Accord de gouvernement : les réformes fiscales attendues

La formation du gouvernement-Arizona clarifie enfin un certain nombre de réformes fiscales qui circulaient déjà à l'état de projets, telles que l’instauration d’une « contribution de solidarité », la modification de l'exonération RDT et sa condition de participation et la taxation du carried interest.

Ces changements devraient être repris dans une loi d’ici le milieu de cette année. La date d’entrée en vigueur ainsi que les éventuelles dispositions transitoires ne sont toutefois pas encore connues, mais l’accord de gouvernement précise que les mesures relatives à la fiscalité seront toutes mises en œuvre à partir de 2026.

Nous reprenons ci-dessous un aperçu des principales réformes ainsi que nos premières réflexions.

Contribution de solidarité » de 10% au lieu d’une imposition des plus-value

Le texte prévoit explicitement ce qui suit: “Il sera instauré une taxe générale de 10 % [au lieu de 5% dans les textes précédents, ndla] sur la plus-value des actifs financiers, en ce compris les crypto-actifs, sans rétroactivité et avec une exonération pour les plus-values historiques à partir de l’entrée en vigueur de la taxe. Les plus-values historiques sont donc exonérées.” Par conséquent seules les augmentations de valeurs à compter de l’introduction de cette règle seraient imposables.

Une exonération de 10 000 euros (à indexer, 6 000 euros dans les textes précédents) est prévue afin de protéger les petits investisseurs. En cas de participation importante de minimum 20% (au lieu de 5% dans des versions initiales), un montant de 1 million d’euros sera “toujours” exonéré, qu’il s’agisse d’actions cotées ou non. Dans ce cas, la base imposable comprise entre 1 et 5 millions d'euros est exonérée pour moitié, et celle comprise entre 5 et 10 millions d'euros est exonérée à hauteur d’1/4. Au-delà de 10 millions d’euros, il n’y a plus d’exonération de la base imposable. Les moins-values afférentes à cette catégorie de revenus sont déductibles au sein de la même année d'imposition, sans pouvoir être reportées. D'une part, il est prévu qu'un contribuable bénéficiera « toujours » des exonérations progressives prévues jusqu'à 10 millions d'euros, mais d'autre part, la condition de participation a été considérablement augmentée, passant de 5 % à 20 %. L'impôt progressif jusqu'à 10 millions d'euros est alors atténué par les taux distincts de 1,25 %, 2,5 % et 5 %, bien que les versions précédentes prévoyaient une exonération totale jusqu'à 5 millions d'euros.

Le texte n'indique pas clairement si des exonérations seront prévues pour les participations inférieures à 20 %. Le fait que le texte prévoit qu'en cas de participation d'au moins 20 %, une exonération s’applique « toujours » pourrait signifier que, sous certaines conditions, des exonérations puissent s’appliquer en cas de participation inférieure à 20 %. Cela nous semble en effet approprié, on peut penser, par exemple, à des participations dans des PME ou à la situation du fondateur d'une start-up ou d'une scale-up qui, suite à l'entrée d'investisseurs dans les tours de table, se diluerait en dessous d'une participation de 20%. Un tel actionnaire ne devrait pas être traité plus défavorablement qu'un actionnaire détenant une participation minimale de 20 %, d'autant plus que le gouvernement souhaite encourager l'esprit d'entreprise et l'innovation.

La question est de savoir comment cette contribution sera intégrée dans la législation fiscale et son interaction avec les dispositifs existants en matière d’imposition des plus-value sur actions, comme par exemple la taxation au taux de 33% des plus-values sur actions qui ne relèvent pas de la gestion normale d’un patrimoine privé ou encore la taxation au taux de 16,5% des plus-values sur actions réalisées lors de la cession d’une participation de 25% ou plus dans une société résidente à une personne morale établie en dehors de l'EEE. Reste à savoir également si cette contribution sera due en cas de réalisation de plus-values à l’occasion de l’apport de titres à une société holding par exemple. Dans l’affirmative, pour les situations relevant de son champ d’application, se pose la question de la conformité d’un tel dispositif avec la Directive fusion sur base de laquelle une exemption du moins temporaire devrait être accordée.

