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Non, notre économie belge ne va pas si bien!

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Ces derniers jours, la FGTB s'est remarquablement manifesté dans les médias. Cela s'inscrit sans doute dans leur campagne pour les élections sociales de mi-mai, mais il semble qu'ils souhaitent l'étendre aux élections du 9 juin. Le cœur du message semblait être « tout va bien avec notre économie et notre budget ». Selon l'ABVV, notre économie se porte clairement mieux que ce que la plupart des gens pensent, il n'y a pas de problème de compétitivité et les salaires doivent surtout augmenter substantiellement. Concernant nos finances publiques, il a été littéralement proclamé : « Le budget n’a pas été mal géré. Nous n’avons pas vécu au-dessus de nos moyens. » Cette « analyse » est, dans le meilleur des cas, assez unilatérale et à courte vue. Dans le pire des cas, elle est carrément nuisible, car refuser de reconnaître les problèmes et les défis signifie qu'il est bien sûr exclu de les aborder avec une politique appropriée.

L'économie se porte temporairement mieux

Notre économie a crû de 1,5 % l'année dernière. C'est nettement mieux que la moyenne européenne (0,2 %) et que la moyenne dans les pays voisins (-0,1 %). C'est aussi certainement mieux que ce qui était craint auparavant. Au cours de l'année dernière, les risques de récession semblaient très réels aussi pour la Belgique, mais contrairement à l'Allemagne et aux Pays-Bas, un tel scénario a été évité ici. La question est alors bien sûr de savoir à quoi nous devons cette performance de croissance relativement forte, et surtout quelle est la probabilité que nous puissions continuer sur cette lancée positive dans les prochaines périodes. Cela sera probablement assez décevant. Notre économie a été soutenue l'année dernière en grande partie par l'augmentation significative du pouvoir d'achat, en grande partie grâce à l'indexation automatique des salaires, et par une politique budgétaire relativement souple. Nous ne pourrons cependant pas continuer ainsi. L'augmentation des salaires nettement plus marquée qu'aux pays voisins entraîne un handicap de compétitivité vis-à-vis des concurrents étrangers et pèse déjà lourdement sur les marges bénéficiaires des entreprises. Poursuivre dans cette voie n'est pas une stratégie viable. Il en va de même pour la politique budgétaire souple qui se traduit par un grand déficit budgétaire.

Cet handicap salarial ainsi que ce déficit budgétaire devront être corrigés dans les années à venir, ce qui pèsera à ce moment-là sur la croissance économique. Selon les dernières prévisions du FMI, l'économie belge devrait croître en moyenne de 1,25 % par an au cours des cinq prochaines années. Nous serions ainsi parmi les plus faibles croissances parmi les pays industrialisés. Des pays comme le Royaume-Uni (1,6 %), les Pays-Bas (1,7 %) et la Suède (2,2 %) devraient afficher des taux de croissance nettement supérieurs. De plus, cette estimation pour la Belgique repose sur l'hypothèse que le prochain gouvernement ne fera rien pour aborder la situation budgétaire dramatique, ce qui entraînerait une augmentation encore plus importante du déficit budgétaire (de nouveau selon le FMI, de 4,4 % en 2024 à 5,6 % en 2029). Nous ne pouvons probablement pas nous le permettre. Les efforts nécessaires pour réduire le déficit freineront encore davantage la croissance économique. Quoi qu'il en soit, la meilleure croissance que prévu l'année dernière ne garantit pas que nous continuerons à croître plus fortement dans les années à venir (et donc ne garantit pas non plus que tout va bien avec notre économie).

Nos finances publiques sont bel et bien un problème

La position de la FGTB sur notre budget est vraiment étrange. Diverses organisations telles que la Banque nationale, le Bureau du Plan, la Commission européenne et l'OCDE mettent en garde depuis des années contre les risques liés à nos finances publiques chancelantes. Pendant ce temps, la situation semble ne faire qu'empirer, et sans intervention, cette tendance à la baisse se poursuivra dans les années à venir. Les nouvelles prévisions du FMI le confirment également. Ainsi, vers la fin de la prochaine législature, nous nous dirigeons vers un déficit budgétaire de 5,6 % du PIB (après les États-Unis et la Slovaquie, le plus élevé parmi les pays industrialisés), vers des dépenses publiques de 56,2 % du PIB (les plus élevées parmi les pays industrialisés, alors que la qualité des services publics n'est certainement pas proportionnelle) et la dette publique augmenterait de 11 % du PIB (alors qu'elle diminuerait dans d'autres pays européens ayant une lourde dette publique).

Ce type de chiffres concernant les finances publiques dans des conditions économiques relativement 'normales' est simplement une politique irresponsable et signifie surtout que nous n'aurons plus de marge lors d'une prochaine crise et que nous risquons de subir rapidement des pressions. C'est précisément pour cette raison que nous devons utiliser les années relativement calmes pour remettre notre budget sur les rails. La FGTB fustige depuis un moment les nouvelles règles budgétaires européennes, mais ignore la simple réalité que le prochain gouvernement, avec ou sans règles budgétaires européennes (et d'ailleurs quelle que soit sa composition), devra faire des efforts pour remettre nos finances publiques en ordre. Laisser simplement la situation budgétaire se détériorer davantage, comme le suggèrent la FGTB et malheureusement aussi certains partis politiques, n'est pas une option sérieuse.

Défis importants

Dans la campagne, comme souvent, de nombreuses choses sont déformées. L'opposition aime présenter la situation de notre économie pire qu'elle ne l'est, tandis que la majorité présente les choses plus belle qu'elles ne le sont. La réalité des dernières années est que notre économie a bien résisté à la succession de crises, mais que nous ne sommes pas bien préparés aux défis qui nous attendent. Nous ne sommes pas immédiatement confrontés à une crise économique aiguë, mais dans de nombreux domaines, nous perdons progressivement du terrain par rapport à d'autres pays, notamment en termes d'industrie, de compétitivité, d'éducation, de productivité, d'infrastructure, de numérisation, de finances publiques… Si nous ne parvenons pas à inverser ces tendances à la baisse, cela coûtera inévitablement à terme notre prospérité. Cela est particulièrement vrai dans un monde caractérisé par de nombreuses incertitudes économiques. Dans ce contexte, nos prochains gouvernements doivent se mettre sérieusement au travail. Ignorer simplement ces nombreux défis constitue une menace réelle pour notre prospérité future.

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