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Région bruxelloise: donations mobilières et allongement de la période suspecte

Le 10 juillet 2025, le Parlement bruxellois a adopté une ordonnance alignant sa réglementation sur celles déjà existantes, en Région wallonne et flamande.

Une des principales mesures concerne l’extension de la période suspecte applicable aux donations mobilières non enregistrées qui est portée de trois à cinq ans.

Disons-le tout de suite, ce n’est guère surprenant, car en matière de fiscalité, nos élus — qu’ils soient au niveau fédéral ou régional — ont une fâcheuse tendance : plutôt que de s’interroger sur le bon usage des finances publiques, voire sur les économies d’impôts qui pourraient être réalisées pour les contribuables, il est toujours plus facile de copier sur « le plus mauvais élève de la classe », à savoir celui qui prélève le plus d’impôts ou qui trouve le moyen d’en prélever toujours plus, pour dire ensuite : « Regardez, nous ne sommes pas pires que les autres, bien au contraire, nous nous alignons sur ce qui se fait ailleurs… ».

La bonne gouvernance a bon dos !

Ceci étant dit, à chaque mesure fiscale, il y a toujours une fenêtre d’opportunité. Et ici, pour les contribuables résidents fiscaux de la Région bruxelloise, il y a une fenêtre d’opportunité qui se présente jusqu’au 31 décembre 2025.

Ce que nous vous proposons aujourd’hui, ce n’est pas de rentrer dans le détail de la réglementation mais de voir en quoi peut consister cette fenêtre d’opportunité.


I. Droit de succession / donation : rappel de la période suspecte, définition et enjeux dans une planification successorale

Pour faire simple, ce qu’on peut qualifier de « période suspecte » en matière de droit de succession et donation est fondée sur l’article 7 du Code des droits de succession (qu’il soit bruxellois, wallon ou flamand).

En quelques mots, cette disposition vise à empêcher qu’un contribuable ne se dépouille de son patrimoine mobilier juste avant son décès pour échapper aux droits de succession. Lorsqu’une personne effectue une donation mobilière sans l’enregistrer et décède pendant cette période, les biens donnés sont fictivement réintégrés dans sa succession. Le bénéficiaire de la donation doit alors s’acquitter des droits de succession : en clair, ce dernier devra s’acquitter de droits de succession complémentaires, le cas échéant avec des accroissements (intérêts, amendes, …).

Cette période, qui était de trois ans avant la réforme du droit des successions applicable en Région bruxelloise, est désormais portée à cinq ans¹. La nouvelle mesure constitue donc une période de risque fiscal plus étendue durant laquelle le décès du donateur peut entraîner des conséquences financières importantes pour le donataire (la personne qui reçoit).


II. Quel est le périmètre d’application de la nouvelle réglementation ?

Donations visées.

La nouvelle réglementation concerne toutes les donations de valeurs mobilières non présentées à l’enregistrement, telles que les donations d’argent et autres liquidités, les virements bancaires de compte à compte, les transferts de portefeuilles-titres, les dons manuels de bijoux, œuvres d’art, etc.

Ne sont, par contre, pas concernés ce qui peut être qualifié de cadeaux d’usage².

Les donations de valeurs mobilières à taux réduits — qu’elles soient notariées ou sous seing privé mais enregistrées dans ce dernier cas —, qu’elles soient à 3 % ou 7 % en Région bruxelloise, ne sont pas concernées par cette nouvelle mesure.

Pourquoi ? Parce que pour que la donation de valeurs mobilières à 3 % ou 7 % soit applicable, il faut qu’elle soit présentée à l’enregistrement et que les droits soient immédiatement payés. Dès lors que la donation est enregistrée et les droits payés, les biens concernés sortent immédiatement et définitivement du patrimoine successoral pour le calcul des droits de succession.

Cela correspond par ailleurs à la volonté explicite des législateurs régionaux, qui ont cherché à inciter les contribuables à formaliser leurs donations plutôt qu’à procéder par dons manuels ou indirects.

Personnes visées.

La mesure vise tous les donateurs résidant fiscalement en Région bruxelloise.