En outre, la question se pose de savoir comment une telle contribution peut être combinée avec la règle (depuis 2017) selon laquelle l’apport de titres ne crée pas de capital fiscal à concurrence de la valeur réelle des titres apportés lorsque la plus-value n’est pas imposable. Cette règle a déjà pour effet que, déjà aujourd’hui, ces apports créent des réserves imposables à 30 %. Enfin, la question est également de savoir comment seront taxées les plus-values réalisées sur des actions dans des fonds ‘obligataires’ (des fonds investis à plus de 10% en créances) qui sont déjà aujourd’hui taxées à 30% sur la composante intérêts (“taxe 19bis”).

Régime RDT : la condition de participation passe de 2,5 à 4 millions d'euros pour les grandes entreprises

La déduction RDT est réformée pour devenir une exonération. Ceci s’effectuera par une majoration de la situation de début des réserves. La condition de participation de 10% reste maintenue, mais le seuil de 2,5 millions d'euros est relevé à 4 millions d'euros pour et entre grandes entreprises et est liée à la condition que la participation ait la nature d’immobilisation financière. Ce durcissement de la condition de participation initiale n’est pas applicable aux moyennes entreprises mais uniquement pour et entre les grandes entreprises.

Contrairement aux propositions initiales, il est prévu de se rattacher à la définition existante des « moyennes entreprises » (article 2, §1, 4°/1 du CIR : durant au moins 2 des 3 dernières périodes imposables clôturées, un effectif moyen de moins de 250 ETP et un chiffre d'affaires de maximum 50 millions d'euros ou un total de bilantaire de maximum 43 millions d'euros) et aucune définition “sui generis” n'est utilisée.

Bien que ça n’a pas toujours été le cas dans les précédentes versions, la condition selon laquelle la participation doive répondre à la définition d’immobilisation financière semble avoir tout de même été reprise. Dans le passé, cette condition avait déjà été introduite et jugée contraire au droit européen. En effet, la Belgique imposerait ainsi une condition supplémentaire, pour laquelle la directive mère-fille ne laisse aucune place en ce qui concerne les participations de 10 %. Cette condition a donc été supprimée à la demande de la Commission européenne en 2011. Maintenant cette condition de qualification en tant qu’immobilisation est réintroduite, mais uniquement pour les participations de plus de 4 millions et pour et entre grandes entreprises .

La réglementation pour les RDT “actifs” repris dans les propositions précédentes ne semble malheureusement pas avoir été retenue dans l'accord de coalition. Il aurait néanmoins été intéressant de permettre aux dividendes étrangers qui ne remplissent pas la condition de taxation de bénéficier du régime RDT, à condition toutefois que la société qui verse les dividendes exerce une activité commerciale effective et que les dividendes proviennent de cette activité commerciale effective. Cela aurait alors permis de rapatrier efficacement les bénéfices des investissements étrangers des sociétés belges et de les utiliser à leur tour pour de nouveaux investissements (belges).

SICAV RDT : taxation de 5% à l’exit – fonds de private equity

Une nouvelle imposition au taux de 5% est prévue sur la plus-value réalisée à la sortie d’une SICAV RDT. L’imputation du précompte mobilier sur l'impôt des sociétés ne sera possible que dans la mesure où la société réceptrice attribue, dans l’année de revenus de la réception du paiement, une rémunération minimale à son dirigeant d'entreprise (désormais 50.000 euros, à indexer).

Bien que le régime de la SICAV RDT soit maintenu, il est toutefois remarquable qu'un prélèvement distinct soit introduit la concernant. Le paysage de la fiscalité des investissements devient encore plus complexe, et le choix des investissements n’est pas neutre à l’impôt des sociétés. Par ailleurs, le lien établi avec la rémunération minimale des dirigeants d'entreprise est à tout le moins particulier.

Contrairement à la proposition de réforme fiscale de l'ancien ministre Van Peteghem, l'imposition des autres sociétés d'investissement et des investisseurs reste inchangée (à l'exception de l'introduction éventuelle d'un régime spécifique de carried interest et de la suppression de la réduction d'impôt pour les pertes en capital résultant du partage total de l’avoir social d’une pricaf privée, comme indiqué ci-dessous). Le gouvernement envisage en outre d'assouplir le cadre réglementaire de la pricaf privée, comme demandé par le secteur à plusieurs reprises. On ne peut que s'en féliciter.

