1. L’action publique, c’est-à-dire les poursuites pénales encourues à la suite d’une infraction, doit avoir lieu dans un certain délai fixé légalement, que l’on appelle communément le délai de prescription de l’action publique.
La prescription de l’action publique vise, d’une part, à prendre en compte l’intérêt de la paix et de la tranquillité sociale, qui font que les poursuites ne puissent plus avoir lieu après un certain délai et, d’autre part, l’écoulement d’un temps trop long qui favorise la disparition des éléments de preuves et accroît le risque d’erreur judiciaire.
Jusqu’à présent, les délais de prescription variaient selon la nature de l’infraction et se déterminaient non d’après la peine applicable, mais d’après la peine appliquée.
Par ailleurs, il existe des causes de prolongations du délai de prescription : l’interruption et la suspension de la prescription de l’action publique.
L’interruption de la prescription de l’action publique a lieu lorsqu’intervient un acte d’instruction ou de poursuite accompli dans le délai originaire (telles que l’audition de personnes, une plainte avec constitution de partie civile, etc.).
La suspension de la prescription de l’action publique allonge le délai de prescription dans certaines circonstances, notamment pendant l’examen de l’affaire par le juge de fond.
La prescription a pour effet d’éteindre l’action publique à l’égard de tous les auteurs, des co-auteurs et des complices de l’infraction.
2. Une loi du 9 avril 2024 sur le droit de la procédure pénale I est parue au Moniteur belge du 18 avril 2024. Cette loi a pour but de réformer la procédure pénale en ce qui concerne notamment les règles relatives à la prescription de l’action publique. Les nouvelles règles entrent en vigueur le 28 avril 2024. Toutes les procédures pénales non prescrites à cette date seront couvertes par les nouvelles règles.
Les délais de prescription actuellement prévus à l’article 21 du Titre préliminaire du code de procédure pénale sont modifiés. Ils seront désormais plus longs que ceux applicables jusqu’à maintenant.
A présent, l’action publique est prescrite à compter du jour où l’infraction a été commise, après 30 ans, 20 ans, 15 ans, 10 ans ou 1 an, selon la peine d’emprisonnement maximale théorique. Pour les crimes passibles d’une peine d’emprisonnement à perpétuité, le délai de prescription est de 30 ans.
Pour les crimes passibles d’une peine d’emprisonnement de 20 à 30 ans, le délai de prescription est de 20 ans. Pour les crimes passibles d’une peine d’emprisonnement de 5 à 20 ans, le délai de prescription est de 15 ans. Pour les crimes passibles d’une peine d’emprisonnement de maximum 5 ans, le nouveau délai de prescription est de 10 ans et pour les contraventions, il est de 1 an.
Pour les infractions de fraude fiscale, le délai de prescription applicable sera donc désormais un délai de 10 ans au lieu d’un délai de 5 ans, car l’article 449 du code des impôts sur les revenus qui incrimine la fraude fiscale d’une peine d’emprisonnement de maximum 2 ans est un délit.
3. Les causes d’interruption de prescription sont abolies, cette suppression étant compensée par des délais de prescription plus longs.
La suspension de la prescription est toujours possible mais limitée par l’existence d’un obstacle légal à l’interdiction de l’action publique. En outre, un cas supplémentaire de suspension a été ajouté : le renvoi à la juridiction de jugement. Le délai de prescription est définitivement suspendu à partir du jour où l’affaire pénale est portée devant une juridiction de jugement.
4. La nouvelle loi prévoit également que lorsque le délai raisonnable est dépassé, le tribunal peut prononcer l’extinction de l’action publique alors que, conformément aux anciennes règles de dépassement du délai raisonnable de l’article 21ter du titre préliminaire du code de procédure pénale, le tribunal pouvait décider de prononcer une peine inférieure au minimum légal ou une simple déclaration de culpabilité.
L’extinction de l’action publique implique que le tribunal ne peut prononcer de condamnation, même pour l’action civile. En matière de fraude fiscale, l’impact est toutefois moindre puisque l’administration fiscale dispose de la possibilité, même si l’action publique s’éteint, de faire entendre la cause fiscale par un tribunal, en vertu de l’article 4bis du titre préliminaire du code de procédure pénale.
5. La loi du 14 avril 2024, publiée au Moniteur belge du 22 avril 2024 portant diverses modifications du code d’instruction criminelle II, vient également modifier la procédure de reconnaissance préalable de culpabilité visée à l’article 216 du code d’instruction criminelle. Les nouvelles règles sont entrées en vigueur le 2 mai 2024.
Cette procédure, introduite en 2016, visait notamment à désengorger les juridictions pénales, en réduisant la durée de la procédure. Cette procédure était toutefois rarement, voire jamais, appliquée. La modification introduite récemment vise à inciter les procureurs et les auteurs des infractions à privilégier cette voie.
6. La procédure, qui est différente de la procédure de transaction qui a plus de succès, certainement en droit pénal fiscal et qui consiste à éteindre l’action pénale par le versement d’une somme d’argent sans reconnaissance de culpabilité, implique au contraire une reconnaissance de culpabilité de l’auteur en échange d’une réduction de peine. L’accord entre le procureur et l’auteur de l’infraction doit ensuite être homologué par le juge qui vérifiera que l’accord a été valablement conclu.
Les modifications suivantes sont apportées à la procédure, dans le but de la rendre plus attractive.
La procédure pourra être engagée non seulement dans la phase d’information mais également dans la phase d’instruction lorsque l’enquête est menée par le juge d’instruction. Dans ce cas, l’avis obligatoire et contraignant du juge d’instruction sera nécessaire. Il sera possible d’introduire une procédure de reconnaissance préalable de culpabilité en appel après une condamnation par un juge de première instance.
La victime se voit attribuer une place importante dans la procédure, ce qui n’était pas le cas auparavant. L’application de la procédure ne pourra, en effet, être autorisée qu’après indemnisation des victimes.
La victime connue sera associée, dès la conclusion de la convention, en ce qui concerne l’importance du dommage causé et son indemnisation. Pour les infractions fiscales ou sociales, l’application de la procédure ne sera possible qu’après le paiement des impôts ou cotisations sociales éludées. L’administration fiscale ou sociale devra préalablement consentir à l’application de la procédure.
7. Comparée à la transaction, la procédure même modifiée et améliorée de la reconnaissance préalable de culpabilité paraît moins attrayante pour les auteurs d’infractions puisqu’elle implique une reconnaissance de culpabilité. Par rapport à la transaction, elle présente toutefois un avantage, à savoir la possibilité de conclure un accord de reconnaissance de culpabilité en appel, ce qui n’est pas possible en matière de transaction.