Circulaire 2021/C/2 relative à l’art. 8 du Code des droits de succession et à la taxation applicable selon divers types de contrat d’assurance-vie

L' Administration générale de la Documentation patrimoniale a publié ce 07/01/2021 la Circulaire 2021/C/2 relative à l’art. 8 du Code des droits de succession et à la taxation applicable selon divers types de contrat d’assurance-vie..


Commentaires administratifs relatifs à l’article 8 du Code des droits de succession et à la taxation à opérer en fonction de la structure du contrat d’assurance vie concernant un défunt, ce dernier pouvant y intervenir à titre de preneur et/ou assuré et/ou bénéficiaire, tant dans les cas où le défunt est un conjoint marié sous un régime de communauté que dans les cas où le défunt n’est pas marié ou marié sous un régime de séparation de biens


TABLE DES MATIÈRES

1. Introduction

2. Nouvelle approche méthodologique

2.1. Choix de l’onglet concerné

2.2. Structure d’un contrat d’assurance-vie

2.3. Type de contrat d’assurance-vie

2.4. Détermination de la taxation à appliquer

3. Thématiques

3.1. Valeur de rachat

3.2. Révision de la perception opérée suite au décès du légataire fictif avant l’échéance du contrat

3.3. Restitution des droits de succession perçus lors du premier décès suite à l’absence de rachat du contrat par le conjoint survivant

3.4. Neutralisation fiscale de la récompense

3.5. Légataire fictif en cas d’application de l’article 8, alinéa 4 C. succ.

3.6. Cession par le preneur de ses droits dans le contrat

4. Considérations finales

5. Application dans le temps

Annexe : tableau (ATTENTION : lecteur externe au SPF Finances : ouvrir les 2 ANNEXES sous format PDF dans la colonne de droite, sous DOCUMENTS CONNEXES)


1. INTRODUCTION

Vu les changements législatifs intervenus et entrés en vigueur depuis la parution en 2006 de la dernière circulaire traitant de l’article 8 C. succ. (Circulaire n° 16/2006), notamment la Loi du 4 avril 2014 relative aux assurances et la Loi du 22 juillet 2018 modifiant le Code civil et diverses autres dispositions en matière de droit des régimes matrimoniaux et modifiant la loi du 31 juillet 2017 modifiant le Code civil en ce qui concerne les successions et les libéralités et modifiant diverses autres dispositions en cette matière, l’Administration a été amenée à réexaminer la problématique des assurances-vie et leur taxation en application de l’article 8 C. succ.

De cet examen, il ressort que les bases sur lesquelles la Circulaire n° 16/2006 fondait la taxation ne peuvent plus être appliquées et que l’Administration devait donc procéder à la modification de cette circulaire.

La présente circulaire a pour but de remplacer entièrement la Circulaire n° 16/2006 et même d’élargir son champ d’application en précisant la taxation applicable en vertu de l’article 8 C. succ., non seulement pour ce qui concerne les contrats d’assurance-vie entre époux mariés sous un régime de communauté de biens mais également pour les contrats souscrits par un époux marié sous régime de séparation de biens ou par une personne non mariée.


2. NOUVELLE APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE

La présente circulaire adopte une nouvelle approche innovante : le lecteur est ainsi reporté vers le tableau en annexe (1) qui fournit, en fonction de la structure du contrat d’assurance-vie, la taxation à appliquer dans la grande majorité des cas se rencontrant dans la pratique actuelle des assurances.

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Note :

(1) ATTENTION : lecteur externe au SPF Finances : ouvrir les 2 ANNEXES sous format PDF dans la colonne de droite, sous DOCUMENTS CONNEXES.


2.1. Choix de l’onglet concerné

Ce tableau se présente sous la forme d’un fichier Excel comportant deux onglets : le premier applicable à tout défunt qui n’est pas marié sous un régime de communauté (donc également à un défunt marié sous un régime de séparation de biens), le second applicable à tout défunt marié sous un régime de communauté.

La raison de cette distinction est la suivante : lorsqu’un défunt est marié sous un régime de communauté, l’alinéa 4 de l’article 8 C. succ. devient en effet applicable et peut engendrer une taxation particulière à ce cas de figure bien précis.