Carried interest : introduction d'un régime compétitif vis-à-vis des pays voisins

Le gouvernement souhaite introduire un régime spécifique et compétitif par rapport aux pays voisins afin de « stimuler l'activité des fonds en Belgique ». Comme taux d'imposition maximum, le gouvernement propose 30% pour les revenus mobiliers. Cela n'aurait aucun impact sur les plans existants.

Il faut se féliciter que le gouvernement souhaite soutenir le secteur du private equity en introduisant un régime concurrentiel. Toutefois, la question se pose de savoir comment ce régime spécifique sera conçu et si un régime spécifique est nécessaire. Après tout, les rendements des carried interest sont actuellement soumis à une taxation en fonction de la nature du revenu obtenu. La pratique actuelle du marché veut que le carried interest soit structuré par un investissement substantiel du détenteur du carried interest dans des actions de carried interest (ou qu'il soit investi à la valeur de marché de ces actions). Dans ce cas, la commission de ruling et l'inspection spéciale des impôts ont accepté que les revenus du carried interest soient imposés à titre de dividende, soumis à un précompte mobilier de 30 %, éventuellement réduit à 15 % (VVPRbis).

On peut s'interroger sur la compatibilité avec le principe d'égalité d'un nouveau régime différent pour le carried interest. Rappelons par ailleurs que les actions de carried interest ont un profil de risque sensiblement plus élevé que les actions souscrites par les autres investisseurs, puisque les actionnaires de carried interestne reçoivent généralement une distribution qu'après que les investisseurs ordinaires aient reçu un rendement préférentiel. Par conséquent, les actionnaires de carried interest encourent des risques plus importants.

L'exigence d'égalité de traitement entre les actionnaires avait également été reconnue dans la proposition de l'ancien ministre Van Peteghem. Cette proposition prévoyait une taxation distincte du rendement du « carried interest » en tant que revenu professionnel à un taux spécifique. Toutefois, l'exposé des motifs précisait que l'imposition distincte était destinée à un détenteur de carried interest qui aurait payé des montants purement symboliques pour acquérir les droits de carried interest.

Une codification pure et simple des pratiques actuelles du marché et des accords avec l'administration fiscale nous semble indiquée, non seulement pour être compétitif par rapport à nos pays voisins, mais aussi pour rester conforme au principe d'égalité.

Exit tax en cas d’émigration de personnes morales

Le texte final de l'accord de coalition précise que l'émigration d'une personne morale est traitée fiscalement comme une liquidation fictive de la personne morale.

Une version antérieure du texte prévoyait encore explicitement l'application du précompte mobilier.

Cette fiction soulève d’importantes questions. En effet, l'émigration d'une société est déjà assimilée à une liquidation fictive à l’impôt des sociétés. Actuellement, l'émigration d'une société n'entraîne pas de liquidation fictive au niveau de l'actionnaire d'une société émigrante (et ce, sur la base du texte littéral de la loi, tel qu'il a été interprété par la commission de ruling jusqu'à présent).

Il se peut que l'intention soit de modifier cette disposition et d'introduire un prélèvement (mais apparemment pas nécessairement par le biais de la perception du précompte mobilier, étant donné que cette dernière phrase n'a pas été incluse dans le texte final). Selon nous, une telle exit tax générale pourrait être contraire au droit européen, à moins que cette mesure ne soit limitée (par exemple, en cas d'émigration vers des pays n'appartenant pas à l'EEE). Cette mesure pourrait également conduire à des doubles impositions. On s'attend également à ce qu'elle soit rendue inapplicable du fait de certaines conventions préventives de la double imposition. Son introduction rappelle un régime similaire proposé en 2022 aux Pays-Bas (avec une exception pour l'émigration vers les pays de l'EEE et uniquement applicable aux réserves de bénéfices supérieures à 50 millions d'euros). Notamment parce que cette mesure dissuaderait les investissements étrangers (et pour d’autres motifs tels que la contrariété au droit européen et aux conventions), cette mesure avait été abandonnée. La question est donc de savoir quelle forme prendra cette mesure et s'il est judicieux que la Belgique soit le seul Etat à prendre de telles mesures au sein du BeNeLux.

