La Cour des comptes a examiné les régimes d’exonération d’accises sur les produits énergétiques et la manière dont l’Administration générale des douanes et accises du SPF Finances contrôle leur application. Elle constate que les objectifs de ces régimes exonératoires sont parfois contradictoires et ne font pas l’objet d’une évaluation complète et chiffrée. Une coordination entre les niveaux de pouvoir est notamment nécessaire pour assurer la cohérence des politiques menées. La Cour constate également des lacunes dans l’exécution des missions du SPF Finances : carence de monitoring et de données disponibles, objectifs insuffisamment fondés sur une analyse de risques, insuffisances dans le processus de remboursement d’accises sur le gasoil professionnel.
Les accises sur les produits énergétiques constituent une source budgétaire importante pour l’État : en 2020, elles représentent une recette de 5,6 milliards d’euros. Par des dérogations ciblées, la politique fiscale en matière d’accises est un levier essentiel pour atteindre certains objectifs environnementaux (diminution des émissions de gaz à effet de serre et d’autres polluants atmosphériques), sociaux (aides à certaines catégories de la population) et économiques (aides à certains secteurs).
Ces objectifs doivent faire l’objet d’arbitrages politiques et d’une coordination entre les niveaux de pouvoir. Or, ces derniers poursuivent parfois des politiques antagonistes. C’est le cas, par exemple, à l’égard du transport routier, qui est subsidié par l’État fédéral via le remboursement du gasoil professionnel et soumis à une taxe kilométrique régionale.
Les régimes de dérogation d’accises sur les produits énergétiques représentent une dépense fiscale de 3,3 milliards d’euros en 2020, sans faire l’objet de justifications détaillées. Le gouvernement fédéral n’analyse pas l’impact environnemental, social ou économique des dérogations. En outre, le calcul des dépenses fiscales dans l’inventaire annexé au budget fédéral ne documente pas toutes les dérogations, privant ainsi l’autorité politique d’une vision d’en‐ semble.
Pareille vision est pourtant indispensable à un pilotage efficace de cette politique de taxation. L’Administration générale des douanes et accises (AGDA) du SPF Finances doit faire respecter la législation en matière d’accises et les dérogations qui s’y attachent. Elle développe, depuis quelques années, un système de contrôle interne pour mieux maîtriser l’exécution de ses missions. Cependant, certaines missions relatives aux produits énergétiques ne font pasencore l’objet d’un monitoring, faute notamment de statistiques systématiquement recueillies et centralisées. Il lui est dès lors impossible d’identifier certains dysfonctionnements, globaux ou ponctuels, dans l’exercice de ses missions et d’y remédier.
Les objectifs de contrôle de l’AGDA ne reposent pas suffisamment sur une analyse de risques centralisée et basée sur un datamining. Une telle pratique, développée dans son service de management des risques, a été lancée récemment. Toutefois, malgré de premiers résultats encourageants, les accises sur les produits énergétiques ne font pas encore l’objet d’une attention suffisante au regard des enjeux.
Le remboursement de l’accise spéciale sur le gasoil professionnel est une mesure de soutien au secteur du transport qui grève le budget de l’État, sans considération environnementale. Ce remboursement a représenté un coût de 914,4 millions d’euros en 2020. Il est en hausse continue depuis plusieurs années (environ 260 % par rapport à 2016).
La Cour des comptes recommande d’assigner aux régimes d’exonération des objectifs précis et mesurables, en cohérence avec les politiques publiques, et d’évaluer l’efficacité de ces ré‐ gimes sur la base de données chiffrées détaillées et complètes.
Elle recommande en outre au SPF Finances d’effectuer un monitoring plus précis et complet de ses missions relatives aux produits énergétiques, basé sur des statistiques suffisantes et centralisées. Le SPF Finances devrait également définir ses contrôles en matière d’accises sur les produits énergétiques sur la base d’une analyse de risques centralisée, avec un recours plus important au datamining. La Cour des comptes recommande enfin au SPF Finances d’assurer une meilleure maîtrise de la procédure de remboursement d’accises sur le gasoil professionnel.
Le rapport « Accises sur les produits énergétiques – Exonérations et remboursements » a été transmis au Parlement fédéral. Ce rapport, la synthèse et ce communiqué de presse sont disponibles sur www.courdescomptes.be.
Source : Cour des Comptes, 18 mars 2022