Si deux époux ont adjoint une société d’acquêts accessoire à leur régime de séparation de biens, la société d’acquêts est assimilée à une communauté ; le contrat d’assurance-vie est présumé faire partie de cette société d’acquêts, sauf preuve contraire : c’est donc l’onglet « Défunt commun en biens » qui devra être choisi pour établir la taxation.


2.2. Structure d’un contrat d’assurance-vie

Afin de déterminer la taxation à appliquer, la première étape consiste à déterminer la structure du contrat d’assurance-vie.

La structure d’un contrat d’assurance-vie se compose des éléments suivants :

1) le preneur : il s’agit de la (des) personne(s) qui a (ont) souscrit le contrat d’assurance-vie et qui possède(nt) un certain nombre de droits sur ce contrat (rachat et réduction, attribution bénéficiaire, révocation du bénéfice, avance sur les prestations assurées par le contrat, mise en gage des droits résultant du contrat, cession des droits résultant du contrat et remise en vigueur du contrat) ;

2) l’assuré : il s’agit de la personne sur la tête de laquelle repose le risque de survenance de l’événement assuré, c’est-à-dire la personne dont le décès déclenchera le paiement de la prestation prévue par le contrat ;

3) le(s) bénéficiaire(s) : la (les) personne(s) en faveur de laquelle (desquelles) est stipulée la prestation d’assurance ;

4) éventuellement le(s) bénéficiaire(s) secondaire(s) : personne(s) appelée(s) à recevoir la prestation d’assurance en cas de prédécès du (des) bénéficiaire(s) avant l’exigibilité de cette prestation.

Un contrat d’assurance-vie peut ainsi être schématisé par sa structure qui se présentera par une suite de trois éléments (quatre si un bénéficiaire secondaire est désigné) : par exemple, A-B-C où A est le preneur, B l’assuré et C le bénéficiaire ou B-A-C-D où B est le preneur, A l’assuré, C le bénéficiaire et D le bénéficiaire secondaire.

Lorsque, lors du calcul des droits de succession à payer sur une déclaration déposée, le gestionnaire de dossier est confronté à un contrat d’assurance-vie, il doit donc tout d’abord déterminer la structure de ce contrat en identifiant quels en sont les preneur, assuré, bénéficiaire et, le cas échéant, bénéficiaire secondaire.

Pour pouvoir utiliser le tableau de manière adéquate, le défunt est obligatoirement désigné par la lettre « A » dans la structure du contrat.

Si le défunt est marié sous un régime de communauté, le conjoint survivant sera obligatoirement désigné par la lettre B. Ce postulat permet en effet de retrouver dans la tableau la taxation à appliquer en fonction du positionnement du défunt (et le cas échéant de son conjoint) dans la structure du contrat.

Si le défunt est marié sous un régime de séparation de biens, le conjoint survivant doit être considéré comme un tiers puisque son patrimoine est distinct de celui du défunt et sera donc, selon le cas (voir explication ci-après), désigné par B1 ou B2 selon que le contrat d’assurance-vie implique un ou deux tiers.

Si le défunt n’est pas marié, toute autre personne est considérée comme un tiers puisque son patrimoine est distinct de celui du défunt et sera donc également, selon le cas (voir explication ci-après), désignée par B1 ou B2 selon que le contrat d’assurance-vie implique un ou deux tiers.

Dans ces deux derniers cas, pour pouvoir utiliser le tableau de manière adéquate, il faut toujours placer B1 avant B2 dans la structure du contrat afin de retrouver la taxation à appliquer. En présence d’un contrat impliquant trois personnes différentes, à savoir le défunt et deux tiers, la structure sera ainsi, par exemple, obligatoirement A-B1-B2 (et non A-B2-B1) ou B1-A-B2 (et non B2-A-B1).

