Depuis très longtemps, j’écris au sujet des risques qui pèsent sur le dollar.
Un point essentiel est que le dollar n’est une monnaie très liquide que parce que la banque centrale américaine échange des dollars contre les devises d’autres banques centrales (la Banque centrale européenne, par exemple). On appelle cela des swaps. Et pourquoi ? Parce que le monde a besoin de dollars, qui sont utilisés pour 60 % des transactions mondiales entre les différents pays.
Mais cela va plus loin : lorsque vous ouvrez un compte en dollars, ce ne sont pas de vrais dollars, et d’ailleurs aucune autorité américaine ne vous a donné l’autorisation. Ce sont vos euros qui sont échangés, au travers de ces accords entre banques centrales, en dollars. Si ces échanges, ces swaps, s’arrêtent, vous retrouvez des euros, mais sans doute avec une très lourde perte. Ce risque est réel, et les lecteurs de ce blog connaissent le nombre de fois que je l’ai mentionné.
Voici que désormais, le Financial Times y consacre un article, en supposant que si Donald Trump, une fois le président de la Réserve fédérale nommé par lui, décide de punir un pays ou une zone monétaire, il suffit qu’il instruise une restriction, voire une annulation du swap. Et de citer l’exemple d’un swap entre la banque centrale du Danemark et la Réserve fédérale qui serait annulé si Trump n’obtenait pas le Groenland. Impensable ? Aucunement.
Mais ce n’est pas sans risque : si le swap diminue, voire est aboli, cela posera un problème de liquidité. Le dollar deviendra moins attractif, et donc « un peu plus » une devise de thésaurisation, au détriment de son rôle transactionnel. On en revient alors, encore et toujours, au paradoxe de Triffin (qui avait prédit la fin du système de Bretton Woods en 1971). Ce paradoxe stipule que si le dollar fournit sa propre liquidité au reste du monde, il ne peut qu’être dévaluationniste. Inversement, une réduction de cette liquidité renforce le dollar. Cependant, si le dollar devient une devise plus forte mais moins liquide, cela réduit sa capacité à irriguer l’économie mondiale.
Je vois aussi un autre scénario, qui serait plus « civilisé » : une monétisation de la dette par la Réserve fédérale à un taux réel négatif. La dette se résorbe d’elle-même, mais cela conduit inéluctablement à une dépréciation du dollar, déclenchant une guerre des monnaies. Et l’Europe en sort perdante.
Je ne le dirai jamais assez : le prochain choc financier sera lié au dollar et aux dettes publiques. Et il y a peu d’échappatoires, car le risque est systémique.