La question posée à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) dans l’affaire Italmoda c. Pays-Bas (arrêt du 16 octobre 2025) était simple, mais fondamentale :
le refus d’une exonération ou d’une déduction en matière de TVA constitue-t-il une sanction pénale déguisée, prohibée par l’article 7 de la CEDH (« nul ne peut être puni sans loi ») ?
La réponse est non. Selon la Cour, le refus d’un avantage fiscal en cas de fraude n’est pas une peine, mais une conséquence inhérente au système de la TVA.
La société néerlandaise Italmoda réalisait des livraisons intracommunautaires à taux zéro.
Les autorités fiscales ont refusé l’application du taux de 0 % et du droit à déduction, estimant que l’entreprise avait participé — sciemment ou non — à un carrousel de fraude à la TVA.
Les contribuables ont soutenu que cette mesure, non expressément prévue par la loi nationale, constituait une sanction pénale sans base légale, contraire à l’article 7 CEDH.
La Cour rejette cet argument. Elle estime que :
« Le refus des droits à déduction ou à exonération est inhérent au système de la TVA. Il ne punit pas : il rétablit la légalité. »
En d’autres termes, la correction opérée par l’administration ne vise pas à sanctionner mais à neutraliser une distorsion, en empêchant qu’une opération frauduleuse bénéficie d’un régime fiscal de faveur.
La CEDH s’aligne ainsi sur la jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne, notamment les affaires Italmoda (CJUE, 18 décembre 2014, C-131/13) et Bonik (CJUE, 6 décembre 2012, C-285/11), selon lesquelles le droit à déduction ou à exonération doit être refusé dès lors que le contribuable savait ou aurait dû savoir qu’il participait à une fraude.
Cet arrêt réaffirme une ligne de partage claire entre la correction fiscale et la répression pénale :
les autorités fiscales peuvent corriger une situation frauduleuse sans engager la responsabilité pénale du contribuable, tant que leur action vise à rétablir l’équilibre du système et non à punir.
L’arrêt Italmoda c. Pays-Bas confirme une jurisprudence désormais bien ancrée :
les mesures fiscales de rectification, même sévères, restent des instruments de neutralisation et non de punition.
Une précision bienvenue, à l’heure où les contrôles de TVA s’intensifient et où les frontières entre contentieux fiscal et pénal tendent parfois à se brouiller.