Chaque onglet commence par rappeler (cf. cases sur fond vert) les lettres à utiliser pour déterminer la structure du contrat. Ainsi, par exemple :

  • si le défunt, marié sous un régime de communauté, est la tête assurée, le conjoint survivant le preneur et leur enfant le bénéficiaire, la structure du contrat sera la suivante : B-A-C ;
  • si le défunt, marié sous un régime de séparation de biens, est la tête assurée, le conjoint survivant le preneur et leur enfant le bénéficiaire, la structure du contrat sera la suivante : B1-A-B2 où B1 désigne le conjoint survivant et B2 l’enfant.
2.3. Type de contrat d’assurance-vie

Ensuite, il convient de déterminer le type de contrat : cela consiste à examiner si le contrat est un contrat d’assurance-vie pure (c’est-à-dire où seul le risque décès est assuré : le décès de la tête assurée déclenchera le paiement de la prestation par la compagnie) ou s’il présente une des trois particularités suivantes :

  • il s’agit d’un contrat d’assurance-vie mixte, c’est-à-dire un contrat assurant à la fois le risque vie et le risque décès : un tel contrat prévoit ainsi des prestations en cas de décès de l'assuré avant l'échéance (risque décès) ou en cas de vie de l'assuré à cette date (risque vie). Les assurances-vie des branches 21 (assurance placement à rendement garanti) ou 23 (assurance placement liée à un fonds d'investissement sans garantie de rendement) constituent de tels contrats ;
  • il s’agit d’un contrat « double preneur », c’est-à-dire souscrit par deux personnes, et/ou « double tête assurée », c’est-à-dire où deux personnes sont désignées en tant qu’assuré, la prestation étant alors payée par la compagnie lors du décès de l’assuré survivant. Un contrat peut ne présenter qu’une seule de ces deux caractéristiques ou les deux ;
  • le contrat prévoit une cession par le preneur de ses droits à toute personne désignée à cet effet comme le lui permettent les articles 183 et 184 de la Loi du 4 avril 2014 relative aux assurances.

Il est à noter que si le décès du défunt concerné par la déclaration de la succession ne déclenche pas le paiement d’une prestation par la compagnie d’assurances, cela sera, dans la plupart des cas, dû au fait que le contrat présente une des trois particularités énumérées ci-avant.

Chaque onglet comporte en effet trois rubriques correspondant à chaque type de contrat :

  • assurance-vie pure ;
  • assurance-vie mixte ;
  • assurance-vie « double preneur » et/ou « double tête assurée ».
2.4. Détermination de la taxation à appliquer

Une fois déterminés le type et la structure du contrat, il suffit alors de rechercher dans l’onglet concerné la taxation applicable à ce contrat.

Le tableau ne fournit que la taxation à appliquer. Certaines taxations nécessitent toutefois quelques explications complémentaires qui font l’objet des points suivants.

Chaque point correspond à une thématique bien particulière qui se rencontre à plusieurs endroits du tableau. Ceux-ci seront désignés in fine de chaque point par le numéro de la case « Taxation » correspondante dans le tableau Excel (exemple : la case n ° D22 renvoie donc à la cellule situé à l’intersection de la colonne D et de la ligne 22 du tableau Excel).

Ces explications complémentaires peuvent notamment être utilisées afin de justifier la taxation opérée.


3. THÉMATIQUES
3.1. Valeur de rachat

Il est important d’insister sur le fait que l’objet de la taxation du legs fictif instauré par les alinéas 1, 2 et 4 de l’article 8 C. succ. sont « les sommes, rentes ou valeurs » qu’une personne est appelée à recevoir.

Il importe donc peu que la valeur de rachat d’un contrat d’assurance-vie soit qualifiée par le Code civil de propre à tel ou tel conjoint puisque cette valeur de rachat n’est pas l’objet du legs fictif.

La valeur de rachat d’un contrat d’assurance-vie ne peut être utilisée que comme une valeur de référence permettant de déterminer la base imposable, au jour du décès, du legs fictif, lorsque la somme que le légataire fictif est appelé à recevoir n’est pas immédiatement exigible au décès du défunt.

Les déclarants peuvent d’ailleurs, pour la détermination de la base imposable, s’écarter de la valeur de rachat du contrat d’assurance-vie s’ils peuvent démontrer que le contrat possède, au jour du décès, une autre valeur monétaire que celle qui découlerait de la valeur de référence que constitue la valeur de rachat.

Cette thématique se rencontre notamment dans les cases suivantes :

  • onglet « Défunt non commun en biens » : C14, D14, D54 et F54 ;
  • onglet « Défunt commun en biens » : C14, D14, C30, D30, C54, D54, C62, C79, C95, C111, C119, D127, E127 et G127.
3.2. Révision de la perception opérée suite au décès du légataire fictif avant l’échéance du contrat

L’article 8 C. succ. instaure une fiction de legs, non seulement lorsque les sommes, rentes ou valeurs sont payables au décès du défunt, mais également lorsqu’elles sont payables à une date postérieure au décès.

