Clarification sur les modifications du Code de droit économique concernant les partenariats commerciaux

Arrêté Royal du 12/08/2024[1] complétant et précisant la liste des données énumérées à l’article X;28 §1 1°et 2° du Code de droit économique et établissant un modèle de compte d’exploitation prévisionnel type.

Rétroactes

On sait que depuis plusieurs années déjà, dans le cadre de la conclusion d’un partenariat commercial, le Code de Droit Économique (CDE) impose une obligation d’information à toute personne qui concède un droit de vendre des produits ou de commercialiser des services, que ce soit sous une enseigne commune, un nom commercial commun ou dans le cadre d’un transfert de savoir-faire, voire au travers d’une assistance commerciale ou technique.

L’article X.27 du CDE oblige, en effet, cette personne à fournir, au moins un mois avant la conclusion de l’accord de partenariat commercial :

  1. un projet de contrat, et
  2. un document d’information précontractuelle (ci-après, le « DIP ») contenant certaines informations sur la formule de commercialisation proposée.

La notion d’accord de partenariat commercial est définie à l’article I.11 2° du CDE. Les informations qui doivent être transmises dans le DIP sont, elles, mentionnées à l’article X.28 §1 du CDE.

En bref, sur un plan pratique, le DIP comprend deux parties :

  • La première partie résume les principales dispositions contractuelles, telles que les principales obligations contractuelles, les conséquences de la non-réalisation des obligations, les rémunérations, les éventuelles clauses de non-concurrence et la durée de l’accord[2].
  • La seconde doit contenir des données économiques minimales qui doivent permettre d’apprécier l’accord proposé. Il s’agit de données relatives à l’entreprise qui concède le droit, à la nature du droit et des activités concédées, aux comptes annuels de l’entreprise ainsi qu’à l’expérience de partenariat commercial et aux perspectives du marché[3].

En résumé, l’idée qui se cache derrière le DIP réside dans le fait que ce document doit contenir toutes les informations contractuelles importantes qui sont nécessaires pour apprécier correctement l’accord à conclure. Le but du DIP consiste à informer suffisamment le futur contractant en veillant à lui donner les informations nécessaires avant de prendre une décision précipitée. Il s’agit d’une obligation importante qui ne doit pas être sous-estimée ou prise à la légère pour la personne qui concède le droit de commercialisation car, en cas de non-respect des obligations, la sanction peut déboucher sur une nullité des accords avec toutes les conséquences que cela peut entraîner : annulation des contrats en cours, remboursement du montant des redevances payées, etc. Le risque doit être très sérieusement pris en considération dès lors que le contractant qui reçoit le droit de commercialiser a la possibilité, en cas de non-respect des obligations d’information, d’invoquer la nullité de l’ensemble de l’accord, et ce, pendant une période de deux ans à compter de sa conclusion !

Modifications apportées par la loi du 9/02/2024[4]

Le contenu des informations précontractuelles à communiquer avant la conclusion de tout partenariat commercial au sens de l’article I.11 2° du CDE a été adapté par l’article 29 de la « Loi du 9/02/2024 portant des dispositions diverses en matière d’économie » publiée au Moniteur du 21 mars 2024.

Au terme de cette disposition, l’article X.28 §1 1° du CDE portant sur la première partie du DIP a fait l’objet d’une réécriture complète pour reprendre en 15 points les « Dispositions contractuelles importantes [à communiquer], pour autant qu’elles soient prévues dans l’accord de partenariat commercial ».

Ce texte est entré en vigueur le 1er septembre 2024[5].

Les modifications apportées par cette loi sont donc d’application depuis quelques jours.

Modifications apportées par l’Arrêté Royal du 12 août 2024[6]

Comme on le constate et on le comprend, le régime modifié par la loi du 9/02/2024 est à peine entré en vigueur qu’il est déjà appelé à être modifié. En effet, le nouvel Arrêté Royal du 12 août 2024, publié au Moniteur belge du 11 septembre dernier, entend modifier la liste des données ou informations à communiquer dans le cadre d’un partenariat commercial (article X.28, § 1er, 1° et 2°, du CDE) en y ajoutant les informations complémentaires suivantes :

