QFIE sur dividendes de source française : l’administration fiscale se soumet enfin

Dans un communiqué du mercredi 20 janvier 2021, le SPF Finances a indiqué qu’il se conformera à l'arrêt de la Cour de cassation du 15 octobre 2020. Les investisseurs particuliers pourront donc demander l'imputation de la quotité forfaitaire d'impôt étranger (QFIE) sur l'impôt qui est prélevé sur leurs dividendes de source française.


La double imposition des dividendes français perçus par des résidents fiscaux belges


La convention préventive de la double imposition conclue entre la France et la Belgique prévoit que les dividendes sont imposables dans l’Etat de résidence du bénéficiaire. Elle autorise toutefois l’Etat de la source, en l’espèce la France, à retenir un impôt qui ne peut excéder 15 %.


Afin d’éviter la double imposition qui résulte de cette disposition, l’article 19.A.1. de la convention prévoit que « […] l’impôt dû en Belgique sur leur montant net de retenue française sera diminué, d’une part, du précompte mobilier perçu au taux normal et, d’autre part, de la quotité forfaitaire d’impôt étranger déductible dans les conditions fixées par la législation belge, sans que cette quotité puisse être inférieure à 15 p.c. dudit montant net ».


Cette disposition prévoit donc l’imputation par la Belgique d’une quotité forfaitaire d’impôt étranger « dans les conditions fixées par la législation belge ». Malheureusement, la législation belge ne prévoit plus d’imputation d’un tel crédit d’impôt pour les dividendes d’origine étrangère depuis 1988.


C’est là que réside tout le débat actuellement mené devant les juridictions belges puisque, depuis cette date, l’administration fiscale a toujours refusé d’imputer cette quotité aux personnes résidentes fiscales belges qui invoquaient cette disposition conventionnelle, aux motifs que ce crédit ne peut être accordé que « dans les conditions fixées par la législation belge » et que celle-ci est muette à cet égard.


Les arrêts de la Cour de cassation des 16 juin 2017 et 15 octobre 2020


Par deux arrêts rendus les 16 juin 2017 et 15 octobre 2020, la Cour de cassation a rappelé la primauté du droit international, et des conventions conclues par la Belgique, sur la législation nationale.


Selon la Cour, il ressort du texte même de la Convention que les deux Etats ont voulu imputer, sans égard à la législation belge, un crédit d’impôt qui devrait s’élever au minimum à 15 % du montant net frontière du dividende versé. La Belgique ne peut donc se retrancher derrière sa législation interne pour refuser d’appliquer cette disposition conventionnelle.

Il découle de ces décisions que, lorsqu’un résident belge perçoit un dividende de source française, la Belgique doit octroyer un crédit d’impôt s’élevant au minimum à 15 % du montant net frontière du dividende versé.


Alors qu’elle s’était jusqu’à présent opposée aux conclusions de ces arrêts, poursuivant sans relâche les instances judiciaires, l’administration fiscale vient donc d’annoncer qu’elle s’y soumettrait.


Modalités de remboursement


En pratique, s’agissant des dividendes français perçus en 2020 et ultérieurement, les contribuables pourront obtenir le remboursement ou l’imputation de la QFIE dans le cadre de l’établissement de leurs déclarations fiscales.


La déclaration à l'impôt des personnes physiques comporte en effet, au cadre VII « Revenus des capitaux et biens immobiliers », une rubrique F où peuvent être mentionnés spécifiquement les revenus pour lesquels un régime spécial d'imposition est applicable, par exemple en vertu de dispositions spécifiques prévues par certaines conventions internationales.


S’agissant des dividendes antérieurs, s’ils souhaitent bénéficier de l’imputation et du remboursement de la QFIE, les résidents belges devront introduire une réclamation dans les six mois qui suivent l’envoi de leur avertissement-extrait de rôle.


Lorsque ce délai est expiré, il est également possible de demander le remboursement de l’impôt trop perçu durant les cinq dernières années au moyen d’une demande de dégrèvement d’office.


La procédure de dégrèvement d’office est une procédure exceptionnelle, de stricte interprétation, qui ne s’applique que dans des cas restreints, énumérés limitativement à l’article 376 du Code des impôts sur les revenus 1992. Le dégrèvement d’office peut notamment être accordé en cas de surtaxes qui apparaissent à la lumière de documents ou faits nouveaux probants ou en cas de surtaxes résultant de doubles emplois.



Qu’en est-il lorsque les dividendes n’ont pas été déclarés en raison de la retenue du précompte mobilier libératoire ?


Une bonne nouvelle ne venant jamais seule, la cour d’appel de Gand a reconnu, dans un arrêt rendu le 15 décembre 2020, que l’imputation et le remboursement de la quotité forfaitaire d’impôt étranger devait intervenir également lorsque le contribuable a fait application de l’article 313 du Code des impôts sur les revenus 1992. Cet article dispense le contribuable de déclarer le revenu dans sa déclaration à l’impôt des personnes physiques lorsque le précompte mobilier « libératoire » a été retenu.


Les contribuables belges qui auraient perçu des dividendes de source française soumis à la retenue du précompte mobilier belge et qui se seraient donc abstenus de les déclarer peuvent donc, en principe, bénéficier également de l’imputation et du remboursement de la QFIE.


Conclusions


La position prise par le SPF Finances met un point final à une saga judiciaire qui a animé la jurisprudence fiscale belge pendant près de dix ans.


Les contribuables belges ayant perçu des dividendes de source française devraient donc enfin se voir rembourser une quotité forfaitaire d’impôt étranger. Pour les dividendes perçus dans le passé, il conviendra pour eux d’introduire des réclamations ou des demandes de dégrèvement en ce sens. A bon entendeur !


Source : Hirsch & Vanhaelst

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