Tel est par exemple le cas lorsque A, défunt marié sous un régime de séparation de biens, a souscrit un contrat d’assurance-vie où B, son épouse survivante, est la tête assurée et leur unique fils, C, le bénéficiaire : ce dernier ne percevra la prestation prévue par le contrat qu’au décès de B.

Dans ce dernier cas, la taxation se fait cependant immédiatement, la somme que le légataire fictif est appelé à recevoir faisant l’objet d’une estimation au jour du décès (généralement à partir de la valeur de rachat du contrat au jour du décès).

Il est toutefois possible que ce légataire fictif (C) soit lui-même décédé avant l’échéance du contrat, ou en d’autres termes avant la liquidation du bénéfice du contrat.

NB : cette échéance étant, soit le décès de l’assuré dans le cas d’une assurance-vie pure, comme dans l’exemple ci-avant, soit la vie à la date prévue par le contrat en cas d’assurance-vie mixte.

Ce légataire fictif aura donc subi le droit de succession sur le montant de son legs alors qu’il n’aura au final reçu aucune somme en vertu du contrat. Le décès du légataire fictif avant l’échéance du contrat entraîne donc que son statut d’« appelé à recevoir » est devenu caduc : au jour du premier décès, il était certes « appelé à recevoir » mais son propre décès fait qu’au bout du compte, il n’obtiendra jamais rien en vertu du contrat.

Ce décès du légataire fictif avant l’échéance du contrat entraîne l’application de l’article 175 de la Loi du 4 avril 2014 relative aux assurances : « En cas de décès du bénéficiaire avant l'exigibilité des prestations d'assurance et même si le bénéficiaire en avait accepté le bénéfice, ces prestations sont dues au preneur d'assurance ou à la succession de celui-ci, à moins qu'il ait désigné un autre bénéficiaire à titre subsidiaire »). La taxation initiale du legs fictif doit être revue, cela entraînera une révision de la perception : le droit à l’exécution des prestations passe en effet au(x) bénéficiaire(s) secondaire(s) désigné(s) par le contrat (changement de dévolution et application de l’article 37, 3° C. succ.) ou, à défaut, à la succession du preneur (augmentation de la consistance de l’actif et application de l’article 37, 2° C. succ.).

Bien évidemment, si le légataire fictif survit jusqu'à l'exigibilité des prestations, la liquidation est définitive et la perception ne sera pas revue lorsqu’il recevra effectivement la somme qu’il était appelé à recevoir.

Il appartient donc, le cas échéant, aux parties de déposer la déclaration de succession complémentaire suite au changement dans la composition de l’actif ou dans la dévolution (cf. article 135, et C. succ.).

L’article 136 C. succ. (imputation des sommes à restituer dans le chef du légataire fictif décédé sur les sommes exigibles à charge du(des) bénéficiaire(s) secondaire(s) désigné(s) par le contrat ou de la succession du preneur) sera éventuellement appliqué à l’occasion de la révision de la perception.

Cette thématique se rencontre notamment dans les cases suivantes :

  • onglet « Défunt non commun en biens » : C14, D14, D54 et F54 ;
  • onglet « Défunt commun en biens » : C14, D14, C30, D30, C79, D127 et G127.
3.3. Restitution des droits de succession perçus lors du premier décès suite à l’absence de rachat du contrat par le conjoint survivant

L’application de la fiction légale de l’article 8, alinéa 4 C. succ. à l’occasion du premier décès parmi les conjoints peut entraîner des répercussions lors du décès de l’époux survivant si le contrat se poursuit jusqu’au terme prévu et n’est pas racheté totalement ou partiellement par le conjoint.

Examinons l’exemple suivant afin d’illustrer cette thématique :

  • Deux époux (M et F) sont mariés en communauté et n’ont aucun enfant. M souscrit un contrat d’assurance-vie (M-M-C) où M est preneur et tête assurée et C, neveu de M, bénéficiaire.
  • Dans le cas où F décède la première, il n’y a pas de prestation de la part de la Compagnie car c’est M qui est la tête assurée.

