
Dans le cadre effervescent du Congrès des experts-comptables et du Salon AVEC, la plateforme oFFFcourse a de nouveau été le théâtre de débats cruciaux pour la profession. Plusieurs émissions en direct ont plongé au cœur d'un sujet qui agite autant les experts que leurs clients : l'avenir des rémunérations alternatives face au projet de réforme fiscale « Arizona ». Avec un panel d'experts de premier plan – incluant Laura Bertrand (SD Worx), Serge Vermaere Vermaeren (Proboss), Martin Servais (Call+) et Céline Kunnen (avocate en droit social @ Centrius) – l'enjeu était de taille : décoder les signaux envoyés par le gouvernement, analyser les outils de flexibilisation et anticiper l'impact sur les stratégies de rémunération des dirigeants et des salariés.
Le point de départ de la discussion fut le discours ambivalent du gouvernement. Officiellement, l'objectif est d'alléger la pression fiscale et sociale sur le travail pour la déplacer vers le capital. Pourtant, les premières annonces de la réforme Arizona semblent aller à l'encontre de cette promesse. Comme le souligne l'avocate Céline Kunnen, « ils disent qu'ils veulent commencer à plus taxer le capital et moins taxer le travail. En tout cas, alléger la pression. Jusqu'à présent, dans les mesures qu'ils annoncent [...] a priori, ça apparaît comme étant le contraire. » Le gouvernement semble en réalité chercher à reprendre le contrôle sur la base taxable en rendant les rémunérations alternatives moins attractives, créant une incertitude majeure pour les entreprises qui utilisent ces outils pour attirer et fidéliser les talents.
La première mesure forte, dont l'entrée en vigueur est attendue pour 2026, concerne directement les dirigeants d'entreprise. Pour conserver le bénéfice du taux réduit à l'impôt des sociétés, la rémunération minimale du dirigeant sera portée de 45 000 € à 50 000 €. Mais la nouveauté majeure est double : la part des Avantages de Toute Nature (ATN) dans cette rémunération ne pourra excéder 20 %, et le non-respect de cette règle entraînera la perte pure et simple du taux réduit. Cette mesure soulève une question stratégique fondamentale, comme l'a souligné un des intervenants : « Est-ce qu'il faut toujours maintenir ce taux réduit ? C'est une question à laquelle les experts, les magiciens du chiffre, vont pouvoir répondre. » Le calcul d'opportunité devient donc central. Une mesure miroir est envisagée pour les salariés, mais son impact réel reste à évaluer, les ATN courants (voiture, PC, GSM) étant souvent évalués sur une base forfaitaire faible.
Malgré ce contexte, la rémunération flexible s'impose comme une tendance lourde. Laura Bertrand, experte chez SD Worx, confirme que les employeurs, y compris les PME, « utilisent de plus en plus le système de la rémunération flexible pour constituer les paquages salariaux ». Trois grands mécanismes dominent actuellement :
La popularité croissante de ces outils n'a pas échappé au gouvernement. « C'est d'ailleurs pour ça qu'on voit aujourd'hui dans les mesures du gouvernement une volonté de se dire, OK, on va commencer à encadrer la rémunération flexible », analyse Laura Bertrand.
Face à ces contraintes, le plan d'options sur actions s'affirme comme un levier d'optimisation puissant, tant pour les dirigeants que pour les salariés. Il permet de transformer une partie de la rémunération en un revenu bénéficiant d'une fiscalité très favorable, avec une exonération significative des cotisations sociales. L'exercice est parlant : pour atteindre le nouveau seuil de 50 000 €, un complément de 5 000 € versé en rémunération classique aboutit à un net en poche très faible. En revanche, octroyé via un plan d'options, le ratio fiscal passe de 46% à 73%, augmentant très sensiblement le net perçu.
Contrairement à une idée reçue, cet outil n'implique aucun investissement direct en bourse. Comme l'a souligné un intervenant, « il n’y a aucun investissement direct en bourse ni de la part de la société ni de la part du dirigeant ». Le risque boursier, qui justifie le traitement social avantageux, est réel mais maîtrisé et limité dans le temps, souvent à 24 heures pour les salariés. L'outil se démocratise et devient accessible aux PME, notamment pour optimiser la prime de fin d'année ou, pour les dirigeants, pour « boucher des comptes courants », comme le révèle une spécialiste.
Le cœur du problème, soulevé d'emblée, réside dans la nature même des réformes fiscales. L'absence de dispositions transitoires claires crée une rupture de confiance. « L'insécurité juridique, la base du principe, c'est de dire que l'on prend des décisions aujourd'hui sur un canevas juridique qui nous dit quels vont être les résultats de la décision », rappelle un intervenant. Cependant, l'insécurité peut aussi provenir d'une mauvaise application des dispositifs. Les experts sont unanimes : la sécurité des plans de rémunération flexible (plans d'options, budget mobilité, plans cafétéria) dépend directement de la rigueur de leur mise en œuvre. « Nous on est assez confiant, il y a des règles, il faut les respecter. Il faut être hyper strict avec les règles », affirme un spécialiste des plans d'options. La clé réside dans une documentation rigoureuse et un encadrement juridique solide.
Pour les experts-comptables et fiscalistes, plusieurs points d'attention émergent de ces discussions :
Le conseil devient central : Face à un cadre réglementaire en pleine mutation, le rôle du conseiller est plus crucial que jamais. Il ne s'agit plus seulement d'appliquer des règles, mais d'anticiper les changements, d'évaluer les risques et de guider les clients.
Anticiper les arbitrages : Les nouvelles règles imposeront des choix. Par exemple, l'analyse est sans appel pour de nombreux dirigeants : « On se rend compte que pour plus de 80% de nos clients, il est plus intéressant en termes de cash en poche pour le dirigeant de perdre le taux réduit et d'aller au maximum des plans d'options. » Les experts devront réaliser des simulations précises.
Le plan d'options comme variable d'ajustement : La résilience du plan d'options en fait un outil stratégique pour s'adapter aux nouvelles contraintes, notamment pour atteindre le seuil de rémunération minimale requis ou pour optimiser le passage de 45 000 € à 50 000 €.
Maîtrise technique impérative : La sécurité des plans de rémunération flexible dépend de la rigueur de leur mise en œuvre. Les cabinets doivent maîtriser ces cadres ou s'entourer de partenaires spécialisés. Comme l'explique une experte, le client « va retourner chez son comptable et il va dire : "qu'est-ce que tu en penses ?". Et si on n'a pas le go du comptable, on ne pourra jamais lancer. »
Ces émissions ont parfaitement illustré la complexité et la fluidité du paysage des rémunérations en Belgique. La densité des informations partagées par les experts a mis en lumière les tensions entre les objectifs politiques, les besoins des entreprises et les aspirations des travailleurs. Alors que les textes de la réforme Arizona ne sont pas encore finalisés, une chose est certaine : les stratégies de rémunération devront être repensées avec agilité et précision. Suivre l'ensemble des émissions oFFFcourse s'avère donc indispensable pour tout professionnel désireux de naviguer avec succès dans ce nouvel environnement réglementaire et d'offrir à ses clients des conseils éclairés et à haute valeur ajoutée.