La question est uniquement pertinente pour les SA puisque, dans le cadre du CSA, le législateur a supprimé, à tort selon moi, le régime des quasi-apports au sein des SRL & des SC.
La réponse implique de tracer une ligne du temps en distinguant la procédure relative aux quasi-apports (articles 7:8 et s. CSA) et celle applicable en cas de conflits d’intérêts (article 7:96 CSA).
1. – En vertu de l’article 7:8, l’acquisition par la société de tout bien appartenant à (i) un fondateur ou comparant à l’acte constitutif, (ii) à un administrateur ou un membre du conseil de direction/de surveillance (structure duale) mais aussi (iii) à un actionnaire[1], dans un délai de deux ans à compter de l’acquisition de la personnalité juridique, pour une contre-valeur au moins égale à 10% du capital, fait l’objet d’un rapport établi par le commissaire, ou, à défaut, par un réviseur d’entreprises désigné par l’organe d’administration (OA).
Il s’agit donc bien d’une vente dont le processus menant à la conclusion doit respecter certaines formalités. L’objectif du régime des quasi-apports est d’éviter que les personnes visées contournent les règles du contrôle des apports en nature en effectuant un apport en espèces affecté par la société à l’acquisition d’un bien leur appartenant ou en vendant à la société un bien dont ils utiliseraient le prix reçu pour effectuer un apport en espèces.
Le rapport mentionne le nom du propriétaire, la description du bien, le montant effectivement payé en contrepartie et les modes d’évaluation adoptés et il indique si les valeurs auxquelles conduisent ces modes correspondent au moins au prix de l’acquisition.
Le rapport du commissaire/réviseur est joint à un rapport spécial dans lequel l’OA expose, d’une part, l’intérêt que présente pour la société l’acquisition envisagée et, d’autre part, les raisons pour lesquelles il s’écarte, le cas échéant, des conclusions du rapport annexé. Les deux rapports sont déposés et publiés conformément aux articles 2:8 et 2:14, 4° CSA.
In fine, l’acquisition est soumise à l’autorisation de l’assemblée générale des actionnaires, les rapports étant annoncés dans l’ordre du jour et une copie pouvant être obtenue conformément à l’article 7:132 CSA. A défaut de rapport de l’OA, la décision et, partant, la vente sont nulles.
L’article 7:8 n’est pas applicable (i) aux acquisitions réalisées dans les limites des opérations courantes conclues aux conditions et sous les garanties normalement exigées pour les opérations de même nature, (ii) aux acquisitions en bourse et (iii) aux acquisitions résultant d’une vente ordonnée par justice.
Sans entrer dans de subtils détails et nuances, il convient de souligner que la procédure ne doit pas non plus être respectée lorsque le quasi-apport est constitué de : (i) valeurs mobilières évaluées au cours moyen pondéré de négociation durant les trois mois précédant la réalisation du quasi-apport; (ii) d’autres éléments d’actif ayant déjà été dûment évalués par un réviseur à une date ne remontant pas à plus de six mois ; (iii) d’éléments d’actif dont la juste valeur est tirée des comptes annuels de l’exercice précédent, à condition que ces comptes aient été contrôlés par le commissaire/ la personne responsable, dont le rapport comprend une « attestation sans réserve »[2].
2. – Au-delà du délai de deux ans à compter de l’acquisition de la personnalité juridique, la même opération requiert le respect de la procédure de conflit d’intérêts mais uniquement si le cocontractant de la société est un membre de l’OA (articles 7:96, 7:102 & 7:115, selon le cas)[3]. En outre, la décision appartient à l’OA lui-même, qui ne peut la déléguer, et non à l’assemblée générale des actionnaires.
Dans le cadre du régime moniste, lorsque le conseil d’administration (CA) est appelé à prendre une décision ou à se prononcer sur une opération à propos de laquelle un administrateur a un intérêt direct ou indirect de nature patrimoniale opposé à celui de la société, cet administrateur doit en informer les autres administrateurs avant que le CA se prononce. Sa déclaration et ses explications sur la nature de son intérêt doivent figurer dans le procès-verbal de la réunion.
Dans ce PV, après avoir décrit la nature de la décision/opération et ses conséquences patrimoniales pour la société, le CA justifie sa décision. Cette partie du PV figure intégralement dans le rapport de gestion ou une pièce déposée en même temps que les comptes annuels.
Si la société a nommé un commissaire, le PV de la réunion lui est communiqué et, dans une section séparée de son rapport annuel, il évalue les effets patrimoniaux pour la société des décisions comportant un conflit d’intérêts.
L’administrateur concerné ne peut prendre part ni aux délibérations concernant ces opérations/décisions, ni au vote sur ce point. Ce n’est que si tous les administrateurs sont en conflit d’intérêts que la décision/opération est soumise à l’assemblée générale des actionnaires ; en cas d’approbation, le CA l’exécute.
Quant aux sanctions, la société peut demander la nullité des décisions prises/opérations accomplies sans respecter la procédure, si l’autre partie avait ou devait avoir connaissance de cette violation. En outre, conformément à l’article 7:122 CSA, les membres du CA sont personnellement et solidairement responsables du préjudice subi par la société ou des tiers à la suite de décisions/opérations, régulières au regard de l’article 7:96, qui leur ont procuré un avantage financier abusif au détriment de la société.
3. – Dans les SRL & les SC, comme annoncé, seules sont applicables les procédures de conflits d’intérêts relatives aux membres de l’OA, qui sont mutatis mutandis identiques à celle qui vient d’être exposée (articles 5:76 à 5:78 et articles 6:64 à 6:66).
[1]Idem pour la cession faite par une personne agissant en son nom propre mais pour compte d’une personne visée.
[2]Dans ces hypothèses, l’OA dépose une déclaration et la publie, conformément aux articles 2:8 et 2:14, 4°, dans le délai d’un mois suivant la date effective du quasi-apport. Cette déclaration contient : la description et la valeur du bien, le nom du propriétaire, l’origine de l’évaluation et, le cas échéant, le mode d’évaluation ainsi qu’une attestation précisant la contrevaleur attribuée et une attestation selon laquelle n’est survenue aucune circonstance nouvelle susceptible d’influencer l’évaluation initiale.
[3]La procédure est inapplicable (i) aux décisions/opérations conclues entre sociétés dont l’une détient directement ou indirectement 95% au moins des voix attachées aux titres émis par l’autre ou entre sociétés dont 95% au moins des voix attachées aux titres émis par chacune sont détenus par une autre société et (ii) aux décisions concernant des opérations habituelles conclues à des conditions & des garanties normales du marché pour des opérations de même nature.