Il y a deux possibilités :

- Si, au décès de F, C n’a pas encore expressément accepté le bénéfice du contrat, l’article 178 de la Loi du 4 avril 2014 relative aux assurances autorise le preneur M à racheter (totalement ou partiellement) le contrat à sa guise : M doit donc être considéré comme étant « appelé à recevoir » étant donné que, seul preneur, il possède le droit de racheter le contrat et donc de percevoir « une somme » ; il sera donc, en vertu de l’article 8, alinéa 4 C. succ., considéré comme légataire fictif de cette somme à recevoir de la Compagnie pour la moitié (dans l’hypothèse où ce contrat a été financé par des fonds appartenant à la communauté). Le legs fictif aura comme base imposable l’estimation, au jour du décès, de cette somme à recevoir : cette estimation peut se faire, par exemple, en référence à la valeur de rachat ou « capital assuré » au jour du décès ;

- par contre, si, au décès de F, C a déjà expressément accepté le bénéfice du contrat comme prévu par les articles 186 et 187 de la Loi du 4 avril 2014, c’est lui qui est « appelé à recevoir », et non plus M : la fiction instaurée par l’article 8, alinéa 4 C. succ. ne peut donc plus être appliquée au décès de F. Dans ce cas, c’est l’article 8, alinéa 1 C. succ. qui devra simplement être appliqué lors du décès de M.

Il y a trois possibilités :

- soit M a racheté le contrat totalement,

- soit M n’a pas racheté le contrat,

- soit M a racheté le contrat partiellement.

Si M a racheté totalement le contrat, ce dernier n’existe plus lors de son décès et la Compagnie ne doit dès lors plus exécuter aucune prestation en faveur de C. La taxation de la moitié du contrat dans le chef de M lors du décès de F est par conséquent définitive : M a, par le rachat total du contrat, effectivement reçu la somme qu’il était « appelé à recevoir » et qui avait été financée à concurrence de la moitié par F.

Si M n’a pas racheté le contrat, il n’aura alors, au final, perçu aucune somme en vertu du contrat et la stipulation en faveur de C aura joué pleinement : C recevra ainsi, au décès de la tête assurée M, la prestation prévue par le contrat et sera imposé sur la totalité de cette prestation en application de l’article 8, alinéa 1er C. succ.. En l’absence de rachat de la part de M, il faut donc constater que son statut d’« appelé à recevoir » s’éteint rétroactivement : les héritiers de M ont alors le droit d’introduire une demande en restitution sur base d’une déclaration complémentaire pour diminution de la composition de la succession de F comme prescrit par l’article 135, 4° C. succ. Il ne saurait être question d’appliquer ici l’article 136 C. succ. car il s’agit de deux successions différentes : les droits sujets à restitution concernent la succession de F alors que les droits à percevoir en vertu de l’article 8, alinéa 1er C. succ. concernent la succession de M.

Si M a procédé au rachat partiel de son contrat, les deux principes exposés ci-avant s’appliquent mutuellement : d’une part, M a effectivement reçu la somme qu’il était « appelé à recevoir » et financée à hauteur de la moitié par F à concurrence de la part du contrat rachetée par lui et la taxation de cette part du contrat est par conséquent définitive ; d’autre part, C recevra, au décès de la tête assurée M, la prestation prévue par le contrat « résiduel » et sera imposé sur cette prestation en application de l’article 8, alinéa 1er C. succ.. Il appartient alors aux héritiers de M de déposer une déclaration complémentaire par laquelle ils sollicitent la restitution pour diminution de la composition de la succession de F (à concurrence de la partie du contrat non rachetée par M) comme prescrit par l’article 135, 4° C. succ. en indiquant précisément le fait donnant lieu à restitution.

Cette thématique se rencontre notamment dans les cases suivantes de l’onglet « Défunt commun en biens » : C54, D54, C62, C111, C119 et E127.


3.4. Neutralisation fiscale de la récompense

L’application de la fiction légale de l’article 8, alinéa 4 C. succ. à l’occasion du premier décès parmi des conjoints mariés sous un régime de communauté mais n’ayant pas d’enfant commun pourrait entraîner une double imposition suite au compte des reprises et des récompenses devant être, en ce cas, établi.

