Amende fiscale pour non déclaration d’une construction juridique : la Cour constitutionnelle confirme son caractère inconstitutionnel

L’article 445 §2 du Code des impôts sur les revenus prévoit qu’une amende de 6.250 € est prévue pour l’absence de déclaration par le contribuable d’une construction juridique dans sa déclaration annuelle à l’impôt des personnes physiques.

L’amende précitée est appliquée par année et par construction juridique non mentionnée.

L’administration fiscale, aidée par les mécanismes d’échanges d’informations, a adressé plusieurs amendes à partir des années de revenus 2015.

Le mécanisme de rectification est relativement aisé pour l’administration fiscale : l’amende est due par le simple fait de ne pas avoir déclaré la construction juridique.

L’amende étant due par construction juridique non mentionnée et par année, les conséquences financières pour le contribuable peuvent vite s’avérer importantes.

Or, les réalités des contribuables peuvent varier : il n’est pas rare en effet de se trouver confronter à cette amende pour un simple oubli.

La Cour constitutionnelle, saisie par le Tribunal de première instance du Luxembourg, division Marche-en-Famenne, s’est prononcée sur la constitutionnalité de cet article 445 §2 CIR/92 par arrêt rendu ce 14 octobre 2021 (arrêt 143/2021).

Dans le cas d’espèce, le contribuable est sanctionné d’une amende pour ne pas avoir respecté l’obligation de déclarer une construction juridique dans sa déclaration annuelle à l’impôt des personnes physiques et reproche à l’administration fiscale et aux tribunaux de ne disposer d’aucun pouvoir de réduction de l’amende, et notamment l’application d’un sursis.

Le juge fiscal constate qu’aucune disposition ne l’autorise en effet à accorder au contribuable le bénéfice du sursis et il décide dès lors de poser une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle.

La Cour va faire le constat du caractère inconstitutionnel de cet article.

Dans un premier temps, la Cour constate que les amendes administratives prévues par l’article 445 du CIR 1992 ont donc un caractère répressif et sont dès lors pénales au sens de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Pourtant, à la différence de la personne poursuivie devant le Tribunal correctionnel, le contribuable qui exerce un recours devant le Tribunal fiscal contre la décision lui infligeant une amende fiscale ne peut bénéficier du sursis, lequel ne peut être ordonné que par une juridiction pénale.

La Cour admet qu’il appartient certes au législateur d’apprécier s’il est souhaitable de contraindre le juge à la sévérité quand une infraction nuit particulièrement à l’intérêt général ; en la matière concernée, la Cour relève en effet l’existence d’une fraude importante.

La Cour mentionne ensuite que le sursis à l’exécution des peines a pour objectif de réduire les inconvénients inhérents à l’exécution des peines et de ne pas compromettre la réinsertion du condamné.

Elle concède aussi que sans doute le régime de l’amende fiscale en cause peut différer de celui des sanctions pénales prévu par le CIR 1992 ou de celui des sanctions administratives prévues en d’autres matières.

S’il est vrai que de telles différences peuvent être pertinentes pour justifier l’application de règles spécifiques dans certains domaines, la Cour constate toutefois qu’elles ne le sont pas dans le cas de l’article 445 §2 CIR/92 : en effet, qu’il soit accordé par le tribunal correctionnel ou par une autre juridiction, telle que le tribunal civil, le sursis peut inciter le condamné à s’amender, par la menace d’exécuter, s’il venait à récidiver, la condamnation au paiement d’une amende.

La Cour considère cependant qu’il appartient au législateur de déterminer en la matière les conditions auxquelles un sursis, de même éventuellement qu’un sursis probatoire, peut être ordonné et de fixer les conditions et la procédure de son retrait.

La Cour constitutionnelle conclut que l’article 445 du CIR 1992 n’est pas compatible avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution en ce qu’il ne permet pas au tribunal fiscal d’accorder le bénéfice du sursis au contrevenant.

La Cour poursuit en examinant les conséquences de ce constat d’inconstitutionnalité dans l’attente d’une intervention du législateur.

Selon elle, ce constat d’inconstitutionnalité n’a pas pour conséquence que cette disposition ne pourrait plus, dans l’attente de cette intervention législative, être appliquée par les juridictions lorsque celles-ci constatent :

1° que les infractions sont établies ;

2° que le montant de l’amende n’est pas disproportionné à la gravité de l’infraction et

3° qu’il n’y aurait pas eu lieu d’accorder un sursis même si cette mesure avait été prévue par la loi.

En pratique, cette jurisprudence pourra être utilisée par des contribuables à même de justifier d’un amendement (comme par exemple démontrer que les constructions juridiques ont été déclarées les années suivantes ou qu’elles ont été liquidées, etc).

Mais, comme devant le Tribunal correctionnel, tout le monde ne peut pas solliciter avec succès la mesure d’un sursis.

Le Cabinet LENOIR&ASSOCIES suit quotidiennement l’actualité des nouvelles mesures prises et appliquées par les autorités et est régulièrement en contact avec l’administration fiscale. En cas de question, n’hésitez pas à contacter notre équipe à l’adresse info@avocatslenoir.com.

Source : Lenoir & Associés - Avocats, actualités, 18 novembre 2021

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