On gardera à l’esprit que la région³ compétente pour prélever les droits de succession est celle où le défunt aura eu sa résidence fiscale la plus longue au cours des cinq années précédant son décès⁴.


III. Entrée en vigueur de la nouvelle mesure : le 1er janvier 2026 – Exemples concrets

La nouvelle période suspecte de cinq ans s’applique aux donations effectuées à partir du 1er janvier 2026⁵.

Exemple 1

Madame D., résidente bruxelloise, effectue une donation bancaire non enregistrée de 100.000 € à sa fille le 15 février 2026. Elle décède le 10 mars 2030. Comme elle est décédée moins de cinq ans après la donation, la somme de 100.000 € devra être réintégrée dans la succession et la fille devra payer des droits de succession selon les barèmes en ligne directe.

Exemple 2

Madame D. effectue la même donation le 25 décembre 2025. Elle décède le 15 janvier 2029, soit plus de trois ans mais moins de cinq ans après la donation. Dans ce cas, l’ancienne période suspecte de trois ans s’applique. La donation ne sera pas réintégrée dans les actifs successoraux puisque le délai de trois ans est dépassé.


IV. Implications fiscales en cas de décès pendant la période suspecte

Si le donateur décède pendant la période suspecte et que la donation n’a été ni notariée ni enregistrée, les biens donnés seront soumis aux droits de succession selon les barèmes progressifs de la Région bruxelloise :

  • 3 % jusqu’à 50.000 €
  • 8 % de 50.000 à 100.000 €
  • 9 % de 100.000 à 175.000 €
  • 18 % de 175.000 à 250.000 €
  • 24 % de 250.000 à 500.000 €
  • 30 % au-delà de 500.000 €

Ces taux sont nettement plus élevés que les droits de donation à 3 % ou 7 %.


V. Quelles solutions pour sécuriser une donation après le 31 décembre 2025 ?

1. Enregistrement pendant la période suspecte.

Les contribuables peuvent sécuriser une donation mobilière en procédant à son enregistrement, sans recourir nécessairement à un acte notarié. Cette formalité peut s’effectuer en ligne via MyMinfin, moyennant un simple document signé par les parties⁷.

2. L’assurance donation.

Certaines compagnies d’assurances proposent des polices destinées à couvrir le risque de décès du donateur pendant la période suspecte. Si le décès survient, l’assurance verse un capital permettant de payer les droits de succession.

Il faut cependant veiller à ce que les primes soient inférieures aux droits de donation, que le bénéficiaire du capital soit bien le donataire, et examiner attentivement les exclusions de couverture.


Conclusions : quels enseignements pratiques retenir pour les résidents bruxellois ?

La nouvelle mesure met sous pression les résidents bruxellois envisageant une donation mobilière, mais elle offre aussi une fenêtre d’opportunité jusqu’au 31 décembre 2025.

Jusqu’à cette date, il reste possible de réaliser des donations mobilières non enregistrées⁸ bénéficiant encore de l’ancienne période suspecte de trois ans.

À partir du 1er janvier 2026, l’allongement à cinq ans accroît le risque fiscal, particulièrement pour les personnes âgées ou en mauvaise santé. L’enregistrement immédiat ou le recours à une assurance donation peuvent alors constituer des solutions adaptées.

Enfin, au-delà de la fiscalité, la planification successorale doit s’inscrire dans une vision humaine et équilibrée, où la sécurité du donateur reste un impératif aussi essentiel que la transmission du patrimoine.

________

¹ M.B. du 24 juillet 2025
² Voir art. 7 C. dr. succ. – cadeaux d’usage.
³ Région bruxelloise, wallonne ou flamande.
⁴ La région de résidence la plus longue sur les cinq années précédant le décès détermine la compétence fiscale.
⁵ Attention : certaines dispositions accessoires (art. 100 et 108 C. Bru. Succ.) sont entrées en vigueur dès le 24 juillet 2025.
⁶ https://fin.belgium.be/fr/particuliers/autres-services/donations
⁷ Le document doit mentionner l’identité, le lien de parenté, la valeur et la date de la donation, antérieure à son enregistrement.
⁸ À défaut de recourir à une donation enregistrée au taux réduit de 3 % à 7 %.

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