La présente circulaire commente l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 11.02.2021 relatif à la réduction d’impôt supplémentaire pour pensions quant à sa portée et à ses conséquences concrètes.
impôt sur les revenus ; calcul de l’impôt ; réduction d’impôt ; réduction supplémentaire pour pensions ; arrêt de la Cour constitutionnelle
SPF Finances, le 01.12.2021
Administration générale de la Fiscalité – Impôt des personnes physiques
1. La présente circulaire commente l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 11.02.2021 (1) relatif à la réduction d’impôt supplémentaire pour pensions telle que visée à l’article 154 du Code des impôts sur les revenus 1992 (CIR 92), tel qu’il était d’application pour l’exercice d’imposition 2016, quant à sa portée et à ses conséquences concrètes.
(1) Arrêt n° 20/2021.
2. Le contribuable concerné a perçu pour l’année de revenus 2015 (exercice d’imposition 2016), outre sa pension, un jeton de présence pour un montant total de 62,50 euros pour sa participation à la commission consultative communale d’aménagement du territoire et de mobilité de la commune où il réside.
3. En raison de ce jeton de présence de 62,50 euros, il perdrait un avantage fiscal de l’ordre de 500 euros. En effet, son ensemble de revenus nets ne se compose pas exclusivement de pensions ou de revenus de remplacement, de sorte qu'il n’a plus droit à la réduction supplémentaire pour pensions et revenus de remplacement.
4. La question préjudicielle (2) s’énonce comme suit : « L’article 154 du CIR 1992, requérant de ne percevoir que des revenus nets exclusivement composés de pensions ou de revenus de remplacement, viole-t-il les articles 10 et 11 de la constitution en ce qu’il instaure un traitement inégal qui n’est pas raisonnablement justifié entre un pensionné, uniquement parce qu’il perçoit, en plus de sa pension, ne fût-ce même qu’un euro de revenus autres que sa pension ou des revenus de remplacement et se voit exclu de manière inéquitable du bénéfice de cette mesure, et un pensionné qui ne perçoit que sa pension ou des revenus de remplacement et porte-t-il atteinte de manière disproportionnée à la capacité contributive d’un contribuable retraité en ce qu’il neutralise le faible revenu tiré d’une activité complémentaire et grève la pension de son bénéficiaire de manière excessive en lui refusant la réduction supplémentaire d’impôt, le soumettant ainsi à un impôt disproportionné alors que ses revenus de remplacement, qui constituent sa seule source substantielle de revenus, sont déjà limités ? ».
(2) Il s’agit ici de la deuxième question préjudicielle. La première question préjudicielle n’est pas commentée ici parce que la Cour constitutionnelle n’y voit aucune violation de la Constitution.
5. La Cour constitutionnelle dit pour droit que l’article 154, CIR 92, tel qu’il était d’application pour l’exercice d’imposition 2016 viole les articles 10 et 11 de la constitution en ce qu’il exclut de la règle de palier qu’il prévoit les contribuables dont la pension n’excède pas la limite fixée lorsqu’ils bénéficient, en sus, d’un revenu peu important.
6. La Cour constitutionnelle mentionne dans son arrêt ce qui suit : « La cour limite son examen de la disposition en cause à cette hypothèse. ».
7. Pris au sens strict, cet arrêt précise donc que l’article 154, CIR 92 viole les articles 10 et 11 uniquement dans les cas où le contribuable :
- a une pension inférieure au revenu de référence (3), et
- bénéficie en sus d’un revenu peu important qui ajouté à cette pension, est supérieur à ce revenu de référence.
(3) A savoir le montant maximum de l'allocation légale de chômage qui peut être attribuée après les douze premiers mois de chômage complet, non compris le complément d'ancienneté octroyé aux chômeurs âgés, tel que visé à l’article 154, § 2, alinéa 1er, 1°, CIR 92, tel qu’il était d’application pour l’exercice d’imposition 2016.
8. En effet, l'arrêt fait référence à l'exclusion de la règle de palier et cette règle de palier ne s'applique que lorsque ce revenu de référence est dépassé.
9. Compte tenu de la portée limitée de l'arrêt, il a été décidé de mettre en œuvre les conséquences de l'arrêt pour les cas dans lesquels :
- une pension est perçue ;
- combinée avec un autre revenu peu important qui n’est pas un revenu de remplacement.
10. Il est sans incidence que cette pension et ce revenu peu important dépassent ensemble le revenu de référence ou non.
11. Dans le contexte de l'arrêt, ce revenu peu important doit être un autre revenu que des allocations de chômage, des indemnités légales d'assurance en cas de maladie ou d'invalidité ou d’autres revenus de remplacement. En d'autres termes, dans le cas, par exemple, d'une pension avec une allocation de chômage peu importante, rien ne changera puisque c’est une situation qui ne constitue pas l'objet de l’arrêt.
12. La Cour constitutionnelle ne s'est pas prononcée notamment, sur la question de savoir si l'article 154, CIR 92, viole également les articles 10 et 11 de la constitution lorsque le contribuable a perçu, en plus de ses allocations de chômage, un revenu peu important, ou a perçu, en plus de ses indemnités légales d'assurance en cas de maladie ou d'invalidité ou de revenus de remplacement, un revenu peu important.
13. Étant donné que l'arrêt de la Cour constitutionnelle ne se penche pas là-dessus, il n'y a pas, au sens strict, de violation dans ces cas et à ce jour. Par conséquent, il n'existe aucune obligation légale d’entreprendre quelque chose à ce niveau.
