Report des élections sociales : avis du Conseil national du Travail du 24 mars 2020

Suite à la pandémie de coronavirus, les partenaires sociaux réunis au sein du Groupe des Dix ont conclu le 17 mars 2020 un accord de principe prévoyant la suspension de la procédure électorale jusqu’à l’automne, à une date à déterminer ultérieurement. Les partenaires sociaux ont confirmé cet accord de principe au sein du Conseil National du Travail (CNT) par l’avis n° 2.160 du 24 mars 2020 fixant le cadre de cette suspension temporaire des élections et énumérant les questions techniques et juridiques devant être clarifiées à la suite de cette suspension. Le CNT a aussi demandé au Gouvernement d’adopter d’urgence le cadre législatif et réglementaire, avec effet rétroactif, de manière à garantir la sécurité juridique indispensable à toutes les parties concernées.


Les principes suivants résultent de l’avis du CNT, sous réserve de la transposition conforme de cet avis dans la réglementation.


1. La procédure des élections sociales est suspendue à partir du jour X+36, ç-à-d. le lendemain du jour X+35, jour ultime de présentation des listes de candidats à l’employeur par les organisations syndicales. Pour les entreprises ayant commencé la procédure électorale à temps, le jour X+35 se situe entre le 17 et le 30 mars 2020, en fonction du jour Y choisi dans l’entreprise. C’est au plus tard ce jour-là que les listes de candidats doivent être présentées et dès le lendemain, la procédure électorale est suspendue.


2. Les opérations électorales qui devaient être réalisées jusqu’au jour X+35 inclus doivent être finalisées dans toutes les entreprises, y compris dans les entreprises qui ont commencé la procédure électorale en retard par rapport au calendrier légal ou pour lesquelles la procédure électorale a pris du retard suite à des recours judiciaires. Pour ces entreprises, la phase X+35 prend donc fin après la date ultime du 30 mars 2020.


3. Toutes les opérations électorales sont suspendues à partir du jour X+36 pour une durée encore indéterminée. Donc, la communication au personnel des listes des candidats sous format papier ou électronique ne peut pas avoir lieu pour l’instant. La procédure électorale ne pourra reprendre qu'à une date qui sera déterminée par le Roi, sur avis du CNT. Le Roi fixera une nouvelle période pour le jour Y, remplaçant la période initiale du 11 au 24 mai 2020. Dans son avis, le CNT suggère au Roi de fixer comme période pour le jour Y la période du lundi 16 au dimanche 29 novembre 2020, sous réserve de l’évolution de la situation sanitaire liée au coronavirus. Si le Roi fixe en définitive pour le jour Y la période du 16 au 29 novembre 2020, le jour X+36 (date de reprise des élections) se situerait dans la période comprise entre le mercredi 23 septembre et le mardi 6 octobre 2020, en fonction du jour Y choisi dans l’entreprise.


Sur la base de la nouvelle période fixée par le Roi, les entreprises fixeront leur propre nouveau jour Y et elles établiront un nouveau calendrier électoral à partir du jour X+36. Ce nouveau jour Y n’est pas déterminé librement : il découle automatiquement de l’intégration du jour Y ou des jours Y choisi(s) à l’origine dans la nouvelle période déterminée par le Roi. L’horaire fixé est également maintenu. Si nécessaire, les organes de concertation peuvent toutefois en convenir autrement.

Il découle de ce nouveau jour Y un nouveau calendrier électoral à partir du jour X+36. La procédure électorale (et donc le calendrier électoral à partir du nouveau jour X+36) reprendra automatiquement à partir de ce nouveau jour X+36.

Le nouveau jour Y et le calendrier électoral adapté devront être communiqués par l’organe de concertation ou par l’employeur


4. Toutes les opérations et décisions ayant eu lieu jusqu'au jour X+35 inclus, y compris les décisions judiciaires y afférentes, sont définitivement acquises. De même, les accords conclus jusqu'au jour X+35 inclus sont définitivement acquis. Ce principe ne s’applique toutefois pas aux accords explicitement liés à la crise COVID-19 (prévoyant par exemple le vote par correspondance pour cause de coronavirus), à moins que les parties n’en conviennent autrement.

Autre tempérament déjà évoqué au point précédent: la nouvelle date des élections, et éventuellement l’horaire des élections, ainsi que le calendrier électoral initial devront être adaptés dans chaque entreprise lors de la reprise de la procédure après la période de suspension. En effet, l’organe de concertation pourra librement choisir la date du jour Y et l’horaire des élections au sein de la période du jour Y fixée par le Roi, sans être lié par son choix initial.


5. Aucune opération à partir du jour X+36 (telle que, par exemple, l'affichage des listes de candidats dans l'entreprise ainsi que les phases de réclamation et de recours contre les listes de candidats) ne peut être poursuivie. Si ces opérations ont quand même lieu, ces opérations sont nulles.