  1. Toutes « … informations relatives aux projets d’expansion de la personne qui octroie le droit connus par elle à ce moment dans la zone de chalandise ».
    À lire le Rapport au Roi qui précède l’Arrêté Royal, le but poursuivi par cet ajout est le suivant : la personne qui octroie un droit de commercialisation doit informer la personne qui reçoit le droit de commercialisation, des projets d’expansion de points de ventes qui seront développés dans la zone de chalandise où la personne qui reçoit le droit de commercialisation sera appelée à intervenir. La personne qui octroie le droit de commercialisation connaît, en effet, l’historique et l’état de la part de marché de son réseau d’un point de vue général et local, là où l’activité de la personne qui reçoit le droit va s’exercer. Elle doit donc en informer la personne qui reçoit le droit afin de lui permettre de réaliser un compte d’exploitation prévisionnel réaliste et donc de prendre une décision en toute connaissance de cause.
  2. Toutes « … demandes de permis d’exploitation ou d’autorisation d’implantation introduites auprès des autorités compétentes pour des points de vente totalement ou partiellement concurrents dans la zone de chalandise, si la réglementation le prévoit et pour autant que cette information soit disponible ».
    Si la personne qui octroie un droit de commercialisation doit informer la personne qui reçoit le droit des projets d’expansion de points de ventes envisagés dans la zone de chalandise, elle doit aussi informer cette dernière sur les projets d’expansion des concurrents dans la même zone de chalandise. Pour ce faire, la personne qui octroie le droit de commercialisation devra informer son cocontractant des demandes de permis d’exploitation ou d’autorisation d’implantation introduites auprès des autorités compétentes pour des points de vente totalement ou partiellement concurrents dans la zone de chalandise. En clair, le concédant devra interroger les autorités compétentes sur toutes demandes d’installation de la part de concurrents dans la zone de chalandise (!). Il est toutefois précisé dans le Rapport au Roi que « … s’il n’est pas possible d’obtenir les informations auprès des autorités compétentes, ce qui inclut les cas où l’information a été demandée à l’autorité mais où l’autorité a refusé ou n’a pas communiqué les informations, la personne qui octroie le droit ne pourra être considérée comme fautive ». Compte tenu de ces précisions, on ne peut que conclure qu’il est désormais plus que conseillé, pour la personne qui concède un droit de commercialisation, de se ménager la preuve de ces démarches et demandes auprès des autorités, voire de l’absence ou de refus de communiquer de telles informations.
  3. « … S’il est d’usage dans le réseau concerné par l’accord de procéder à des investissements à intervalles réguliers, l’information relative à ces investissements, en ce compris l’évaluation des montants à qui doivent être investis ».
    À lire le Rapport au Roi précédent l’Arrêté Royal, l’idée qui se cache derrière cette nouvelle exigence réside dans le fait qu’il n’est pas rare que pour certaines activités, il soit demandé à un exploitant d’une formule de partenariat commercial de rafraîchir après un certain temps et de manière régulière le point de vente qu’il entend exploiter. Il arrive, en effet, souvent que des travaux de mise à jour de la surface commerciale doivent être exécutés dans un réseau, tous les trois ou cinq ans, mais il est rare que le contrat de partenariat commercial en fasse mention. Aussi, l’idée sous-jacente est d’obliger la personne qui octroie le droit de commercialisation à communiquer à la personne qui reçoit le droit, toutes les informations sur des investissements auxquels il faudrait procéder à intervalles réguliers ainsi qu’une évaluation des montants qui devront être investis.
  4. « … Un compte d’exploitation prévisionnel type couvrant une période de trois ans minimums permettant à la personne qui reçoit le droit d’établir son compte d’exploitation, sur base du modèle figurant en annexe ».
    Cette nouvelle obligation réside dans le fait que la personne qui octroie un droit de commercialisation détient souvent des informations précieuses provenant d’activités antérieures exercées, soit par elle, soit par d’autres personnes (franchisés) qui ont déjà conclu un contrat de partenariat commercial. Il est dès lors considéré normal de faire profiter la personne qui va conclure un nouveau contrat de partenariat commercial de l’expérience d’autres personnes ayant conclu un contrat semblable. La personne qui octroie un droit de commercialisation devra donc toujours être capable de fournir un modèle de compte d’exploitation prévisionnel couvrant une période de trois ans minimums. Pour faciliter les choses, l’Arrêté Royal communique le modèle de base reproduit ci-après.
    L’idée de ce compte d’exploitation type est qu’il doit permettre à la personne qui va conclure un contrat de partenariat commercial d’établir son compte d’exploitation. Ceci étant, le Rapport au Roi qui précède l’Arrêté précise bien que la personne qui concède un droit de commercialisation et qui remet à son contractant un document servant de compte d’exploitation prévisionnel type n’est en aucun cas tenue d’une obligation de résultat quant au succès de l’exploitation confiée au partenaire commercial.
  5. Le DIP doit enfin être complété en indiquant quelles sont les exclusivités concédées, sachant qu’une exclusivité « …porte sur la vente de biens ou de services identiques ou similaires sous la même enseigne ou sous le même nom commercial par l’intermédiaire de points de vente situés dans la zone de chalandise de la personne qui reçoit le droit telle que définie par la personne qui octroie le droit ».
    Ici, l’idée consiste à forcer la personne qui concède un droit de commercialisation à préciser davantage quelles sont les exclusivités qu’elle se réserve quant à la formule de commercialisation octroyée. L’objectif visé est d’informer au mieux la personne qui reçoit le droit sur l’environnement concurrentiel dans lequel elle exercera ses activités ainsi que sur les exclusivités que se réserve la personne qui octroie le droit dans une zone proche de celle où la personne qui reçoit le droit exercera son activité. Dans le Rapport au Roi, il est précisé que cette obligation d’information vise la vente de biens ou de services identiques ou similaires, les mots « identiques ou similaires » permettant d’englober les biens et les services d’une même catégorie, d’une même enseigne, d’un même nom commercial, par l’intermédiaire d’implantations commerciales situées dans la zone de chalandise. Le Rapport au Roi précise par ailleurs qu’il appartient aux parties concernées par le partenariat commercial de définir elles-mêmes la zone de chalandise qui sera propre à l’activité confiée à la personne qui reçoit le droit de commercialisation.