14. La suppression de la violation en exécution de l’arrêt est nécessaire uniquement pour le passé. A partir de l’exercice d’imposition 2020, la réduction supplémentaire lorsque l’ensemble des revenus nets se compose exclusivement de pensions ou de revenus de remplacement a été supprimée.
15. Le montant de la réduction supplémentaire qui doit être accordée pour ramener à zéro l'impôt sur les pensions ou les revenus de remplacement égaux au revenu de référence, est désormais accordé comme une réduction additionnelle au niveau de la réduction ordinaire pour les pensions (4). De cette manière, la condition selon laquelle le revenu doit se composer exclusivement de pensions ou de revenus de remplacement pour obtenir une réduction d'impôt plus élevée est supprimée.
(4) Application des articles 147 à 153, CIR 92.
16. L'arrêt évoque un « revenu peu important » sans préciser davantage ce qu'il faut entendre par là. Par conséquent, la notion de « revenu peu important » fait l'objet d'une interprétation administrative.
17. Par « revenu peu important », on doit entendre : un autre revenu que des allocations de chômage, des indemnités légales d'assurance en cas de maladie ou d'invalidité ou d’autres revenus de remplacement, qui s’élève au maximum à 7,5 % de l’ensemble des revenu nets.
18. La hauteur de ce revenu peu important, à savoir maximum 7,5 % de l’ensemble des revenus nets, a été déterminée dans le contexte de l’arrêt comme suit :
- Dans son arrêt, la Cour constitutionnelle fait spécifiquement référence à la règle de palier de la réduction supplémentaire pour les pensions. Par conséquent, la hauteur de ce revenu peu important est déterminée comme le rapport en pourcentage entre :
* d’une part la différence entre le plafond de cette règle de palier et le revenu de référence ;
* et d’autre part ce plafond.
- Etant donné que l’arrêt porte sur l’exercice d'imposition 2016, le revenu de référence et le plafond de cet exercice d'imposition sont pris comme point de départ, à savoir 15.518,54 euros comme revenu de référence et 16.744,02 euros comme plafond de la règle de palier (5).
(5) Au-delà de cette limite, aucune réduction d'impôt supplémentaire (dégressive) n'est plus accordée.
- Cela signifie concrètement que le revenu peu important (revenu net) peut s’élever au maximum à 7,32 % de l’ensemble des revenus nets, à savoir : (16.744,02 – 15.518,54) / 16.744,02 x 100. Ce montant est ensuite arrondi à 7,5 %.
- Ce rapport en pourcentage pourrait également être déterminé par exercice d’imposition. Pour l’exercice d’imposition 2019, ce rapport en pourcentage ne s’élèverait alors qu’à 4,56 %. Etant donné qu’il y a une grande différence avec le rapport calculé pour l’exercice d’imposition 2016, il a été décidé de fixer le rapport sur le pourcentage calculé pour l’exercice d’imposition 2016, à savoir l’exercice d’imposition sur lequel porte l’arrêt.
19. Pour les cas dans lesquels :
- une pension est perçue ;
- combinée avec un autre revenu peu important qui n’est pas un revenu de remplacement (6),
l'administration procédera elle-même à un dégrèvement automatique centralisé (7). Les contribuables concernés ne doivent donc pas prendre eux-mêmes l'initiative d’introduire une demande de dégrèvement d’office.
(6) Comme déjà précisé ci-avant, dans le contexte de l'arrêt, ce revenu peu important doit être un autre revenu que des allocations de chômage, des indemnités légales d'assurance en cas de maladie ou d'invalidité ou d’autres revenus de remplacement.
(7) Application de l'article 376, CIR 92 - Un arrêt de la Cour constitutionnelle doit être considéré comme un élément nouveau tel que visé l'article 376, § 1er, CIR 92 ; Cour constitutionnelle, 08.11.2006, n° 160/2006.
20. Les impositions qui entrent en considération pour un dégrèvement sont ceux qui ont été enrôlées pendant l’année civile 2017 et les suivantes (8).
(8) Et dans tous les cas limitées à l’exercice d'imposition 2019 (voir n° 14 et 15).
21. Ce dégrèvement automatique centralisé sera mis en œuvre à partir du premier trimestre de 2022.
22. Le dégrèvement s’effectuera sur base du calcul suivant :
- Si l’ensemble des revenus nets se compose de pensions et d’un revenu peu important (9), il sera procédé à un calcul fictif dans lequel ce revenu peu important est censé être une pension, pour laquelle, par conséquent, les articles 147 à 154, CIR 92 seront appliqués. Si la pension et le revenu peu important dépassent ensemble le plafond de la règle de palier pour pensions et revenus de remplacement, telle que visée à l’article 154, CIR 92 (10), aucune réduction d’impôt supplémentaire (dégressive) ne sera plus accordée.
(9) Comme déjà expliqué ci-avant, ce revenu peu important doit être un autre revenu que des allocations de chômage, des indemnités légales d'assurance en cas de maladie ou d'invalidité ou d’autres revenus de remplacement et ne peut excéder 7,5 % de l’ensemble des revenus nets.
(10) Pour l’exercice d’imposition 2016 : 16.744,02 euros ; pour l’exercice d’imposition 2017 : 16.619,15 euros ; pour l’exercice d’imposition 2018 : 16.688,35 euros ; pour l’exercice d’imposition 2019 : 16.362,82 euros.
- La réduction supplémentaire résultant de ce calcul fictif est ensuite multipliée par le rapport entre le montant net des pensions et l’ensemble des revenus nets.
- Ce montant est ensuite appliqué comme une réduction supplémentaire dans le calcul de l'impôt effectif et, le cas échéant, est limité à l'impôt sur les pensions qui subsiste après application des articles 147 à 153, CIR 92.