Reprenons le même exemple qu’au point précédent afin d’illustrer cette thématique :

  • Deux époux (M et F) sont mariés en communauté et n’ont aucun enfant. M souscrit un contrat d’assurance-vie (M-M-C) où M est preneur et tête assurée et C, neveu de M, bénéficiaire.
  • Dans le cas où F décède la première, il n’y a pas de prestation de la part de la Compagnie car c’est M qui est la tête assurée.
  • Si, au décès de F, C n’a pas encore expressément accepté le bénéfice du contrat, l’article 178 de la Loi du 4 avril 2014 relative aux assurances autorise le preneur M à racheter (totalement ou partiellement) le contrat à sa guise : M doit donc être considéré comme étant « appelé à recevoir » étant donné que, seul preneur, il possède le droit de racheter le contrat et donc de percevoir « une somme » ; il sera donc, en vertu de l’article 8, alinéa 4 C. succ., considéré comme légataire fictif de cette somme à recevoir de la Compagnie pour la moitié (dans l’hypothèse où ce contrat a été financé par des fonds appartenant à la communauté). Le legs fictif aura comme base imposable l’estimation, au jour du décès, de cette somme à recevoir : cette estimation peut se faire, par exemple, en référence à la valeur de rachat ou « capital assuré » au jour du décès.
  • Toutefois, vu que les époux n’ont aucun enfant, il y a lieu d’établir le compte des reprises et récompenses et M doit une récompense à la communauté du fait de la constitution d’un bien propre avec de l’argent appartenant au patrimoine commun (cf. article 1400, 6. C. civ. : « Sont propres, quel que soit le moment de l'acquisition et sauf récompense s'il y a lieu : (…) la valeur de rachat nette exigible, au moment de la dissolution du régime, liée à un contrat d'assurance sur la vie individuel qui a été conclu par un des époux pendant le régime, lorsque la prestation d'assurance n'est pas due à la dissolution du régime »). Afin d’éviter la double imposition due au fait que cette récompense fait également partie de l’actif du patrimoine commun devant être repris dans la déclaration de succession de F, il y a lieu de neutraliser fiscalement cette récompense en vertu du principe non bis in idem. Un même élément du patrimoine commun (les primes payées) ne peut en effet être à l’origine de deux taxations différentes : une première fois via l’application de la fiction légale de l’art. 8, al. 4 C. succ. (la somme que le conjoint survivant est appelé à recevoir et provenant de ces primes est imposée pour moitié) et une seconde fois via la récompense devant être portée à l’actif de la communauté (imposition de la moitié de la récompense provenant de ces mêmes primes et se retrouvant dans la succession de F après la liquidation de la communauté). L’application du principe non bis in idem conduit donc à devoir écarter la seconde taxation et à ne pas tenir compte de cette récompense lors de l’établissement du compte des reprises et récompenses devant être fiscalement déclaré.
  • Ce même principe non bis in idem sera d’application dans chaque hypothèse où la taxation à l’article 8, alinéa 4 C. succ. d’un contrat financé par des fonds appartenant à la communauté côtoie en parallèle une taxation sur base du compte des reprises et des récompenses, cette récompense devant être mentionnée à l’actif du patrimoine commun selon le droit civil. Dans ce cas, les déclarants peuvent se référer au présent point 3.4. afin de neutraliser cette récompense dans le compte des reprises et récompenses repris dans la déclaration de succession. Les déclarants seront invités à utiliser une formule telle que celle-ci : « récompense correspondant au montant déjà taxé à l’art. 8 C.succ., donc restant sans influence dans le compte Reprises et Récompenses, cfr Circ. du 07.01.2021, n° 2021/C/2, point 3.4 ».
3.5. Légataire fictif en cas d’application de l’article 8, alinéa 4 C. succ.

Les termes employés à l’article 8, alinéa 4 C. succ. sont sans équivoque : « Lorsque le défunt était marié sous un régime de communauté, les sommes, rentes ou valeurs que le conjoint est appelé à recevoir (…) sont considérées comme recueillies à titre de legs par le conjoint (…) ».

C’est donc bien le conjoint survivant qui doit être considéré comme seul légataire fictif et les droits de succession dus sur ce legs doivent être calculés uniquement dans son chef.

Cette thématique se rencontre notamment dans les cases suivantes de l’onglet « Défunt commun en biens » : D22, F22, C38, F38, G46, C54, D54, C62, C79, C87, C95, C103, C111, C119 et E127.