Harmoniation du VVPRbis et de la réserve de liquidation

Le régime VVPRbis et la réserve de liquidation seront harmonisés dans la mesure du possible. Ainsi, la période d'attente pour la réserve de liquidation est réduite de 5 à 3 ans. Le taux de retenue à la source de 5 % sera porté à 6,5 % à partir du 1er janvier 2026 pour les réserves de liquidation nouvellement constituées. Le taux effectif de la réserve de liquidation passe ainsi de 13,64 % à 15 %, comme pour le VVPRbis. Les distributions effectuées dans les trois ans seront toutefois imposées au taux normal de 30 % du précompte mobilier.

Rémunération des dirigeants d’entreprise : 50.000 EUR min. (à indexer) et seulement 20% ATN

La rémunération minimale actuelle de 45.000 EUR à verser au dirigeant d’entreprise afin de bénéficier du taux réduit d'impôt des sociétés de 20 % sur les premiers 100.000 EUR de bénéfices sera porté à 50.000 EUR et sera dorénavant indexé. Par ailleurs, à l'avenir, un maximum de 20 % du salaire annuel brut des dirigeants d'entreprise pourra être constitué d'avantages en nature. Cette mesure concernera, entre autres, les entreprises qui mettent un logement à la disposition de leur dirigeant contre l'octroi d'un avantage en nature. On rappellera ici le lien – assez curieux – établi entre la rémunération minimale des dirigeants et le régime des SICAV-RDT (cf ci-dessus).

Fondations : précision de la notion de but désintéressé

Pour remédier à certains « abus » présumés autour des fondations privées, la législation fédérale précisera ce que sont les « buts désintéressés ». Les notaires seront responsabilisés et, en cas d'utilisation abusive d'une fondation, les autorités fiscales auront la possibilité de demander sa dissolution (dont les conséquences sont alors assez floues). L'obligation actuelle de dépôt des comptes annuels des ASBL et des fondations auprès du greffe sera remplacée par une obligation de dépôt auprès de la centrale des bilans de la BNB, comme pour les sociétés. La taxe de dépôt sera supprimée pour les petites entreprises et les associations. En revanche, pour les fondations, le texte n'en fait pas mention.

Le secteur des logiciels peut à nouveau bénéficier du régime fiscal des droits d'auteur

Selon l'accord de coalition, le régime fiscal des droits d'auteur pourra à nouveau s'appliquer aux revenus provenant de la cession ou de la licence de programmes d'ordinateur (livre XI, titre 6 du Code de droit économique).

Dans le cadre du régime fiscal des droits d'auteur, la rémunération de ces œuvres est imposée de manière avantageuse (15 % jusqu'à un montant maximum (73 070 EUR pour l'année de revenus 2024), avec une déduction forfaitaire substantielle des coûts). L'augmentation du taux de 15 à 20 % proposée précédemment n'a pas été retenue. Depuis 2023, les revenus provenant du transfert ou de l'octroi de licences de programmes informatiques et de bases de données ont été exclus. L'accord de gouvernement revient sur l'exclusion des programmes d'ordinateur, de sorte que les développeurs de logiciels pourraient en principe bénéficier à nouveau du régime favorable des droits d'auteur. Une modification législative expresse est toutefois nécessaire suite à un recours en annulation précédemment infructueux devant la Cour constitutionnelle (C.Const., 16 mai 2024, n° 52/2024). L'extension ne semble s'appliquer qu'aux programmes d'ordinateur et non, par exemple, aux bases de données (Livre XI, Titre 7 du Code de droit économique).

Procédure fiscale : délais raccourcis et accès au PCC assoupli

Les délais de contrôle et d'imposition sont à nouveau réduits à 3 ans en règle générale, et à 4 ans pour les déclarations complexes et semi-complexes (contre respectivement 6 et 10 ans auparavant). En cas de soupçon de fraude, la période d'enquête de 10 ans sera à nouveau réduite à 7 ans et à 8 ans pour les déclarations complexes et semi-complexes. La période de conservation des documents à des fins fiscales restera inchangée à 10 ans.

Le service de médiation fiscale sera transformé en arbitrage fiscal, qui ne pourra être utilisé qu'une fois la procédure administrative terminée. Un tel arbitrage est bienvenu dans la pratique, car aujourd'hui, dans certaines cours d'appel (chambre fiscale), il faut attendre jusqu'à 10 ans avant de plaider.

