Non-respect du RGPD = concurrence déloyale

Dans un litige commercial, le tribunal constate l’absence de charte vie privée, ce qui caractérise une violation du RGPD. Il juge tout manquement à la réglementation dans l’exercice d’une activité commerciale induisant nécessairement un avantage concurrentiel indu pour son auteur, la défenderesse s’est rendue coupable d’acte de concurrence déloyale.

L’histoire est, au départ, banale :

  • PLAISANCE EQUIPEMENTS est une entreprise familiale française active dans le secteur de la réparation de machines agricoles. Elle est titulaire d’une marque verbale de l’Union européenne et de deux brevets.
  • Une société de droit néerlandais A.T.W.T fabrique des pièces d’usure adaptables, notamment des pièces destinées à des machines agricoles. Ses produits sont distribués en France par une société CARBTECH.
  • PLAISANCE considère que les produits commercialisés en France par CARBTECH violent sa marque et ses brevets.

L’assignation est longue comme le bras et soulève plusieurs arguments :

  • Contrefaçon de brevet ;
  • Contrefaçon de marque ;
  • Concurrence déloyale par manquement à la règlementation.

Nous ne passerons en revue que quelques-uns des arguments.

Google Adwords

La marque est-elle contrefaite par l’utilisation de Google Adwords ?

Rappelant la jurisprudence de la CJUE, le tribunal rappelle que « l’utilisation dans le programme Adwords de Google de mots clés même constituant la marque d’un concurrent n’est pas interdite en soi et ne constitue pas du seul fait de cette utilisation une contrefaçon de marque. Elle n’est illicite qu’en cas de confusion effective dans les résultats affichés entre les produits du titulaire de la marque et ceux du concurrent, c’est-à-dire lorsque les résultats de la recherche ne permettent pas ou seulement difficilement à l’internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers. »

Le tribunal constate qu’une recherche dans Google sur les termes « marteau pour broyeur PLAISANCE » propose en premier choix d’accéder au site « carbtech.fr ». Le lien est libellé « marteau pour broyeur [Localité 7] – Pièces Haute Résistance HRT » et, en-dessous, il est indiqué « Votre partenaire contre l’usure marteaux pour broyeur [Localité 7] ».

Le tribunal juge que l’utilisation du terme « partenaire » et de la préposition « pour » associée au fait que c’est bien le site de la défenderesse qui est affiché, est de nature à permettre à l’internaute moyen d’être éclairé sur l’identité de ce site, étant précisé que celui-ci est au cas d’espèce non un consommateur lambda, mais un professionnel utilisant des engins à broyer et qu’en cette qualité, il connaît le marché des pièces de rechange.

Ce jugement est conforme au cadre juridique et la jurisprudence : voyez notre dossier complet sur le référencement pour plus d’infos.

Concurrence déloyale par violation du RGPD

La plaignante fait valoir que la société CARBTECH ne respecte ni la réglementation applicable à un site internet marchand, ni le droit de la consommation, ni le RGPD, et qu’étant en concurrente sur le « marché des pièces d’usure », les manquements à la réglementation en vigueur sont générateurs d’une rupture d’égalité dans la concurrence, indépendamment de tout risque de confusion, qui constitue une faute.

Le tribunal approuve :

« La concurrence déloyale, fondée sur le principe général de responsabilité édicté par l’article 1240 du code civil, consiste dans des agissements s’écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans les activités économiques et régissant la vie des affaires tels que ceux créant un risque de confusion avec les produits ou services offerts par un autre opérateur.

Constitue un acte de concurrence déloyale le non-respect d’une règlementation dans l’exercice d’une activité commerciale, qui induit nécessairement un avantage concurrentiel indu pour son auteur (Cass. Com., 17 mars 2021, no01-10.414).

Par ailleurs et comme le relève justement la demanderesse, une situation de concurrence directe ou effective n’est pas une condition de l’action en concurrence déloyale, qui exige seulement l’existence de faits fautifs générateurs d’un préjudice (Cass. Com., 13 mai 2016, no14-24.905). »

Le tribunal constate qu’il manque des informations obligatoires sur le site web, mais surtout que « la société CARBTECH procède à une collecte de données à caractère personnel portant notamment sur le nom, l’email et le numéro de téléphone des personnes concernées sans fournir aucune information sur les conditions de ce ou ces traitements et en se limitant en réalité à un paragraphe d’information dans l’onglet ‘mentions légales’ ».

Le tribunal critique cette situation : « aucune charte de confidentialité n’est cependant mise à la disposition du public, le lien dédié renvoyant en réalité à une page d’erreur comme cela ressort du procès-verbal de constat d’huissier dressé le 25 janvier 2019. »

Au regard de l’ensemble de ces éléments et dans la mesure où tout manquement à la réglementation dans l’exercice d’une activité commerciale induit nécessairement un avantage concurrentiel indu pour son auteur, il convient de juger que la société CARBTECH s’est rendue coupable d’acte de concurrence déloyale au préjudice de la demanderesse.

Commentaires

Le principe de la concurrence déloyale qui découle de la violation d’une loi ou d’une règlementation n’est pas neuf.

Ce qui est novateur, en l’espèce, c’est le caractère systématique de l’avantage concurrentiel indu : pour le tribunal, « tout » manquement à la réglementation dans l’exercice d’une activité commerciale induit « nécessairement » un avantage concurrentiel indu pour son auteur. La combinaison des termes « tout » et « nécessairement », crée un mécanisme redoutable dans lequel la plus petite faute pourrait avoir des conséquences incontrôlables. Il faudra encore attendre un peu pour voir si cette formulation se généralisera dans la jurisprudence.

Rappelons qu’en Belgique, le juriste dispose de l’article VI.104 CDE qui répond à la même logique mais permet précisément une approche au cas par cas : est interdit « tout acte contraire aux pratiques honnêtes du marché par lequel une entreprise porte atteinte ou peut porter atteinte aux intérêts professionnels d’une ou de plusieurs autres entreprises ». Les tribunaux font de longue date une interprétation très large de cette disposition, qui permet de sanctionner efficacement les manquements à la loi.

Plus d’infos ?

La décision commentée est disponible en annexe.

Source : Ulys.net, Actualités, décembre 2022

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