Nouveauté - le certificat d'aptitude au travail

Sous sa forme actuelle, le certificat médical a des effets pervers. Il implique un choix binaire (être malade ou être au travail) et a pour conséquence que, dans de nombreux cas, les travailleurs attendent plus longtemps que nécessaire avant de reprendre le travail. Ceci présente évidemment des inconvénients majeurs pour le travailleur comme pour l’employeur : la réinsertion sur le marché du travail se complique au fil du temps, le revenu du travailleur diminue et l’employeur doit investir dans le salaire garanti d’un travailleur inactif et dans le recrutement de son remplaçant, qui doit éventuellement être formé.


En 2018, le trajet de réintégration avait précisément été instauré avec l’objectif de réinsérer les travailleurs en incapacité (de longue durée ou non). Force est de constater que cet objectif n’est que très partiellement atteint. En effet, 67 % des trajets de réintégration ont mené à la fin du contrat de travail pour force majeure médicale depuis l’entrée en vigueur du trajet et seuls 20% de ces trajets se concluent par un retour effectif dans l’entreprise.


Pour tenter de résoudre ce problème, une proposition de loi a été déposée à la Chambre afin d’instaurer un certificat d'aptitude au travail qui faciliterait la reprise rapide du travail par les travailleurs malades.


ORIGINE


Cette idée vient du Royaume-Uni où un certificat d’aptitude au travail (fit note) a été lancé en 2010 dans le but de transformer le certificat de maladie traditionnel (sick note) en un certificat qui incite davantage à la reprise du travail. Cela a été bien accueilli par les médecins généralistes et les employeurs de ce pays.


Au Royaume-Uni, près de 7,3 % des certificats d’aptitude au travail délivrés en septembre 2019 mentionnaient que l’exercice d’un travail adapté ou d’un autre travail était possible durant la période de maladie (maybe fit for work), les 92,7 % restants comportant la mention contraire (not fit for work). Sur les 7,3 % de travailleurs ayant reçu, au travers d’un certificat d’aptitude au travail, un avis favorable à l’exercice d’un travail adapté ou d’une autre fonction, environ 51 % ont reçu un avis recommandant l’exercice de tâches aménagées, 31 % un avis recommandant l’aménagement de leurs horaires de travail, 29 % un avis recommandant un retour progressif au travail, et 15 % un avis recommandant l’aménagement de leurs lieux de travail. Dans 13 % des cas environ, le médecin généraliste n’a formulé aucun avis spécifique. La fit note n’a donc pas encore atteint tout son potentiel. C’est pourquoi, en Belgique, la proposition de loi déposée insiste sur le besoin de sensibilisation des acteurs concernés afin de maximiser l’utilisation du certificat d’aptitude au travail.


UN CERTIFICAT DE PLUS ?


Précisons d’emblée qu’il ne s’agit pas d’un certificat distinct du certificat médical actuel mais plutôt de l’intégration d’une nouvelle rubrique au sein de ce dernier. Concrètement, un espace libre permettra au médecin généraliste de décrire succinctement, en utilisant ses propres mots, les alternatives de travail possibles. Ce dispositif pourrait éventuellement être complété par une rubrique où seraient cochées les options « inapte au travail » et « apte au travail moyennant (conditions) ».


QUEL AVANTAGE ?


Le certificat d’aptitude au travail informera l’employeur et le travailleur concernant les possibilités subsistantes et les limitations en matière d’emploi et les incitera à envisager un travail adapté ou un autre travail pendant la période d’incapacité. Ledit certificat ne sera pas contraignant et laissera ainsi de la liberté et de la flexibilité aux acteurs concernés.


AVIS DU MÉDECIN GÉNÉRALISTE


Le médecin généraliste devra se forger un avis sur la possibilité d’une reprise du travail sur la base d’un entretien avec son patient et de questions concrètes. Il pourra ensuite formuler, dans le certificat d’aptitude au travail, une proposition autorisant le retour du patient au travail sous la forme (1) d’un retour progressif, (2) d’un aménagement de son horaire de travail, (3) d’un aménagement des tâches, ou (4) d’un aménagement de son lieu de travail.


Il devra formuler les modalités de ce retour au travail plus concrètement dans un avis spécifique. Cependant, il ne sera évidemment pas possible pour lui de transposer ses recommandations dans la pratique sur le lieu de travail. L’employeur et le travailleur devront donc se concerter pour concrétiser eux-mêmes l’éventuelle reprise du travail (avec la potentielle contribution du médecin du travail). Ils pourront s’accorder sur une base totalement spontanée et informelle. Cela pourrait donner lieu à une visite de pré-reprise du travail. Un trajet de réintégration pourrait également être envisagé.


SUPPRESSION DU DELAI D’ATTENTE DE L’EMPLOYEUR POUR ENTAMER UN TRAJET DE RÉINTEGRATION


La proposition de loi supprime le délai d’attente de quatre mois d’incapacité du travailleur pour entamer un trajet de réintégration à l’initiative de l’employeur. Un tel délai est contre-productif car les experts indiquent que les travailleurs sont beaucoup plus difficiles à réintégrer sur le marché du travail lorsqu’ils restent chez eux durant trois mois.


MAINTIEN DU SALAIRE GARANTI EN CAS DE REPRISE PARTIELLE DU TRAVAIL


Cette proposition de loi promeut aussi la reprise partielle du travail plus rapidement. Actuellement, reprendre le travail à temps partiel durant les trente premiers jours de l’incapacité de travail fait perdre le droit au salaire garanti. Pour y remédier, la proposition de loi permet à tout travailleur en incapacité de travail de reprendre partiellement le travail tout en conservant son salaire garanti durant la première période de trente jours.


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La proposition de loi n’entrerait en vigueur que douze mois après sa publication au Moniteur belge. Ce délai permettrait de donner suffisamment de temps aux décideurs politiques et aux administrations pour élaborer, en pratique, le certificat d’aptitude au travail et laisserait également au gouvernement le temps d’organiser la sensibilisation, la formation et le soutien nécessaires pour permettre aux médecins généralistes et aux employeurs (et aux travailleurs) de se familiariser avec le certificat d’aptitude au travail. Cette innovation pourrait alors pleinement sortir ses effets.

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