La politique de sanction lors des contrôles serait modifiée, tant pour les impôts directs que pour les impôts indirects ; les premières erreurs de bonne foi ne donneraient plus lieu à une sanction automatique , mais le contribuable ne recevrait qu’un avertissement. L'interdiction actuelle de déduction à l'impôt des sociétés ne s'appliquerait qu'aux infractions répétées entraînant une augmentation de l'impôt d'au moins 10 %. Ceci est conforme à la jurisprudence récente de la Cour constitutionnelle (novembre 2024). Toutefois, la possibilité d’imputer cette base imposable additionnelle serait limitée aux pertes de l’exercice (et non avec les pertes reportées).

L'accès au point de contact central des comptes et les contrats financiers (PCC) sera assoupli. Les autorités fiscales pourront, en cas d'indices suffisants et précis de fraude ou de déficit indiciaire et après autorisation d'un fonctionnaire ayant rang de conseiller général, consulter directement le PCC. Ce faisant, le droit à la vie privée et les droits de la défense seront préservés et l'administration fiscale en informera le contribuable dans un délai d'un mois. En outre, les comptes crypto devront être notifiés et les données financières d'origine étrangère que les autorités fiscales reçoivent déjà automatiquement seront également incluses dans le PCC, ainsi que les comptes de joueurs de jeux d'argent en ligne de plus de 10 000 euros. Ce faisant, un cadre juridique serait fourni pour l'utilisation des données du PCC dans le contexte de l'exploration anonyme de données à des fins de data mining.

Lorsqu'un contribuable fait « délibérément » obstacle à une visite fiscale, les autorités fiscales pourront désormais taxer un bénéfice imposable minimum tel que prévu à l'article 342, §1 du CIR92. Ce mode de taxation remplacera le régime de l'astreinte. Rappelons que l'astreinte ne peut être imposée qu'après l'intervention d'un juge, siégeant « comme en référé », alors que le bénéfice minimum imposable peut être utilisé comme moyen de pression unilatéral par l'administration fiscale. Il n'y a pas de recours judiciaire immédiat contre cela ; après tout, il faut d'abord épuiser une phase de réclamation qui prend du temps, tandis qu'entre-temps, des mesures conservatoires peuvent être prises pour sauvegarder le recouvrement de la taxation contestée. Qu'en est-il de l'égalité des armes et de l'interdiction de l'arbitraire ?

Une nouvelle charte du contribuable sera rédigée pour « rétablir la relation entre les contribuables et le fisc ». Entre autres, le droit à un contact direct et personnel entre le contribuable et le fisc sera rétabli.

Enfin, le principe de confiance et la doctrine Antigone (excluant les preuves obtenues illégalement) seront inscrits dans la loi. En ce qui concerne le principe de confiance légitime, il sera (enfin) précisé que les contribuables ne peuvent être sanctionnés pour avoir poursuivi une pratique précédemment vérifiée, à condition que la loi applicable soit restée inchangée.

Lutte contre les share deals et les sociétés immobilières

L'accord de gouvernement indique que le gouvernement aidera les Régions, si elles souhaitent lutter contre les share deals concernant les sociétés immobilières (dans ce cas, aucun droit de vente n'est dû).

Cet énoncé soulève de nombreuses questions. Comme le texte lui-même l’indique, les droits d’enregistrement relèvent de la compétence des Régions. La question est de savoir pourquoi le gouvernement estime que de telles transactions devraient être combattues : la grande majorité des sociétés immobilières et les transactions qui les concernent répondent à des motifs économiques et financiers justifiant le choix d’un share deal, ce qui est régulièrement confirmé par les cours et tribunaux.

En outre, comme cela a été à de nombreuses reprises confirmés par les cours et tribunaux, le législateur n'a jamais eu l'intention de prélever des droits d’enregistrement sur la vente de sociétés immobilières et l’administration fiscale dispose des outils pour lutter contre les transactions abusives en appliquant la disposition anti-abus générale contenue dans le code des droits d’enregistrement.

Régularisation (para)fiscale permanente (« DLU Quinquies »)

L'accord de gouvernement prévoit l'élaboration d'une nouvelle régularisation (para)fiscale permanente plus stricte avec une augmentation des taux à 30% pour le capital non prescrit fiscalement et à 45% pour le capital prescrit fiscalement, en concertation avec les Régions. Une exception est prévue pour les contribuables pouvant prouver leur bonne foi.