Comme on le constate, même s’il n’est pas possible dans le cadre d’une note succincte de rentrer dans le détail de toutes les mesures proposées ainsi que de leurs portées précises, on comprend immédiatement que les obligations d’information reposant sur les personnes qui concèdent un droit de commercialisation dans le cadre d’un partenariat commercial, voient leurs obligations d’information s’alourdir. Il n’est donc pas du tout certain que ces modifications vont aller dans un sens de réductions des volumes de dossiers ou documents d’informations qui seront mis à disposition avant la signature de tout contrat. Bien au contraire…

Loi ou Arrêté Royal – plus qu’une question de méthodologie !

On peut s’interroger aussi sur la méthode utilisée pour adapter l’article X.28 §1 du CDE. Comme précisé ci-avant, les modifications apportées à l’article X.28 §1 ne le sont pas par le biais d’une loi mais bien d’un Arrêté Royal. Certes, l’article X.28 §2 du CDE prévoit explicitement cette possibilité. On peut toutefois s’interroger sur la méthode et la confusion qui pourra en résulter de ce type d’initiatives, dès lors que, désormais, dans un même texte du Code de Droit Économique, on y trouvera des dispositions qui ont force de loi et d’autres qui ne l’ont pas. L’analyse des conséquences d’une telle différence dépasse le cadre de cette note mais gageons que d’autres s’en chargeront.

Date d’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation

L’Arrêté Royal entre en vigueur le 1er jour du 6ème mois suivant sa publication. Comme cet Arrêté Royal a été publié le 11 septembre 2024, les nouvelles exigences s’appliqueront dès lors aux DIP établis pour les nouveaux accords de partenariats commerciaux conclus à partir du 1er mars 2025 ainsi que pour les renouvellements d’accords de partenariat commerciaux en cours intervenant après cette date. Même si l’article X.29 du CDE prévoit la possibilité de produire un document d’information simplifié en cas de renouvellement d’un accord de partenariat ou la conclusion d’un nouvel accord de partenariat entre mêmes parties, voire en cas de modification de contrat de partenariat, on sera donc attentif à tenir compte de ces nouvelles mesures.

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1 Moniteur belge du 11/09/2024 p. 107081 et ss, https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article.pl?language=fr&sum_date=2024-09-11&lg_txt=f&caller=sum&s_editie=2&2024008108=9&numac_search=2024008108&view_numac=

2 Voir art. X.28 §1er 1° du CDE

3 Voir art. X.28 § 1, 2° du CDE

4 https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article.pl?language=fr&sum_date=2024-03-21&lg_txt=f&caller=sum&s_editie=1&2024002118=1&numac_search=2024002118&view_numac=2024008108f

5 art. 205 Loi du 09/02/2024

6 https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article.pl?language=fr&sum_date=2024-09-11&lg_txt=f&caller=sum&s_editie=2&2024008108=9&numac_search=2024008108&view_numac=

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