Exception à ce principe: les formalités relatives à l'arrêt complet de la procédure dans l’hypothèse où aucune liste de candidats n'a été déposée le jour X+35 peuvent encore être valablement effectuées pendant la période de suspension des élections, sans que cela ne constitue une obligation pour l’employeur. L’employeur peut en effet préférer attendre la reprise de la procédure pour constater l’arrêt des élections dans son entreprise dans les délais légaux prévus (c-à-d. au plus tard le jour X+79 du nouveau calendrier électoral). Dans tous les cas, le délai de recours contre la décision d’arrêt complet ne commence à courir qu’après la reprise de la procédure, selon les délais légalement prévus.


6. Pour l’appréciation de la seconde condition d’électorat des travailleurs intérimaires (être occupé durant au moins 26 jours durant la période allant de X à X+77), il ne sera pas tenu compte des jours se situant durant la période de suspension. Le comptage des 26 jours d’occupation doit donc se faire pendant la période courant avant et après l’effet de la suspension.


7. Le respect des conditions d’éligibilité des candidats est examiné le jour des élections initialement prévu (jour Y fixé en mai 2020) et non pas le jour des élections fixé après la suspension. Ainsi, par exemple, les 6 mois d’ancienneté doivent être atteints par le candidat le jour Y initial fixé en mai 2020. Ce respect des conditions d’éligibilité le jour des élections initial vaut pour tous les candidats : ceux présentés jusqu’au jour X+35 et ceux présentés en remplacement de candidats après la reprise de la procédure jusqu’au jour X+76.


8. Les organes de concertation existants continuent à fonctionner jusqu'à la date d'installation des nouveaux organes élus lors des élections reportées.

Le SPF Emploi précise à cet égard que l’employeur doit veiller à ce que les organes de concertation existants restent impliqués, pendant la pandémie, pour les matières pour lesquelles ils sont compétents. L’information et la consultation de ces organes doivent se faire de manière digitale et les réunions doivent être organisées, dans la mesure du possible, via un moyen de communication électronique.


9. La protection contre le licenciement continue à s'appliquer, y compris durant la période de suspension, à tous les candidats régulièrement présentés le jour X+35 , et à tous les candidats non-élus ainsi qu’aux membres des organes existants, avec les tempéraments suivants.

En ce qui concerne la protection des travailleurs présentés comme candidats le jour X+35, l’indemnité variable de licenciement débute à partir du jour du licenciement notifié au plus tôt le jour X-30 d’origine (début de la période de protection occulte), jusqu’à la première réunion du conseil d’entreprise/du comité après les élections sociales de 2024 (= fin du mandat).

Dans le cas particulier des délégués protégés pendant six mois supplémentaires lorsque l’organe n’est pas renouvelé en 2020 parce que le seuil requis n’est plus atteint ou lorsqu’il n’y a pas lieu d’organiser d’élections à défaut des candidatures nécessaires, lesdits six mois courront à partir du premier jour de la nouvelle période des élections sociales à fixer par le Roi (nouveau jour Y).

Pour éviter les conséquences disproportionnées de l’application intégrale de la protection contre le licenciement, les dérogations suivantes sont prévues :


  • Pour les candidats qui seront présentés comme remplaçants de candidats jusqu’au jour X+76 après la période de suspension de la procédure électorale, la période de protection occulte ne court pas durant la période de suspension. Plus précisément, la période de protection occulte recommencera à courir à nouveau à partir du 36ème jour qui précède le nouveau jour X+36 dans le nouveau calendrier électoral qui sera fixé, dans chaque entreprise, après la période de suspension. Durant la période de suspension de la procédure électorale précédant le nouveau « jour X fictif », il est donc possible de licencier un travailleur qui ne figure pas sur une liste de candidats présentée le jour X+35 sans courir le risque qu’il soit par la suite présenté comme candidat de remplacement et qu’il exige sa réintégration dans l’entreprise ou, à défaut, le paiement d’une indemnité de protection. Nous vous déconseillons toutefois tout licenciement (sauf cas d’urgence) durant la période de suspension de la procédure électorale avant l’adaptation de la législation.
  • En ce qui concerne la protection des travailleurs présentés comme candidats en 2016 (élus ou non élus) et qui ne sont plus candidats en 2020, il faut faire la distinction entre ceux qui ont été licenciés jusqu’au 17 mars 2020 (date de la décision du Groupe des Dix de suspendre les élections) et ceux licenciés après cette date :
    • Pour ceux licenciés avant le 17 mars 2020, l'indemnité variable de licenciement se calcule jusqu’à la date initiale fictive d’installation des nouveaux organes (au plus tard à Y+45 se situant entre le 25 juin et le 8 juillet 2020, sur base du jour Y initialement fixé en mai 2020),
    • Pour ceux licenciés après le 17 mars 2020, l'indemnité variable de licenciement se calcule jusqu’à la date réelle d’installation des organes qui aura lieu après les élections reportées.


Rappelons que ces différents principes dégagés par les partenaires sociaux doivent encore être transposés dans la législation et la réglementation. Nous vous tenons informés.


Florence Wairy - Senior legal consultant


Source : Group S

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