On peut donc s'attendre à une DLU Quinquies (mais qui serait permanente et non plus « unique ») avec à nouveau un volet régional pour les droits de succession. En soi, c'est une bonne chose et une réponse claire à l'appel de la pratique. L'exception prévue pour la bonne foi suscite de grandes attentes, par exemple pour les héritiers.

Modifications en matière de TVA

Les principales mesures en matière de TVA semblent être les suivantes :

  • Le taux de TVA réduit de 6% pour la démolition et la reconstruction sera réintroduit pour les livraisons de logements construits après la démolition d'un bâtiment existant. Les conditions sociales qui étaient auparavant liées à cette mesure temporaire restent en vigueur. Spécifiquement pour les livraisons, le critère de surface passera de 200 m² à 175 m². Une augmentation du taux à 9% n'est pour l'instant plus envisagée.
  • - Une définition claire sera élaborée concernant la rénovation et la reconstruction. Le gouvernement examine comment une condition de durabilité pourrait être introduite à terme, dans le cadre de la réglementation européenne à venir et sans augmenter les charges administratives.
  • À partir de 2028, un système de "reporting en temps réel" serait mis en place pour les transactions entre assujettis à la TVA et les transactions utilisant un Système de Caisse Enregistreuse (SCE). Les caisses enregistreuses et les systèmes de paiement et de facturation seraient connectés à l'administration et transmettraient automatiquement les données de TVA. L'obligation d'envoyer des factures électroniques structurées pour les opérations locales dans un contexte B2B à partir du 1er janvier 2026 est déjà une préparation à la mesure prévue pour le 1er janvier 2028.
  • Plusieurs taux de TVA seront modifiés :
    • Le taux de TVA pour la livraison et l'installation de pompes à chaleur passera temporairement de 21% à 6% pour les cinq prochaines années.
    • La TVA pour la livraison et l'installation d'une chaudière à combustibles fossiles (gaz, mazout, etc.) sera augmentée de 6% à 21% dans le cadre d'une rénovation (pour les logements de plus de 10 ans).
    • La TVA sur le charbon passera de 12% à 21%.

Mesures pour attirer les investissements

L'un des objectifs de l'accord de coalition est de rendre la Belgique à nouveau attrayante pour les (nouveaux) investissements. Ainsi, il s'agirait de :

  • Rendre le régime-expat (dont la dénomination officielle est régime des contribuable “impatriés”) plus attrayant en augmentant la franchise d'impôt de 30 à 35 %, en supprimant le plafond de 90 000 euros et en abaissant la rémunération brute minimale de 75 000 à 70 000 euros ;
  • Assouplir le système de la “déduction des transferts intra-groupe" (sorte de régime de consolidation fiscale) en autorisant les participations directes et indirectes, en n'excluant plus les nouvelles sociétés et en autorisant la déduction des bénéfices provenant d’un transfert intragroupe au titre des RDT.
  • Les déductions pour investissement devraient être transférables sans limitation.

Augmentation du salaire net

Le montant de la quotité exemptée d'impôt serait augmenté pour tous les travailleurs et la contribution spéciale de sécurité sociale ne serait pas supprimée, contrairement aux textes précédents, mais réduite. Le bonus à l’emploi serait renforcé.

Suppression de certaines déductions, exceptions et exonérations fiscales

Certaines réductions fiscales disparaîtront, comme la réduction d'impôt dans le cadre des investissements dans les fonds de développement pour la microfinance, pour le personnel de maison, pour les frais d'adoption et pour l'assistance juridique mais aussi la réduction d'impôt pour les moins-values liées au partage total de l’avoir social d'une pricaf privée. De plus, la réduction d’impôt pour libéralités passera de 45% à 30% et l'exonération pour le personnel supplémentaire à bas salaire et pour le personnel supplémentaire pour l'exportation et l’assurance qualité intégrale disparaîtra.

