Trump, l'héritage des Pères Fondateurs et la résurgence d'une Amérique divisée

Au-delà des ruptures idéologiques associées à l’élection de Donald Trump, ce qui se passe aux États-Unis est la mise à vif des réalités d’une société fragmentée, dont les Américains parlent peu, car leur héritage est lourd, très lourd. C’est un pays qui s’est fondé sur l’immigration et surtout l’esclavagisme, dans une prédation territoriale sans limite. C’est un pays qui a connu de nombreuses révolutions et une guerre civile dont les cicatrices sont soigneusement camouflées.

C’est un pays qui n’a pas fait le deuil de son racisme, extrêmement présent alors que, de manière contradictoire et paradoxale, c’est aussi un pays né de symboles unificateurs et d’une fiction, à savoir le fait que George Washington est l’ancêtre commun.

C’est un pays que nous voyons centralisé et fédéral, alors qu’il est en réalité un assemblage d’États et de comtés, une mosaïque où le pouvoir central est toléré mais pas reconnu par tous comme l’autorité suprême. D’ailleurs, ce que Trump fait – et cela échappe à de nombreux observateurs européens – c’est redonner une autonomie décisionnelle aux États, comme l’a fait la Cour suprême pour l’avortement. Sa décision n’a pas été d’interdire l’avortement, mais d’en redonner la légalité aux États. Ce qui, bien que contraire à mes plus intimes convictions car représentant un recul, peut être interprété différemment d’un point de vue constitutionnel.

C’est aussi un pays où tout est fragile : les humains se frôlent et s’oublient dans l’amnésie des vies qui se déplacent. C’est un pays que l’on voit vertical, à cause des gratte-ciels des grandes villes, mais qui est horizontal, comme un glissement perpétuel de tout.

C’est un pays, aussi et surtout, de féroces entrepreneurs, portés par cet esprit calviniste de la prédestination, où chaque individu cherche, sans relâche, l’excellence et l’amélioration, mesurées par l’enrichissement. D’ailleurs, lorsque l’on consulte les études comparant la perception de l’échec selon qu’il soit attribué à des conditions extérieures ou à soi-même, on remarque que les Américains considèrent qu’ils n’ont de comptes à rendre qu’à eux-mêmes.

C’est un pays fascinant et épuisant, en recherche constante de lui-même et, contre toute apparence, que j’ai toujours considéré comme fragile. Fragile, car peu ancré dans l’histoire, raison pour laquelle il a peut-être compensé cela par une extension géographique permanente. Rien n’est historiquement vertical, tout est horizontalement et territorialement expansionniste.

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