Vous êtes « fondateur » d’une construction juridique ? Attention à l’exit tax!

Le régime d’imposition par transparence contenu dans ce qui est communément appelé le régime de la « taxe Caïman » a été renforcé par les dispositions fiscales contenues dans la loi-programme du 22 décembre 2023 (M.B. 29 décembre 2023, 1ère éd.).

Parmi les mesures arrêtées, figure l’instauration d’une « exit tax » (taxe de sortie) sur les « bénéfices non distribués » de la construction juridique.

De quoi s’agit-il ?

Cette modification fait suite aux recommandations contenues dans le Rapport d’avril 2023 de la Cour des comptes sur la taxe Caïman. Dans ce rapport, la Cour des comptes avait épinglé comme « problème dans l’application de la réglementation », le déménagement à l’étranger de contribuables belges, relevant que dès lors que la taxe Caïman s’appliquait uniquement aux habitants du Royaume (c’est-à-dire aux résidents fiscaux belges), elle cessait de s’appliquer si le contribuable belge décidait de quitter la Belgique.

Il existait certes, dans la législation existante, des cas de liquidation fictive (le transfert du siège d’une construction juridique et l’apport des droits économiques, des actions ou des actifs d’une construction juridique) donnant lieu à imposition d’un boni de liquidation fictif mais rien n’était prévu si le fondateur n’était plus résident belge.

Le législateur a repris à son compte ces observations : selon les indications contenues dans les travaux préparatoires de la loi-programme du 22 décembre 2023, l’objectif de voir les « patrimoines flottants » revenir finalement en Belgique par le biais de la liquidation des constructions juridiques n’était pas complétement réalisé.

Nouvelles mesures au 1er janvier 2024

Le régime de liquidation fictive est, depuis le 1er janvier 2024, transféré sous l’article 18, al.1, 3°/1 CIR.

L’exit tax recouvre deux hypothèses :

  • Le transfert de la résidence du fondateur (de la Belgique vers l’étranger) ;
  • Le transfert de la construction juridique ou de ses actifs vers une juridiction autre que la Belgique ou dans une autre construction juridique ou une autre personne morale.

Quelle imposition ?

Le boni de liquidation (c’est-à-dire toute l’accumulation d’avoirs depuis la constitution de la construction, en ce compris les plus-values latentes) est taxé comme un dividende de liquidation (fictif) dans le chef du fondateur au taux de 30%.

Le paiement de la taxe est exigible immédiatement, et indépendamment de la question de savoir si le fondateur a effectivement reçu une quelconque attribution de la construction juridique : c’est l’application du principe « tax without cash ». Une taxation étalée ne sera possible que si la construction juridique est située dans l’Espace Economique Européen.

Points d’attention– Appréciation

L’application de cette nouvelle mesure suscite les observations suivantes :

  • La notion de « fondateur » ne vise pas uniquement le fondateur au sens premier du terme de la construction juridique et vise notamment les personnes qui ont apporté des biens et des droits à la construction, les personnes qui ont hérité (directement ou indirectement) des fondateurs précités …
  • Une mesure anti-abus spécifique est introduite pour éviter que la loi Caïman ne soit contournée par un changement de forme de la construction juridique : la réglementation de la taxe Caïman s’appliquera également aux structures qui ont été classées comme des constructions juridiques au cours d’au moins une des trois périodes imposables précédentes.
  • Cette mesure est dissuasive à l’installation en Belgique de toute personne (notamment américaine ou anglaise) ayant déjà organisé sa planification patrimoniale sous forme de trust.
  • La compatibilité de ces nouvelles mesures avec le droit européen (notamment avec la liberté d’établissement ou la libre circulation des capitaux) posera question en cas de transfert au sein de l’Union européenne.

Assurément, il conviendra avant toute décision de transfert pouvant impacter la construction juridique (et dès lors son « fondateur »), de faire un audit fiscal des conséquences de cette décision.

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