace. En voulant tout rendre trop reflementé et centralisé, on alourdit le projet. C’est pour cette raison que certains pays cherchent à s’en éloigner. Je commence à me demander, de manière contre-intuitive, s’il ne faut pas réinventer un modèle plus confédéral et moins fédéral. Une confédération est une union volontaire d’États indépendants qui délèguent certains pouvoirs limités à un organe central commun, tout en restant pleinement souverains. La question mérite d’être posée... car s'impose déjà.
Cela mènera à une Europe à plusieurs vitesses. Mais pourquoi pas ?