3.6. Cession par le preneur de ses droits dans le contrat

L’article 183 de la Loi du 4 avril 2014 relative aux assurances permet au preneur de céder en tout ou en partie les droits résultant du contrat d'assurance à toute personne désignée par lui. L’objet de la cession est ainsi tout ou partie des droits que le preneur détient contre la Compagnie de par l’existence du contrat ; le preneur cède en tant que créancier tous ses droits ; il s’agit par conséquent d’une cession de créance.

Cette cession doit, selon l’article 184 de cette même loi, respecter le formalisme prévu par cet article et peut donc s’effectuer de deux manières : par avenant signé par le preneur (cédant), le cessionnaire et l'assureur ou via une stipulation par le preneur d’assurance (cédant) directement dans le contrat qu'à son décès, tout ou partie de ses droits seront transmis à la personne désignée à cet effet (cessionnaire).

Quel est le mécanisme mis en place par une telle cession ?

Cette cession consiste pour le preneur à informer la Compagnie du transfert des droits résultant du contrat qu’il détient à l’égard de celle-ci à telle personne cessionnaire. Si ce transfert ne s’accompagne d’aucune contrepartie – ou d’une contrepartie insignifiante voire fictive - dans le chef du cessionnaire désigné par le preneur, cette cession se réalise donc à titre gratuit.

Dans la mesure où le formalisme imposé par l’article 184 de la Loi du 4 avril 2014 relative aux assurances s’écarte de la forme solennelle prévue pour les donations dans le code civil (acte notarié – article 931 du Code civil), l’avenant signé du vivant du preneur conformément à cet article 184 par lequel le preneur transfère à titre gratuit les droits résultant du contrat d’assurance au cessionnaire constitue une cession de créance à titre gratuit qui réalise une donation : cet avenant matérialise, une donation indirecte.

Nous renvoyons le lecteur vers l’article « La donation d’un contrat d’assurance ou du bénéfice d’un contrat d’assurance (aspects civils et fiscaux) » d’Emmanuel de WILDE d’ESTMAEL et Géraldine ROLIN JACQUEMYNS paru en 2018 dans le Recueil général de l’enregistrement et du notariat (Rec. gén. enr. not. 2018/2, n° 27.061, pages 55 à 58) quant à la question de la nécessité d’un acte notarié en plus de cet avenant, cette question dépassant le cadre de la présente circulaire. Cet article explique en effet qu’il existe une controverse sur la forme que doit prendre la donation d’un contrat d’assurance-vie (Acte notarié obligatoire ou simplement conseillé ? Avenant seul ? Avenant suivi d’un pacte adjoint ?) mais qu’il semble que la plupart des Compagnies d’assurances exigent un acte notarié, sous peine de refuser de signer l’avenant formellement prévu par l’article 184 de la Loi du 4 avril 2014 relative aux assurances.

La fiscalité liée à cette donation se réalisant par avenant (avec ou sans acte notarié et/ou pacte adjoint) du vivant du donateur (preneur – cédant) relève, quant à elle, des droits d’enregistrement ; à l’exception des avenants prévoyant qu’un tel transfert s’opère sous une condition suspensive explicite ou devant être interprétée comme se réalisant par la suite du décès du donateur (cf. page 59 du même article).

Une telle donation par avenant, tout comme celle résultant de la stipulation par le preneur (cédant) directement dans le contrat qu’à son décès tout ou partie de ses droits seront transmis à la personne désignée à cet effet (cessionnaire), doivent donc être soumises à l’article 4, 3° C. succ. (W & Bxl-Cap) : la personne désignée ne reçoit les droits résultant du contrat d’assurance que si elle survit au preneur. La cession à titre gratuit des droits du preneur ne se produit donc que si la condition suspensive de survie du cessionnaire se réalise.

Bien que dans la plupart des cas, la clause du contrat souscrit par le preneur stipule simplement qu’à son décès, ses droits seront transférés à telle personne, la preuve que cette cession se réalise à titre onéreux peut cependant toujours être rapportée par les parties, auquel cas la fiction de legs ne s’appliquera pas.

