Prescription: un énorme déséquilibre en faveur du fisc

Toutes les modifications de délais de prescription sont unilatéralement proposées en faveur de la position de l’administration fiscale dans le litige

Le projet de loi du ministre des Finances pour réformer la procédure fiscale poursuit apparemment son chemin, malgré les critiques initiales, et est au stade du Conseil d’État.

Par rapport au texte initial, très peu de progrès ont été réalisés.

C’est surtout dans le domaine des prescriptions que l’on note un déséquilibre très important en faveur du fisc, par rapport à la situation existante.

On sait qu’actuellement, en l’absence de fraude, l’administration dispose d’un délai de trois ans à partir du premier janvier de l’exercice d’imposition pour rectifier le cas échéant les revenus.

Le projet prévoit d’abord un nouveau délai de quatre ans applicable pour le seul fait d’avoir rentré sa déclaration en retard, même d’un jour. Il est difficile de trouver une justification à une augmentation aussi importante du délai et l’on voit donc que les déclarations inexactes sont, pour le ministre, préférables aux déclarations en retard. C’est étrange…

L’administration en profite pour exiger que tous les contribuables doivent garder leurs documents comptables pendant une période de dix ans au lieu de sept. Nous voilà tous présumés coupables…

Un nouveau délai de six ans est par ailleurs prévu dans diverses hypothèses, dont, même en l’absence de fraude, le seul fait qu’une entreprise ait dû faire une déclaration d’un paiement vers un paradis fiscal, et ce, apparemment, même si elle a respecté cette obligation. À nouveau, c’est une sanction absurde pour le seul fait d’avoir reçu une facture, même minime et légitime, pour une commande passée dans certains pays. Il n'y a aucune logique entre la cause de la prolongation du délai, et celle-ci.

On en profite par ailleurs pour faire passer le délai de taxation en cas d’omission ou d’inexactitude volontaires, quel qu’en soit le montant, de sept ans à dix ans. On rappellera qu’il n’y a pas longtemps encore, ce délai était à 5 ans. Certes, il n’y a pas lieu de favoriser ceux qui commettent sciemment une infraction, mais c’est aussi précisément lorsqu’on est accusé d’un manquement aussi grave que l’on a droit de s’en défendre de manière la plus efficace.Retrouver des témoignages ou des documents, demander des attestations, peut s'avérer particulièrement difficile sur une période de dix ans: des personnes peuvent être décédées ou disparues, des entreprises liquidées ou des documents détruits.

Atteinte aux droits de la défense

Prolonger encore le délai dans de telles hypothèses porte atteinte aux droits de la défense lorsqu’ils sont les plus nécessaires.

Et l’administration pourra aussi procéder à des investigations sur une période de dix ans, certes après avoir notifié des «présomptions» de fraude, si elle veut excéder les trois premières années. Encore faut-il préciser que le ministre voulait initialement supprimer même cette obligation-là…

Toutes ces modifications sont unilatéralement proposées en faveur de la position de l’administration fiscale dans le litige. Cela porte atteinte gravement à un équilibre qui a toujours existé.

En effet, s’il existe en matière fiscale des délais de prescription plus courts qu’en droit civil, c’est tout simplement en raison d'énormes privilèges du fisc par rapport à n’importe quel autre créancier. Il est pratiquement le seul à pouvoir exiger de son débiteur présumé une déclaration, sous peine de sanction, et peut lui réclamer des renseignements, et presque n’importe quelle pièce. Ces avantages exorbitants pour le fisc justifient que l’exercice de ses pouvoirs soit limité dans le temps de manière stricte.

C’est ce principe que l’on ne respectera désormais plus, parce que l’actuel ministre semble fonctionner comme un simple relais d’une partie de l’administration, qui paraît bien ivre de pouvoir.

Source : Afschrift Tax & Legal, septembre 2022

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