« Melting pot » des actualités jurisprudentielles – juillet 2024

Retour sur les quelques décisions judiciaires importantes en matière fiscale !


A) Interdiction de déduire les pertes en cas de rectification (206/3 CIR) : une disposition attaquée de toute part !

Une société immobilière est en perte en raison des amortissements pratiqués sur le bien. Elle perçoit des loyers en contrepartie de la location de ses immeubles. Elle dépose sa déclaration fiscale avec un léger retard. L’administration décide d’avoir recours à la procédure d’imposition d’office en invoquant le retard dans le dépôt de la déclaration fiscale. Elle ne modifie aucun élément de la déclaration rentrée par le contribuable. Elle inflige en outre un accroissement d’impôt de minimum 10%.

En conséquence de ce qui précède, l’administration va refuser à la société le droit d’imputer ses pertes sur le montant des loyers perçus par le société. Les pertes non-imputées seront reportées à l’année suivante. Elle en découlera toutefois une imposition effective immédiate du montant des loyers.

Les cas d’application de la mesure ci-dessus sont extrêmement fréquents en pratique. Il est tout à fait contestable que cette mesure puisse trouver à s’appliquer dans les cas où la déclaration fiscale du contribuable est correcte sur le fond (contraire aux objectifs du législateur).

En outre, l’administration dispose de la faculté de renoncer aux accroissements d’impôt de 10% (et donc à l’application de la mesure ci-dessus). Cela revient à offrir à l’administration un pouvoir contraire à la constitution : celui de décider de l’existence ou non d’un impôt.

La Cour constitutionnelle a déjà été saisie de la validité de cette disposition et ce, sur une question préjudicielle introduite par le Tribunal de première instance de Bruxelles. La réponse de la Cour est attendue avec une grande impatience.

Dans un arrêt du 18 juin 2024, la Cour d’appel d’Anvers a étendu le nombre de questions posées à la Cour constitutionnelle. La Cour devra ainsi se prononcer sur les questions suivantes :

  • Le fonctionnaire peut de manière discrétionnaire renoncer aux accroissements d’impôt et donc à l’imposition effective du contribuable : est-ce conforme au principe de l’égalité de l’impôt (impôt différent selon le fonctionnaire et le dossier concerné ) ?
  • Le refus d’imputation des pertes est une sanction qui peut avoir un caractère pénal ; le juge ne dispose toutefois pas (selon la Cour) de la faculté de réduire la sanction si il estime qu’elle est disproportionnée par rapport à la nature de l’infraction (cf. le contribuable de bonne foi dans les circonstances reprises dans l’exemple) ; est-ce conforme au principe constitutionnel d’égalité de l’impôt ?

Gageons que la Cour constitutionnelle puisse confirmer l’inconstitutionnalité de l’article 206/3 du CIR dans les cas ci-dessus. Cela devrait mettre fin à des situations tout à fait inéquitables.

SocialF.F.F.Acheter un bien en société, le rénover et le vendre : qu'en est-il de la taxation des plus-values et de son potentiel étalement?


B) Vente d’un immeuble & étalement de la plus-value : attention aux travaux

Pour rappel, une société qui réalise une plus-value sur un immeuble peut, à certaines conditions, bénéficier d’une taxation étalée du montant de cette plus-value (art. 47 du CIR).

Parmi les conditions requises, l’immeuble vendu doit avoir la nature d’une immobilisation pendant plus de cinq ans avant l’aliénation.

La situation suivante pose question en pratique.

Ma société achète un immeuble en 2015. En 2022, elle effectue des travaux importants sur le bien. Conformément aux règles comptables, les travaux sont amortis et inscrits dans le poste « immobilisations » corporel du bilan (séparément de l’immeuble en tant que tel).

En 2024, l’immeuble est vendu avec une forte plus-value. La société peut-elle bénéficier du remploi pour l’ensemble de la plus-value (alors que la partie de la plus-value imputable aux travaux se rapporte à « une immobilisation ayant cette nature depuis mois de 5 ans ») ?

La Cour de cassation a répondu par la négative par un arrêt du 15 mars 2024.

Selon la Cour de cassation, les travaux de transformation doivent eux-mêmes être terminés depuis au moins cinq ans pour pouvoir bénéficier du régime du remploi.

Par conséquent, la Cour a estimé que le contribuable aurait dû « ventiler » la plus-value entre :

  • La partie de celle-ci se rapportant à l’immeuble (remploi OK) ;
  • La partie se rapportant aux travaux (remploi non OK) ;


c) Abus fiscal & fusion silencieuse

Monsieur Dupont est actionnaire de la société A (société d’exploitation). Il vend les actions de cette société à la société B, qu’il constitue pour l’occasion (holding). Prix de vente : 800.000€.

A cette occasion, la holding, qui n’a pas de liquidités, inscrit une dette actionnaire dans ses comptes (créance de Monsieur Dupont sur B).

Dans le même temps, Monsieur Dupont avait prélevé au fil des ans des liquidités à la société A. Cette dernière avait inscrit ces prélèvement en créance actionnaire sur Monsieur Dupont. Le montant de la créance est d’environ 600.000€.

Pour apurer le montant de sa dette vis-à-vis de B, Monsieur Dupont décide de fusionner les deux sociétés. Suite à la fusion, sa créance et sa dette se compensent et il reste un solde de 200.000€ à son profit.

Dans une situation similaire à celle à celle de Monsieur Dupont, la Cour d’appel de Liège vient récemment (arrêt du 13 mai 2024) de confirmer que la fusion silencieuse constituait un abus fiscal.

Selon la Cour d’appel, la compensation des comptes courant dans le cadre de la fusion constituait une distribution de dividendes déguisée. L’impôt de 30% sur un montant de 600.000€ infligé par le fisc a ainsi été validé par la Cour d’appel.

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