Quelles sont la durée, la description et l’extinction de l’usufruit immobilier après la réforme du Code de droit des biens?

La réforme du Code de droit des biens a instauré des règles plus précises pour la durée, la description des biens grevés et l’extinction de l’usufruit immobilier. Les articles 3.141, 3.150 et 3.160 précisent notamment les droits et obligations de l’usufruitier et du nu-propriétaire, ainsi que les conséquences fiscales qui en découlent.


1. Quelle est la durée maximale de l’usufruit selon la nouvelle législation?

La durée de l’usufruit dépend du type d’usufruitier, qu’il s’agisse d’une personne physique ou morale, et de l’existence ou non d’une durée fixée dans l’acte.

  • Pour une personne physique : Si aucune durée n’est fixée dans l’acte, l’usufruit est présumé viager, c’est-à-dire qu’il dure jusqu’au décès de l’usufruitier (Code civil, art. 3.141).
  • Pour une personne morale : Si la durée de l’usufruit n’est pas fixée dans l’acte, elle est présumée de 30 ans, selon la pratique juridique antérieure, mais elle est désormais plafonnée par la réforme à une durée maximale de 99 ans, sauf clause spécifique. En cas de faillite ou dissolution de la personne morale, l’usufruit prend fin, sauf en cas de fusion ou scission où il peut être maintenu (Code civil, art. 3.141).

Exemple : Une société X acquiert un usufruit sur un immeuble pour une durée non spécifiée dans l’acte de convention. Dans ce cas, l’usufruit est présumé durer 30 ans, sauf si une autre durée est spécifiée ultérieurement par les parties. Si une fusion ou scission survient durant cette période, l’usufruit peut être maintenu, à condition qu’aucune clause contraire ne l’interdise.


2. Comment se déroule la description des biens à l’ouverture de l’usufruit?

L’article 3.150 du Code civil impose qu’une description complète des biens grevés soit réalisée dès l’ouverture de l’usufruit.

  • Procédure : L’usufruitier et le nu-propriétaire doivent s’entendre pour dresser cette description. En cas de désaccord, un expert peut être désigné par consentement mutuel ou, à défaut, par le tribunal.
  • Droit du nu-propriétaire : Tant que la description des biens n’est pas finalisée, le nu-propriétaire conserve le droit aux fruits générés par les biens et peut suspendre la remise de ceux-ci à l’usufruitier, sauf si l’usufruitier est automatiquement saisi des biens.
  • Pouvoir d’aliénation : Si l’usufruitier dispose de la capacité de vendre ou céder les biens grevés, la description doit inclure une estimation, et l’usufruitier doit fournir, chaque année sur demande, un inventaire des biens modifiés, remplacés ou disparus.

Exemple : Une société A a un usufruit sur un immeuble détenu par une personne B. Si le contrat prévoit qu’A peut sous-louer l’immeuble, une description accompagnée d’une estimation doit être réalisée. Chaque année, la société doit informer B de tout changement apporté au bien, comme des rénovations ou remplacements.


3. Quelles sont les règles d’indemnisation pour les ouvrages et plantations au terme de l’usufruit?

L’article 3.160 introduit le principe de l’enrichissement injustifié pour les améliorations effectuées avec le consentement du nu-propriétaire.

  • Indemnisation : Si l’usufruitier réalise des travaux ou plantations avec l’accord du nu-propriétaire, ce dernier doit lui verser une indemnisation pour l’enrichissement que ces améliorations procurent. L’usufruitier conserve un droit de rétention sur ces ouvrages jusqu’à l’indemnisation complète.
  • Absence d’indemnisation : Si les améliorations ont été réalisées sans accord préalable, le nu-propriétaire devient propriétaire de ces améliorations sans obligation d’indemnisation, sauf exceptions.

Exemple : Une entreprise C détient un usufruit de 25 ans sur un bâtiment et réalise des rénovations importantes avec l’accord du nu-propriétaire, une fondation D. À la fin de l’usufruit, D doit indemniser C pour la valeur ajoutée, fondée sur l’enrichissement injustifié des travaux réalisés.


4. Comment évaluer la valeur de l’usufruit et l’indemnisation?

La loi ne fournit pas de méthode de calcul fixe pour la valeur de l’usufruit ou l’indemnisation des améliorations, mais des pratiques courantes permettent d’effectuer ces calculs :

  • Valeur de l’usufruit : Elle est souvent déterminée en capitalisant les revenus générés par le bien sur la durée de l’usufruit, à un taux d’actualisation compris entre 4 et 5 %, en fonction de la durée et de l’âge de l’usufruitier s’il s’agit d’un usufruit viager.
  • Indemnisation : Le calcul de l’indemnisation repose sur la valeur ajoutée au bien par les améliorations consenties, en tenant compte de leur durée d’amortissement et de leur valeur résiduelle.

Exemple : La société E possède un usufruit de 15 ans sur un immeuble qu’elle rénove avec l’accord du nu-propriétaire. La valeur de l’usufruit est déterminée sur la base des revenus générés durant cette période, et l’indemnisation en fin de période est basée sur la valeur résiduelle des travaux, actualisée.


5. Quelles sont les conséquences fiscales de l’accession?

L’extinction de l’usufruit et l’accession du bien au nu-propriétaire peuvent avoir des conséquences fiscales, notamment lorsque l’usufruitier est une personne morale.

  • Requalification fiscale : L’article 344 du CIR permet à l’administration fiscale de requalifier l’accession comme un avantage de toute nature imposable si les investissements réalisés par l’usufruitier ont principalement enrichi le nu-propriétaire.
  • Avantage anormal ou bénévole : En vertu de l’article 26 du CIR, si les investissements effectués par une société usufruitière profitent essentiellement au nu-propriétaire, ces montants peuvent être requalifiés en avantage anormal, imposable.

Exemple : Une société F réalise d’importants travaux sur un immeuble en usufruit. Au terme de l’usufruit, le fisc pourrait considérer que ces travaux enrichissent le nu-propriétaire et les requalifier en avantage imposable pour éviter une distribution cachée de bénéfices.


Conseils et recommandations

Pour une gestion optimale de l’usufruit et afin de minimiser les risques fiscaux, voici quelques recommandations pratiques :

  1. Vérifiez la durée dans l’acte : Si aucune durée n’est fixée, l’usufruit est présumé viager pour une personne physique et limité à 30 ans pour une personne morale, conformément aux pratiques et à la législation en vigueur. La durée maximale reste cependant de 99 ans.
  2. Réalisez une description complète et détaillée des biens : Dès le début de l’usufruit, consignez l’état des biens en présence d’un expert, au besoin, pour éviter tout litige ultérieur (art. 3.150 du Code civil).
  3. Documentez les investissements consentis et obtenez des approbations : Si des améliorations majeures sont envisagées, un accord préalable du nu-propriétaire est essentiel pour sécuriser le droit de rétention et garantir l’indemnisation en fin d’usufruit (art. 3.160 du Code civil).
  4. Considérez les implications fiscales lors de l’accession : En cas d’investissements substantiels, consultez un expert fiscal pour évaluer les risques de requalification d’avantage selon les articles 26 et 344 du CIR, et structurez les investissements en conséquence.
  5. Prévoyez les clauses de prorogation ou de renouvellement : Si une extension est envisageable, définissez dès le départ les conditions de prorogation ou de renouvellement de l’usufruit (art. 3.141 du Code civil).

En suivant ces recommandations, vous assurez une gestion conforme de l’usufruit immobilier, tout en optimisant ses avantages et en prévenant les risques fiscaux.

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