L’article 4, 3° C. succ. (Bxl-Cap.) comporte toutefois une particularité car il impose également, pour pouvoir faire application de la fiction de legs prévue par cette disposition, que le donateur ait été résident de la Région de Bruxelles-Capitale tant au moment de la donation qu’au moment de son décès.

Lorsque la succession est localisée dans la Région de Bruxelles-Capitale, le respect de cette condition supplémentaire devra donc être, le cas échéant, vérifié avant de pouvoir appliquer cet article 4, 3 ° C. succ. (Bxl-Cap.). Cette vérification n’a pas lieu d’être pour une succession localisée en Région wallonne, à défaut d’un texte similaire prévoyant cette condition de résidence du donateur. Pour les conditions d’applications de l’article 4, 3° C. succ. (Bxl-Cap.), il y a lieu de se référer à la Circulaire 4/2005 ainsi qu’au R.J. S 4, 3° BR/01-01.

Pour la Région wallonne, la Circulaire relative à l’application de l’article 4, 3° C. succ. W. est encore à paraître.

Cette thématique se rencontre notamment dans les cases suivantes :

  • onglet « Défunt non commun en biens » : C38, C54 et E54 ;
  • onglet « Défunt commun en biens » : C70, D70, C127 et F127.
4. CONSIDÉRATIONS FINALES

La présente circulaire abroge et remplace intégralement la Circulaire n° 16/2006.

Les décisions publiées au Répertoire R.J. sous les nos S 8/18-06 et S 8/33-02 sont abrogées par la publication de la présente circulaire.

Les contrats d’assurance-vie à terme fixe, c’est-à-dire où la prestation est à recevoir à une date future fixe déterminée par le preneur et ce indépendamment du décès d’une quelconque personne, sont désormais devenus beaucoup plus rare mais pourraient néanmoins encore se rencontrer, notamment auprès de certaines compagnies étrangères.

Ce type de contrat n’a, pour cette raison, pas été intégré dans le tableau Excel mais le gestionnaire de dossier confronté à un tel contrat d’assurance-vie dans le cadre de la liquidation d’une déclaration de succession pourra utilement se référer aux points 10.b) (dans le cas d’un défunt non commun en biens) et 13.2. (dans le cas d’un défunt marié sous un régime de communauté) de la Circulaire 3/1997 qui demeurent applicable.

Les autres points de cette Circulaire n° 3/1997 sont également abrogés par la publication de la présente circulaire, à l’exception du point 7. qui demeure applicable.


5. APPLICATION DANS LE TEMPS

La présente circulaire est applicable à tous les décès à partir du 1er septembre 2018.

Cette date correspond à l’entrée en vigueur de la Loi du 22 juillet 2018 modifiant le Code civil et diverses autres dispositions en matière de droit des régimes matrimoniaux et modifiant la loi du 31 juillet 2017 modifiant le Code civil en ce qui concerne les successions et les libéralités et modifiant diverses autres dispositions en cette matière, date à partir de laquelle les bases sur lesquelles la Circulaire n° 16/2006 fondait la taxation ne peuvent plus être appliquées.

Il est possible que, depuis cette date du 1er septembre 2018, dans certains dossiers de succession, des contrats d’assurance-vie entre époux communs en biens aient été mentionnés dans la déclaration de succession mais que la taxation soit toujours tenue en suspens suite à des discussions entre les déclarants et l’Administration. Il est également possible que dans d’autres dossiers, ce même type de contrat ait été omis dans des déclarations déjà déposées et que cette omission, bien que relevée par le bureau, doit toujours être réparée. Dans ces deux situations, le bureau Sécurité juridique invitera les déclarants à déposer et/ou à prendre connaissance de l’application de l’article 8, alinéa 4 C. succ. sur base d’une nouvelle liquidation où aucune amende ou intérêts de retard (jusqu’à cette nouvelle liquidation) ne seront cependant pas comptés : cette absence d’amende et d’intérêts de retard ne vaut donc que pour les dossiers non clôturés au niveau du bureau Sécurité juridique. Par dossier non clôturé, on entend les dossiers pour lesquels le receveur a, pour un contrat d’assurance-vie dont il avait connaissance via une liste 201, soit, averti les déclarants que la taxation était laissée en attente d’une décision de l’Administration, soit, réclamé le dépôt d’une déclaration complémentaire.


Source : Fisconetplus

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