Régularisations fiscales permanentes : ce qu'en pense la Cour des Comptes ...

La Cour des comptes a examiné si la réglementation relative à la quatrième opération de régularisation fiscale «?DLU quater?» (permettant de régulariser des capitaux non déclarés via une déclaration libératoire unique) est cohérente et satisfaisante et si l’administration fiscale parvient à traiter les demandes de régularisation de manière efficiente et équitable.


En outre, elle a analysé si l’administration fiscale a une vue suffisante des fonds non déclarés encore susceptibles d’être régularisés et si les différents incitants prévus pour encourager les régularisations sont suffisamment utilisés.


Un rapport (Régularisations fiscales permanentes - organisation et application produit en annexe) dont voici la synthèse a été adressé au Parlement Fédéral en février 2021.



Depuis août 2016, les contribuables ont de nouveau la possibilité de se mettre en règle fiscalement en régularisant leurs capitaux non déclarés. Les contribuables qui, au terme des trois opérations de régularisation précédentes, ne se sont toujours pas mis en règle sont désormais considérés comme des fraudeurs obstinés et soumis à des conditions plus strictes.


Le contribuable ne peut plus se limiter à régulariser les revenus mobiliers, mais doit pour la première fois également inclure les capitaux fiscalement prescrits sous-jacents. Par ailleurs, la régularisation est à présent plus onéreuse. Enfin, la charge de la preuve a été renversée et l’ensemble des avoirs repris sur le compte proposé doit être régularisé, à l’exception des composantes pour lesquelles il peut être prouvé qu’elles ont déjà été soumises au régime fiscal ordinaire. Vu que cette opération de régularisation porte souvent sur des capitaux anciens pour lesquels l'imposition est encore difficile à démontrer, le contribuable peut être confronté à la régularisation d’un montant plus important que celui qu’il avait initialement prévu.


La lourdeur de la réglementation relative à la charge de la preuve et les taux élevés combinés à l’obligation d’inclure les capitaux sous-jacents dans la régularisation peuvent expliquer que cette opération de régularisation n’ait rapporté qu’un peu plus de la moitié des recettes fiscales estimées.




Le succès d’une opération de régularisation dépend également de la mesure dans laquelle les différents acteurs coopèrent dans la lutte contre les capitaux non déclarés. Une probabilité suffisamment élevée d’être poursuivi par l’administration fiscale et les parquets est cruciale à cet égard. En outre, le système récent d’échange automatique d’informations au niveau international représente pour l’administration fiscale un instrument puissant lui permettant de détecter les revenus étrangers non déclarés.


Cependant, tant que le contribuable déclare les revenus mobiliers issus de ses capitaux non déclarés, il reste largement hors de portée de l’administration fiscale. L’incitant le plus efficace réside toutefois dans la législation anti-blanchiment, qui oblige les banques à faire preuve d’une grande vigilance concernant l’origine des capitaux étrangers transférés sur un compte belge.


Par ailleurs, la Cour a examiné si la mise en œuvre du régime de régularisation remplit les critères de la pyramide de conformité préconisés par l’OCDE. Un des principes essentiels de cette pyramide est que plus le fraudeur est obstiné, plus il doit être poursuivi et sanctionné sévèrement. Dans cette optique, une régularisation spontanée devrait donc être moins coûteuse qu’une condamnation pénale.


La Cour constate que la réglementation belge est conçue pour répondre à cette norme. Cependant, en raison du renversement de la charge de la preuve, le contribuable se trouve dans une position plus difficile en cas de régularisation que devant le juge pénal.


Cette situation peut amener certains contribuables à se détourner de la procédure de régularisation fiscale, en spéculant sur le fait qu’une transaction, voire une condamnation pénale, sera plus avantageuse. La Cour des comptes recommande dès lors d’évaluer si la procédure actuelle et, en particulier, le régime de la charge de la preuve répondent suffisamment à la norme de l’OCDE. En parallèle, il faudrait renforcer la capacité du parquet et du tribunal en matière fiscale en vue d’une politique de poursuite plus active dans le domaine de la fraude fiscale.


Une étude de profil montre que l’âge moyen des contribuables procédant à une régularisation est de 65 ans. Ils régularisent souvent une donation ou un héritage qu’ils ont placé sur un compte à l’étranger (généralement au Luxembourg) pour éluder le précompte mobilier. À la suite de l’introduction de la directive européenne sur l’épargne, ces comptes ont été massivement convertis en contrats d’assurance vie, car ces produits financiers ne relevaient pas du champ d’application de cette directive. Par ailleurs, les patrimoines les plus importants ont été transférés du Luxembourg vers des structures situées dans des paradis fiscaux. Il est étonnant de constater que peu de comptes belges sont proposés en vue d’une régularisation. Les capitaux proviennent essentiellement du Luxembourg, de Suisse et de paradis fiscaux.


Le grand succès des opérations de régularisation précédentes explique en partie les recettes moins élevées de l’opération actuelle. Alors que les opérations précédentes ont permis de régulariser des capitaux très importants, il ne s’agissait généralement que de revenus mobiliers et non de capitaux fiscalement prescrits sous-jacents. Ces régularisations « incomplètes » ont toutefois été complètement transférées sur des comptes belges à ce moment-là, y compris les capitaux sous-jacents. La Cour des comptes a calculé que 44,6 milliards d’euros de capitaux ont ainsi été rapatriés, dont seulement 2,59 milliards d’euros ont fait l’objet de prélèvements. Ces capitaux restent indétectables par l’administration fiscale et les parquets en raison du secret bancaire belge actuel. La Cour recommande dès lors d’envisager une adaptation de la législation en matière de régularisation et de prévention du blanchiment de capitaux, pour porter plus d’attention aux capitaux non déclarés détenus sur les comptes bancaires belges. En réaction au projet de rapport, le ministre des Finances indique que la récente loi-programme du 20 décembre 2020 prévoit d’intégrer les soldes des comptes bancaires belges dans le point de contact central (PCC) de la Banque nationale. L’administration fiscale et les parquets auraient ainsi accès à ces soldes sous certaines conditions.


Pour se faire une idée complète des patrimoines non déclarés régularisés, il est important de connaître aussi les transactions qui ont été conclues dans des dossiers fiscaux et qui peuvent être considérées comme un autre moyen de se conformer à la loi. La Cour des comptes a déjà souligné auparavant l’importance croissante et le manque de transparence de ces transactions fiscales. À la suite de la demande de la Cour, il s’avère que les applications informatiques du ministère public ne permettent pas de répertorier ces transactions séparément.


La Cour recommande dès lors de rédiger une instruction imposant la communication automatique des transactions fiscales par le parquet à l’administration fiscale.




Source : Cour des comptes


Voyez également Échange automatique de données fiscales au niveau international - Second rapport d’évaluation à la demande de la commission Panama


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