Avant de recourir à des dispositifs procurant un avantage fiscal, il faut s'assurer de bien respecter toutes les règles du jeu, comme nous le rappelle un jugement récent.
Les produits d’assurance de la branche 23 sont prisés par les investisseurs particuliers à la faveur de l’exonération fiscale des produits de rachats. Il s’agit, en effet, d’un produit d’épargne plus intéressant qu’un produit bancaire classique dont les revenus mobiliers sont imposables au taux de 30%. Comme l’illustre un récent jugement du tribunal de première instance de Liège, il faut toutefois veiller à bien respecter tous les éléments constitutifs du contrat d’assurance-vie.
En espèce, un preneur d’assurance avait souscrit une assurance-vie en 2011 auprès d’une compagnie d’assurance belge (P.I.). Les primes avaient été payées en espèces. Le preneur avait désigné son courtier comme "gestionnaire" de la police, préalablement à la signature du contrat. Un mandat avait été octroyé au courtier, lui autorisant à effectuer les opérations d’arbitrage concernant les actifs sous-jacents au nom et pour le compte du preneur d’assurance.
Le preneur avait continué à gérer les investissements sous-jacents comme s'il en était resté propriétaire, en passant des ordres d'achats et de ventes via son courtier.
Le preneur d'assurance (le client) avait indûment bénéficié de l'exonération de précompte mobilier sur les rachats pendant des années.
En 2019, la compagnie d’assurance P.I. est rachetée par l’entreprise P&V. Comme l’a révélé L’Echo, P&V a pris connaissance, dans le cadre de la reprise de P.I., de risques fiscaux et pénaux, dont certains étaient rattachés à certains contrats d’assurance-vie conclus par P.I.
Afin de conjurer ces risques, P.I. (après sa reprise par P&V) a introduit spontanément une régularisation (DLU quater) et mis le prélèvement de régularisation à charge des preneurs des contrats "à risque". Certains preneurs s’en sont offusqués et ont cité P.I. en justice.
Dans un jugement du 16 janvier 2023, le tribunal de première instance de Liège (chambre civile) a balayé d’un revers de la main les arguments du preneur d’une police, estimant que la police litigieuse était "simulée". Aux yeux du magistrat, le preneur n'avait pas respecté toutes les conséquences liées à la conclusion d'un contrat d'assurance-vie, dès lors qu’il avait continué à prendre directement ou indirectement (via le courtier) les décisions de gestion en lien avec les actifs sous-jacents (fonds dédié).
Or, c'est l'assureur qui est propriétaire des actifs investis dans le fonds interne de la police et qui est responsable de la gestion des actifs. Le tribunal en a déduit que le preneur avait indûment bénéficié de l'exonération de précompte mobilier sur les rachats pendant des années, et qu’il devait supporter le coût de la régularisation des impôts qu’il avait éludés.
Pour éviter les ennuis avec le fisc, le souscripteur évitera donc de s’immiscer dans la gestion du fonds interne dédié.
À noter qu'ici, c'est la simulation qui a été retenue (cas de fraude fiscale), pas l'abus fiscal.Comme je l’ai exposé dans une précédente carte blanche, il ressort de plusieurs décisions anticipées que le fisc pourrait également dégainer l’arme de l’abus fiscal en présence d’une police d’assurance liée à un fonds dédié, en particulier lorsqu’il n’y a pas d’indépendance absolue entre le gestionnaire des actifs sous-jacents et le souscripteur de la police d’assurance (voir notamment la décision anticipée n°2021.0730 du 24 août 2021).
Pour éviter les ennuis avec le fisc, le souscripteur évitera donc de s’immiscer dans la gestion du fonds interne dédié. Rien n’empêche toutefois le gestionnaire de se concerter avec le souscripteur pour voir avec lui quels investissements correspondent le mieux à son profil d’investisseur.
Les contribuables peuvent parfaitement utiliser certains instruments procurant un avantage fiscal, d’autant plus lorsque l’avantage est prévu explicitement par la législation fiscale. Gare cependant à ce que l'instrument en question ne soit pas un simple paravent. Ceci vaut non seulement pour les contrats d’assurance-vie liés à des fonds dédiés, mais aussi, par exemple, pour d’autres outils de planification patrimoniale tels que l’utilisation d’une fondation privée belge (ou une fondation étrangère, un trust anglo-saxon…).