Shakira : une transaction judiciaire à la sauce espagnole

J'ai eu le plaisir de répondre à quelques questions de Sébastien Buron dans le Trends (Trends Canal Z) à propos de la transaction conclue par Shakira avec les autorités espagnoles.

Fraude à la résidence

Elle concerne une affaire de fraude à la résidence fiscale assez classique. Selon le parquet espagnol, la chanteuse était résidente fiscale espagnole pour les années 2012, 2013 et 2014, car elle aurait vécu plus de 183 jours en Espagne. En droit fiscal espagnol, une personne physique est considérée comme ayant sa résidence fiscale en Espagne si elle séjourne plus de 183 jours par an en Espagne (ou lorsque le centre de ses intérêts professionnels/économiques s'y trouve). En droit fiscal belge, le nombre de jours de présence en Belgique n’est pas un critère décisif pour déterminer la résidence fiscale. On regarde plutôt l’endroit où la personne physique séjourne de façon effective et continue (domicile fiscal). Un autre critère alternatif est le “siège de la fortune”, c’est-à-dire l’endroit d’où sont gérés les biens de la personne.

Deux résidences?

Quid si une personne est considérée comme résidente fiscale dans deux pays, en raison de critères de rattachement différents appliqués par les deux Etats? En principe, il faut alors avoir égard à la CPDI applicable, qui prévoit généralement des règles « en cascade » pour déterminer l’Etat dans lequel une personne réside (foyer d'habitation permanent, puis centre des intérêts vitaux,...). Cette tie breaker rule peut permettre de résoudre la double imposition (du moins pour ce qui concerne les impôts visés par la CPDI).

Délocalisation improvisée?

Lassés par la pression fiscale croissante, de nombreux particuliers belges (fortunés) décident de transférer leur domicile vers des cieux fiscalement plus cléments. Toutefois, une délocalisation ne s’improvise pas. Pour quitter l’orbite fiscale belge, il faut que le transfert de domicile fiscal soit réel et effectif. En deux mots, il faut couper le plus possible les ponts avec la Belgique. Selon une expression bien connue des fiscalistes, il faut avoir dans l’Etat d’accueil “sa pipe, sa brosse à dents et ses pantoufles”.

Exit tax?

Il n'y a pas de mécanisme d'exit tax" en droit fiscal belge: lorsqu'une personne physique quitte la Belgique, elle n'est pas imposée sur les éventuelles plus-values latentes sur ses participations. La donne est différente en France(art. 167bis CGI). Le gouvernement belge entend rebattre les cartes. Un projet de loi prévoit l'instauration d'une "mini exit tax" en cas de transfert du domicile fiscal de "fondateurs" de "constructions juridiques". Un récent rapport de la Cour des comptes indique que 179 Belges - UBO de SPF luxembourgeoises (Société de gestion de patrimoine familial) - ont récemment quitté à la Belgique, échappant ainsi à la taxe Caïman. A partir de 2024, pareil déménagement pourra donner lieu à une lourde taxation des réserves (latentes) de la SPF dans le chef de ses "fondateurs" belges...

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