Voitures de société électriques

Une période de transition plus longue sera prévue pour les voitures hybrides, avec un pourcentage de déduction maximal de 75% jusqu'à fin 2027. Ensuite, il diminuera à 65% en 2028 et à 57,5% en 2029 (simultanément à la diminution pour les voitures électriques). Ces taux de déduction s'appliqueront pendant toute la durée d'utilisation du véhicule par le même propriétaire/locataire. Les coûts de carburant des véhicules hybrides resteront déductibles à 50% jusqu'à fin 2027. Les coûts d’électricité des hybrides bénéficieront de la même déductibilité que ceux des modèles électriques. Une exception serait prévue pour cette déductibilité limitée pour certaines voitures hybrides à faibles émissions.

  1. Déduction pour investissement en recherche et développement – suppression de l'exigence d’attestation régionale

L'exigence d’une attestation régionale pour les investissements en R&D sera supprimée, ce que nous pouvons que saluer. Un accord sera également conclu entre l'administration fédérale compétente en matière de R&D et l'administration fiscale afin d'améliorer la coopération et d'assurer une plus grande sécurité juridique pour les contribuables. Il y aura également une possibilité pour les entreprises de se faire reconnaître comme centre de recherche, ce qui leur garantirait un cadre fiscal stable à long terme.

Déduction pour entrepreneurs indépendants (encore à préciser)

Une déduction spéciale pour les entrepreneurs indépendants serait prévue, permettant de déduire un certain pourcentage de la première tranche des bénéfices et revenus (après déduction des frais professionnels et des cotisations sociales). Ce pourcentage doit encore être déterminé et serait augmenté en 2029.

Provision de minimis de 2 000 euros pour les revenus occasionnels divers

En ce qui concerne les revenus divers occasionnels, par exemple la vente d’occasion, la sécurité juridique est renforcée en prévoyant une “disposition minimum de 2.000 EUR”. Cela signifierait que tout revenu occasionnel réalisé en dehors de l'activité professionnelle ne serait imposable que dans la mesure où il excède 2.000 euros. L'exonération en cas de gestion normale du patrimoine privé resterait inchangée.

Contribution des sociétés (sécurité sociale)

La contribution des sociétés sera ajustée en fonction du total du bilan afin de réduire la contribution des petites entreprises et d'augmenter celle des grandes entreprises. Cela semble s'appuyer sur la distinction actuelle de la contribution des sociétés entre les entreprises ayant un total de bilan de 858.605,72 EUR ou plus. N’oublions pas que ce dispositif avait été instauré en tant que mesure « exceptionnelle » en 1992.

Taxe numérique – au plus tard à partir de 2027

Conformément aux accords internationaux, une taxe numérique sera introduite pour imposer les grandes multinationales du numérique même sans présence physique en Belgique. Si aucun accord n'est trouvé au niveau européen ou international, la Belgique élaborera unilatéralement une taxe numérique au plus tard à partir de 2027.

Taxe annuelle sur les comptes-titres, contribution des banques inchangées, fiscalité immobilière fédérale supprimée

Le taux de la taxe annuelle sur les comptes-titres de 0,15% reste inchangé et ne passera pas à 0,25%, contrairement aux projets précédents. Il sera toutefois examiné comment les situations d'abus peuvent être traitées.

Les contributions totales des banques restent au même niveau qu'en 2025, avec maintien de l'objectif de 1,8% pour le fonds de garantie.

Comme prévu, la déduction fédérale des intérêts pour les logements autres que la résidence principale sera supprimée.

Conclusion

Après plus de 7 mois et de nombreux projets de texte, il y a enfin un peu plus de clarté sur les mesures fiscales qui seront prises. Nous serons attentifs à la mise en œuvre technique dans les projets de texte attendus pour les prochaines semaines. Nous suivons cela de près et nos équipes restent à votre entière disposition pour toute question entretemps.

GERD D. GOYVAERTS

Partner
Bruxelles, Anvers

GRIET VANDEN ABEELE

Partner
Bruxelles

EMILIE VAN GOIDSENHOVEN

Partner
Bruxelles

VINCENT VERCAUTEREN

Partner
Anvers, Gand

STEIN DE MAEIJER

Partner
Bruxelles

AHMED EL JILALI

Partner
Bruxelles

QUENTIN MASURE

Partner
Bruxelles

GUILLAUME DELFOSSE

Counsel
Bruxelles

ELIEN VAN MALDER

Senior Associate
Bruxelles


Mots clés

Articles recommandés